Le délit d'atteinte à la vie privée, pénalement réprimé par l'article 226-1 du Code pénal, est passible des peines d'amende et d'emprisonnement. Dans le cadre de l'entreprise, ces dispositions permettent d'incriminer toute atteinte, qu'elle soit commise par un salarié ou par l'employeur.
Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, pour être constitué, ce délit suppose non seulement l'enregistrement au moyen d'un appareil quelconque, des paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans son consentement, mais encore que les propos en cause concernent l'intimité de la vie privée de cette personne. En conséquence, cette infraction n’a pas pu être retenue à l'encontre d'un salarié auquel il était reproché d'avoir capté les propos tenus par son employeur, dans le bureau de celui-ci, au cours d'entretiens portant sur le licenciement d’un salarié dès lors que, pour cet employeur, ces propos revêtaient un caractère professionnel et n'étaient pas de nature à porter atteinte à l'intimité de sa vie privée (Cass. crim. 16-1-1990 n° 89-83.075 P). En revanche, l'employeur porte atteinte à l'intimité de ses salariés en dissimulant un magnétophone fonctionnant en permanence dans le faux plafond d'un bureau (Cass. crim. 24-1-1995 n° 94-81.207).
Un délégué syndical enregistre son employeur au cours d'un entretien préalable au licenciement
En l’espèce, un délégué syndical a assisté un salarié lors de son entretien préalable au licenciement et a enregistré la conversation avec le directeur général à l’insu de ce dernier. L’employeur prétend alors que le délit d'atteinte à la vie privée est bien constitué sans qu’il soit nécessaire que les paroles captées soit de nature intime.
Mais, pour la chambre d’instruction de la cour d’appel, le délégué syndical n’a pas commis de faute car l’entretien entre dans le cadre de la seule activité professionnelle de l’employeur. Dès lors, l’enregistrement n’est pas de nature à porter atteinte à l’intimité de sa vie privée quand bien même les propos enregistrés auraient été tenus dans un lieu privé.
La Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond et confirme ainsi la jurisprudence antérieure.
A noter :
Relevons que la jurisprudence a également retenu l’absence d’un tel délit lorsque l’enregistrement est le fait d’un salarié à l’égard de ses collègues dès lors que l’enregistrement portait sur la seule activité professionnelle de ces salariés (Cass. crim. 14-2-2006 n° 05-84.384 F-PF).
Quelle articulation avec la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ?
Bien que les faits commis par le salarié ne soient pas pénalement répréhensibles, ils revêtent néanmoins un caractère déloyal qui pourrait être sanctionné au plan civil (voir, par exemple, CA Douai 23-6-2004 n° 03-3111).
La question se pose en outre de savoir si l'enregistrement de l'entretien à l'insu de l'employeur serait recevable, à titre de preuve, devant le juge prud'homal saisi d'un contentieux relatif au licenciement. Un tel procédé, déloyal, rend en principe la preuve irrecevable (en ce sens, Cass. soc. 6-2-2013 n° 11-23.738 FP-PB). Mais la Cour de cassation admet, sous certaines conditions, la production d'éléments portant atteinte à la vie personnelle si elle est indispensable à l'exercice du droit à la preuve et que l'atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi (voir Cass. soc. 8-3-2023 n° 21-20.798 FS-D, 21-17.802 FS-B et 21-20.848 FS-B).
Documents et liens associés
Cass. crim. 12-4-2023 n° 22-83.581 F-D
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