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20 octobre 2022
La décision par laquelle le comité mandate un de ses membres pour le représenter en justice afin de garantir l'exécution de la décision du comité de recourir à un expert dans le cadre d'une consultation sur un projet important constitue une délibération sur laquelle seuls les membres élus doivent se prononcer, à l'exclusion du président du comité.

La question du vote de l'employeur, président du CSE, est souvent d'application délicate dans la pratique. Le code du travail prévoit que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel (C. trav., art. L. 2315-32, al. 2).

Une abondante jurisprudence a tranché certaines questions, quand d'autres font l'objet de décisions incertaines. Plusieurs sujets, n'ont pas encore été tranchés par les juges. C'est notamment le cas de la participation de l'employeur lorsque le CSE vote le mandat d'un de ses membres pour agir en justice.

Cette décision publiée de la Cour de cassation du 19 octobre 2022 se prononce sur cette question.

Opposition de la direction à une expertise du comité sur un projet important

Dans cette affaire, un projet est soumis au CHSCT. Dans ce cadre, les représentants élus ont dénoncé des dysfonctionnements du comité, souhaitant ajouter le point « Fonctionnement du CHSCT »  à l'ordre du jour. Une nouvelle réunion se tient une semaine plus tard, à laquelle un seul élu du comité se présente. Il vote, seul, d'une part le recours à une expertise dans le cadre du projet important présenté au comité, et d'autre part le mandat de représentation en justice du comité pour garantir l'exécution de la délibération concomitante de recours à expertise dans le cadre de la consultation du comité sur le projet important.

La direction refuse de collaborer à l'expertise et ne produit pas les documents demandés. Le CHSCT fait donc assigner la société devant le juge des référés. Mais la nullité de cette assignation est prononcée, au motif que la question de la désignation  d'un représentant du comité pour agir en justice, distincte de la question du vote d'une délibération relative au recours à une expertise, constitue une mesure relevant des modalités de fonctionnement du comité qui doit être prise à l'issue d'une délibération collective à laquelle doit prendre part son président.

En d'autres termes, l'employeur aurait dû voter pour la désignation du représentant du comité comme mandataire pour agir en justice pour faire respecter la délibération de désignation de l'expert.

Pas de participation du président au vote du mandat pour représenter le comité en justice

Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord.

Elle explique que « si les décisions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ».

Il en résulte que la décision par laquelle le comité qui, « dans le cadre d'une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité, a décidé du recours à une expertise, mandate un de ses membres pour agir et le représenter en justice pour garantir l'exécution de la décision de recourir à un expert constitue une délibération sur laquelle les membres élus doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l'exclusion du chef d'entreprise, président du comité ».

Ainsi, l'employeur, en tant que président du comité, n'a pas à voter ce mandat de représentation en justice. La délibération et valable, ainsi que  l'assignation délivrée en application.

La solution s'applique bien sûr quelle que soit la consultation et/ou l'expertise en cause.

NDLR

la portée de la solution semble toutefois cantonnée au vote d'un mandat dans le cadre d'une consultation et/ou d'une expertise du CSE. Ce n'est pas, nous semble-t-il, l'ensemble des mandats d'action en justice qui sont visés indistinctement, même si ce sont les plus courants. Ainsi, il n'est pas certain que l'employeur soit écarté dans le cadre du vote d'un mandat permanent d'action en justice, habilitant un membre du CSE à intenter toute action au nom du CSE ; ou encore dans le cadre d'une action en justice déterminée contre un tiers, en dehors de toute consultation du CSE, par exemple pour un contentieux concernant un contrat avec un tiers. Toutefois, la jurisprudence relative au droit de vote de l'employeur dans le cadre de désignations n'est pas uniforme : s'il est certain qu'il peut voter pour la désignation du secrétaire ou du trésorier (par exemple, Cass. soc., 10 juill. 1991, n° 88-20.411 ; Cass. crim., 14 juin 2022, n° 21-82.443 ; Cass. soc., 25 sept. 2013, n° 12-14.489), il ne vote pas par exemple pour la désignation de représentants au conseil de surveillance ou d'administration (Cass. soc., 5 mai 1983, n° 81-16.787) ou encore pour la désignation des représentants du comité d'établissement au comité central d'entreprise (Cass. soc., 21 juill. 1976, n° 76-60.072). La solution mérite donc d'être précisée à cet égard.

Solution transposable au CSE

La solution apparaît comme transposable au CSE. En effet, la décision est rendue au visa des alinéas 2 et 3 de l'article L. 4614-2 prévoyant que les décisions du CHSCT portant sur ses modalités de fonctionnement et l'organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, et que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel.

Or, si cet article est abrogé et que le CSE a succédé au CHSCT, les dispositions de l'article L. 2315-32 sont quasi identiques. En particulier, la règle précisant que le président ne participe pas au vote lorsqu'il consulte les membres élus en tant que délégation du personnel.

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