Cette question était restée sans réponse depuis l'ordonnance relative au CSE du 22 septembre 2017 : qui paie pour l'expertise du CSE pour l'examen du rapport annuel relatif à la participation ?
Nouvelles règles de financement des expertises du CSE
Le financement exclusif de l'employeur devient l'exception...
En effet, l'ordonnance relative au CSE a profondément remanié les règles relatives au financement des expertises du CSE. Depuis lors, la règle est celle du cofinancement des expertises, le CSE devant rémunérer son expert sur son budget de fonctionnement à hauteur de 20 % de son coût. Quelques exceptions subsistent et l'employeur paie la totalité des expertises (C. trav., art. L. 2315-80) :
- relevant des consultations sur la politique sociale et les conditions de travail, sur la situation économique et financière de l'entreprise et en matière de licenciement économique collectif (expert-comptable) ;
- en cas de risque grave (expert habilité).
Remarque
sont aussi financées entièrement pas l'employeur l'expertise dans le cadre de la recherche d'un repreneur, et celle en vue de préparer la négociation sur l'égalité professionnelle dans les entreprises de 300 salariés et plus, en l'absence de tout indicateur relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes notamment sur les écarts de rémunération dans la BDESE. En outre, l'employeur finance les expertises normalement cofinancées lorsque le budget de fonctionnement du CSE est insuffisant pour couvrir le coût de l'expertise et n'a pas donné lieu à un transfert d'excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l'article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes.
Enfin, l'article L. 2315-81 du code du travail prévoit que le CSE peut faire appel à tout type d'expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.
...et le financement de l'expertise relative au rapport de participation n'est pas tranché
Cependant, si l'expertise dans le cadre de l'examen du rapport relatif à l'accord de participation (rappelons que dans les entreprises où est constituée une réserve spéciale de participation, l'employeur doit remettre au comité, 6 mois après la clôture de chaque exercice, un rapport relatif à l'accord de participation) a bien été reprise pour le CSE, l'article D. 3323-14 du code du travail n'a pas modifié le renvoi relatif à son financement. Ainsi, il est renvoyé à l'article L. 2325-35 du code du travail, lequel concerne les expertises du comité d'entreprise et est abrogé. Cet article prévoyait la prise en charge de cette expertise par l'employeur.
Si les commentateurs optaient plutôt pour un financement exclusif de l'employeur, un doute demeurait, notamment en raison du principe de cofinancement.
Financement de l'expertise du CSE sur la participation
Pour le tribunal judiciaire : l'expertise est à la charge exclusive du CSE...
Dans cette affaire, dans le cadre de la communication annuelle du rapport sur la réserve spéciale de participation (C. trav., art. D. 3323-13), le CSE vote le recours à un expert pour l'assister dans l'examen de ce calcul et désigne un cabinet d'expertise à cet effet.
Le comité saisit le président du tribunal judiciaire afin de juger que cette expertise, votée sur le fondement de l'article D. 3323-14 du code du travail, est une expertise légale et doit être prise en charge intégralement par l'employeur.
De son côté, la société saisit aussi le président du tribunal judiciaire afin de juger qu'elle n'a pas l'obligation légale de prendre en charge l'expertise votée par le comité au titre de l'article D. 3323-14 du code du travail qui doit être à la charge exclusive du comité, ou à titre subsidiaire la réduction du coût prévisionnel de l'expertise.
Le tribunal judiciaire donne raison à l'employeur, et décide que cette expertise est à la charge exclusive du CSE. Pour le juge, seules les expertises mentionnées au 1° de l'article L. 2315-80 du code du travail sont intégralement financées par l'employeur, et l'expertise prévue par l'article D. 3323-14 du code du travail n'y est pas mentionnée. De plus, aucune disposition légale ne prévoit plus le financement de celle-ci par l'employeur. Enfin, le tribunal ajoute que l'expertise objet du litige a lieu dans le cadre d'une procédure d'information alors qu'aucune des dispositions légales en vigueur relatives au financement en tout ou partie par l'employeur ne concerne une expertise dans le cadre d'une information du CSE.
... mais la Cour de cassation tranche pour une expertise financée par l'employeur
Mais pour la Cour de cassation, « les dispositions de l'ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au recours à un expert-comptable par le comité d'entreprise, désormais abrogé, auxquelles l'article D. 3323-14 renvoie, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l'entreprise » précisant, à l'ancien article L. 2315-40, que l'expert-comptable est rémunéré par l'entreprise ».
Il en résulte que l'expertise, décidée par le CSE appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation devant lui être présenté par l'employeur dans les 6 mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'article L. 2315-88 du code du travail.
Cette expertise ne relève donc pas du champ d'application de l'article L. 2315-81 prévoyant le financement exclusif de l'expertise par le CSE pour l'assister dans la préparation de ses travaux.
En conséquence, l'expert-comptable désigné par le CSE en vue de l'assister pour l'examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l'employeur selon les modalités de l'article L. 2315-80, 1°, du code du travail.
La Cour de cassation confirme donc bien sa jurisprudence antérieure à l'ordonnance relative au CSE (Cass. soc., 28 janv. 2009, n° 07-18.284).
Remarque
il nous semble que cette expertise sur la participation reste autonome, même si la Cour de cassation la rattache à celle sur la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l'entreprise. En effet, l'expertise est bien prévue par un article spécifique. Et cet article D. 3323-14 du code du travail prévoit que lorsque le CSE est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation, les questions ainsi examinées font l'objet de réunions distinctes ou d'une mention spéciale à son ordre du jour. Il n'est nullement rattaché à la consultation sur la situation économique et financière. Enfin, ce rapport comporte les éléments servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation et des indications précises sur la gestion et l'utilisation des sommes affectées à cette réserve. Or, ces dernières n'ont pas été intégrées à la BDESE. Même s'il est possible de faire le choix d'intégrer ces informations dans la BDESE, ce rapport constituant une information récurrente, un rapport ad hoc doit donc bien être établi et présenté au CSE dans le cadre d'une information spécifique, laquelle doit avoir lieu dans un certain délai (6 mois qui suivent la clôture de chaque exercice), ce qui ne correspond pas forcément avec la consultation sur la situation économique et financière et son expertise y afférente. Il semble que ce soit ce délai de présentation du rapport, lié à la clôture de l'exercice, qui justifie que la Cour de cassation considère que cette expertise « participe de la consultation sur la situation économique et financière de l'entreprise ».