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18 février 2025
L'incidence d'un classement en invalidité ou d'un nouvel arrêt de travail suite à l'inaptitude et la sanction de l'absence de notification des motifs de non reclassement ou de l'absence de la reprise de salaire sont parmi les points précisés par les derniers arrêts de la Cour de cassation.

Le tableau ci-après présente une synthèse des arrêts de la Cour de cassation rendus entre le 18 décembre 2024 et le 12 février 2025 en matière d'inaptitude.

Problématique

Solution de la Cour de cassation

Classement en invalidité 2e catégorie

  • Dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie, sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise, laquelle met fin à la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 15 déc. 2016, n° 14-25.714 ; Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-21.440).

  • L'employeur peut-il échapper à cette obligation si le salarié continue de délivrer des arrêts de travail ?

  • Non. En l’absence de visite de reprise, le salarié peut demander une indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail et la résiliation judiciaire du contrat de travail pour non-respect de l’obligation de reclassement au titre de la procédure d’inaptitude. L'employeur ne peut invoquer le fait que la visite de reprise ne peut avoir lieu qu'à l'issue des arrêts de travail.

  • Cette solution, qui s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence constante d'arrêts non publiés, peut surprendre juridiquement dans la mesure où le code du travail ne prévoit pas ce cas de figure mais elle permet de mettre fin à une situation incertaine.

  • Cass. soc., 18 déc. 2024, n°23-16.280

Nouvel arrêt de travail après le constat d'inaptitude

Lorsqu’un salarié délivre un nouvel arrêt de travail après un constat d’inaptitude d'origine non professionnelle, comment est-il indemnisé ? A-t-il droit au maintien de salaire par l’employeur ?

  • La délivrance d’un nouvel arrêt de travail du salarié après le constat de son inaptitude par le médecin du travail, n’a pas pour conséquence d’ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime applicable à l'inaptitude.

  • Par conséquent, la suspension du contrat a pris fin à la date de la visite de reprise constatant l’inaptitude. A compter de cette date, le salarié est sous le régime de l'inaptitude et la suspension du contrat de travail ouvrant droit au maintien du salaire avait pris fin. Le salarié bénéficie des indemnités journalières de sécurité sociale mais n’a pas droit au complément de salaire au titre du maintien de salaire prévu à l’article L.1226-1.

  • Cass. soc., 29 janv. 2025, n° 23-18.585

Mention de l'avis d'inaptitude

  • L'employeur est dispensé de l'obligation de reclassement du salarié déclaré inapte lorsque l'avis d'inaptitude délivré par le médecin porte la mention « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (C. trav., art. L. 1226-2-1).

  • Qu'en est-il lorsque le médecin n'a pas repris à l'identique l'une de ces 2 mentions mais a indiqué : « l'état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l'entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste » ?

  • Le fait que la mention de l'article L. 1226-2-1 ne soit pas reprise à l'identique par le médecin du travail dans l'avis d'inaptitude n'a pas été considéré par les juges comme remettant en cause la dispense de reclassement au motif qu'ils ont considéré que cette mention était équivalente.

  • Cass. soc., 12 févr. 2025, n° 23-22.612

Obligation de notifier les motifs de l'impossibilité de reclassement

  • Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il doit lui faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement (C. trav., art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

  • L'inobservation par l'employeur de cette obligation cause-t-elle automatiquement un préjudice ouvrant droit à indemnisation ?

  • Non. L’inobservation par l’employeur de l’obligation de notifier au salarié les motifs qui s'opposent au reclassement n'est sanctionnée par des dommages-intérêts que si le salarié fait état et justifie l’existence d’un préjudice. L’existence d’un préjudice relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

  • Des arrêts antérieurs considéraient au contraire que ce manquement impliquait un préjudice à réparer (Cass. soc., 24 janv. 2001, n°99-40.263). Ce revirement est dans la droite ligne de la jurisprudence du 13 avril 2016 remettant en cause le principe du « préjudice automatique » . 

  • Cass. soc., 29 janv. 2025, n°23-17.647.

Reprise du salaire à l'expiration du délai d'un mois

  • A l'issue du délai d'un mois à compter de la date de la visite de reprise, si le salarié déclaré inapte n'est ni reclassé ni licencié, l'employeur doit reprendre le paiement du salaire (C. trav., art. L. 1226-4).

  • En l'absence de reprise du salaire, le salarié est-il fondé à demander la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ?

  • Oui. Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. Tel est le cas en l'espèce dans la mesure où les juges ont constaté que le salarié avait été privé de 37 197,60 euros outre les congés payés afférents à 5 mois de travail.

  • Cass. soc., 18 déc. 2024, n°23-11.507

Indemnité de préavis en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

  • En cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, le salarié a droit à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail (C. trav., art. L. 1226-14).

  • Le salarié peut-il demander le montant de l'indemnité conventionnelle de préavis ?

  • Non. Le salarié a droit au montant de l'indemnité légale de préavis prévue à l'article L. 1 234-5 du code du travail et non au paiement de l'indemnité conventionnelle de préavis prévue par la convention collective applicable à l'entreprise.

  • Cass. soc., 18 déc. 2024, n°23-15.897

Inaptitude résultant de faits de harcèlement

  • Le licenciement pour inaptitude d’un salarié peut être frappé de nullité lorsqu’il est démontré que le harcèlement sexuel ou moral subi par le salarié est à l’origine de l’inaptitude (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-16.515 ; Cass. soc., 18 mars 2014, n° 13-11.174).

  • Est-il nécessaire d'établir un lien de causalité entre l'inaptitude et le harcèlement ?

  • Non. Il suffit que les juges du fond relèvent que l'inaptitude est la conséquence directe du harcèlement moral subi par le salarié. Tel était le cas en l'espèce où les juges avaient relevé les faits suivants : l'existence d'agissements de harcèlement moral était caractérisée ; l'employeur n'avait pris aucune mesure utile propre à régler une situation dont il n'ignorait pas qu'elle causait au salarié nécessairement une souffrance morale ayant participé à la dégradation de son état de santé ; le salarié avait produit des certificats médicaux qui établissaient sa dépression réactionnelle.

  • Cass. soc., 22 janv. 2025, n° 23-20.459

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Nathalie LEBRETON
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