Actualité
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11 janvier 2023
Les dispositions de l'accord RTT du 5 septembre 2003 de la CCN Commerces de détail non alimentaires relatives au forfait annuel en jours ne sont pas jugées suffisantes pour garantir aux salariés une amplitude et une charge de travail raisonnables.

Depuis 2011, la Cour de cassation apprécie la compatibilité des forfaits annuels en jours aux normes européennes en fonction des dispositions conventionnelles : les accords collectifs, de branche notamment, doivent ainsi prévoir des garanties suffisantes pour la santé des salariés soumis à ce type de forfaits. La Cour juge ainsi que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (voir notamment Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107 et Cass. soc., 8 nov. 2017, n° 15-22.758).

Remarque

signalons que la loi Travail du 8 août 2016 a, pour tenir compte de cette jurisprudence, ajouté de nouvelles mentions obligatoires au contenu de l'accord collectif préalable à la conclusion de conventions de forfait annuel en jours : modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ; modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération et l'organisation du travail dans l'entreprise ; modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (article L.3121-64 du code du travail).

La Cour de cassation poursuit son examen des accords de branche en la matière. Après s'être déjà prononcée sur la conformité de nombreux accords (notamment, métallurgie, chimie, bureaux d'études techniques, BTP, banques, import-export) au regard de ces exigences, elle vient d'examiner, dans un arrêt rendu le 14 décembre dernier, l'article 3.2.1 de l’accord RTT du 5 septembre 2003 conclu dans le cadre de la CCN des commerces de détail non alimentaires. Ce texte autorise, pour les cadres autonomes relevant des catégories 7 à 9 de la classification des emplois, le recours au forfait annuel en jours, sur la base de 213 jours travaillés maximum par an.

Ce dispositif conventionnel répond-il aux conditions posées par la Cour de cassation (et désormais par la loi) ? Non, a répondu la Cour de cassation.

Elle juge que la disposition conventionnelle susvisée se borne à prévoir que le décompte des journées travaillées ou des jours de repos pris est établi mensuellement par l'intéressé, que les cadres concernés doivent remettre, une fois par mois à l'employeur qui le valide, un document récapitulant le nombre de jours déjà travaillés, le nombre de jours ou de demi-journées de repos pris et ceux restant à prendre, qu'à cette occasion doit s'opérer le suivi de l'organisation du travail, le contrôle de l'application du présent accord et de l'impact de la charge de travail sur leur activité de la journée, que le contrôle des jours sera effectué soit au moyen d'un système automatisé, soit d'un document auto-déclaratif et que dans ce cas, le document signé par le salarié et par l'employeur est conservé par ce dernier pendant trois ans et tenu à la disposition de l'inspecteur du travail.

Pour la Cour, l'article 3.2.1 susvisé, qui n'institue pas un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n’est donc pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

La Cour de cassation a donc conclu à la nullité de la convention individuelle de forfait annuel en jours conclue sur le fondement de cette disposition conventionnelle.

Signalons que les partenaires sociaux de la branche ont intégralement réécrit les dispositions conventionnelles relatives au forfait annuel en jours par avenant n° 8 du 3 mai 2022, non encore étendu. Les nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur le premier jour du mois suivant la publication au Journal officiel de l'arrêté d'extension de l'avenant n° 8, prévoient désormais une série de mesures destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis à un forfait en jours, et notamment :

  • l'établissement par le salarié, avant le début de chaque période d'activité, d'un planning prévisionnel comportant le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées et des journées ou demi-journées non travaillées ainsi que leur qualification ;
  • l'établissement par le salarié, à l'issue de chaque période d'activité, d'un document indiquant sa charge de travail pour chaque journée ou demi-journée réellement travaillée au cours de la période écoulée ;
  • un suivi de l'activité réelle du salarié effectué régulièrement et au moins une fois par trimestre ;
  • l'organisation d'au moins deux entretiens annuels formalisés entre le salarié et son supérieur hiérarchique afin d'évoquer la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'amplitude des journées d'activité, le suivi de la prise des jours de repos, la répartition et l'organisation du travail et des déplacements professionnels, l'articulation vie professionnelle/vie personnelle et familiale, l'incidence des technologies de communication et la rémunération ;
  • un dispositif d'alerte permettant au salarié d'avertir, à tout moment et par écrit, sa direction en demandant un entretien supplémentaire, en cas de difficultés liées notamment à une surcharge de travail ou de difficultés dans l'organisation du travail ;
  • un droit à la déconnexion des outils numériques professionnels.
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