Lorsqu'un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, il bénéficie d'un droit au reclassement. L'employeur est tenu de rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10).
L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10).
Par ailleurs, une jurisprudence constante exige que la proposition d'un reclassement soit sérieuse et loyale (Cass. soc., 21 mai 2008, n°07-41.277, Cass. soc., 13 mai 2015, n° 13-27 774, Cass. soc.,26 janv.2022, n°20-20.369).
Pour écarter la préconisation du médecin du travail de proposer un poste en télétravail, l'employeur peut-il opposer le fait que l'entreprise n'a pas mis en place cette forme d'organisation du travail dans l'entreprise ? La Cour de cassation , pour la première fois à notre connaissance, tranche cette question.
En l'espèce, une salariée secrétaire médicale responsable d'un service de santé au travail, avait été déclarée inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude précisait qu'elle ''pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2jours par semaine) en télétravail avec aménagement du poste approprié'' ;
L'employeur licencie la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Cette dernière conteste la validité de son licenciement et demande des dommages-intérêts.
La cour d'appel lui fait droit au motif que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en n'aménageant pas le poste occupé par la salariée en télétravail. Elle estime que l'aménagement de poste de la salariée par sa transformation en un emploi à domicile faisait partie intégrante de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur.
L'employeur forme un pourvoi. Il défend l'argument selon lequel l'employeur n'est pas tenu de créer spécifiquement un poste adapté aux capacités du salarié. Il considère qu'il ne peut se voir imposer d'aménager en télétravail le poste de la salariée que si le télétravail a été mis en place au sein de l'entreprise. Or il n'existait aucun poste en télétravail au sein du centre de santé au travail. En outre, le télétravail ne serait pas compatible avec l’activité de la salariée qui requiert le respect du secret médical.
La Cour de cassation rejette l'argumentation de l'employeur et confirme l'arrêt d'appel. Elle relève que les missions de la salariée à son poste de « coordinateur » ne supposaient pas l'accès aux dossiers médicaux et, étaient susceptibles d'être pour l'essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail. Elle ajoute qu'il n'est pas nécessaire que le télétravail soit mis en place dans l'entreprise pour être proposé au salarié dans la mesure où l'aménagement d'un poste en télétravail peut résulter d'un avenant au contrat de travail.
Il en résulte que l'employeur n'avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement.
Remarque
la Cour de cassation avait déjà admis que l'employeur manquait à son obligation de reclassement lorsqu'il ne proposait pas au salarié déclaré inapte un poste en télétravail alors que cette mesure était une préconisation du médecin du travail sauf à justifier de l'impossibilité du recours au télétravail (Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 11-28.898 ; Cass. soc., 23 sept. 2014, n° 13-12.663). Mais c'est la première fois qu'elle précise que l'obligation de proposer un poste de télétravail s'applique même si le télétravail n'est pas mis en place dans l'entreprise.