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25 mai 2022
Le Bulletin officiel de la sécurité sociale s’enrichit d’une nouvelle rubrique consacrée aux effectifs. L’occasion pour l’administration d’instituer des règles nouvelles de décompte de certains salariés.
L’effectif sécurité sociale éclairé par le BOSS
©Gettyimages

Loin d’être un simple rappel des règles applicables, la nouvelle rubrique Effectifs du BOSS non seulement éclaire certains points mais aussi comble certains manques de la législation en instituant des modalités particulières de décompte pour certains salariés (forfaits jours inférieurs à 218 jours, salariés intermittents, pigistes, etc.).

Nous dressons un panorama des principales nouveautés repérées dans cette rubrique qui entrera en vigueur le 1er août 2022.

A noter :

La nouvelle rubrique du BOSS relative aux effectifs est en consultation publique jusqu’au 15 juin 2022. Jusqu’à cette date des remarques et questions peuvent être transmises à l'adresse suivante : boss@sante.gouv.fr. La rubrique qui entrera en vigueur le 1er août 2022 pourrait donc être une version légèrement remaniée pour tenir compte de ces contributions.

Seuils concernés

La rubrique Effectifs du BOSS décrit les modalités de comptabilisation des effectifs prévues par les articles L 130-1, R 130-1 et R 130-2 du CSS. Les modalités décrites sont applicables à l’ensemble des dispositifs prévus par le Code de la sécurité sociale ainsi qu’à l’OETH (obligation d’emploi des travailleurs handicapés) et au versement mobilité. Seules les règles générales sont ici signalées. 

A noter :

Le BOSS liste les seuils concernés en se limitant aux seuils susceptibles d’être mis en œuvre ou vérifiés par les Urssaf, les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) et les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) dans le cadre de leurs missions de recouvrement (BOSS-Eff.-40).

D’autres seuils sont juridiquement soumis aux articles L 130-1, R130-1 et R 130-2 du CSS en vertu de textes spécifiques (seuil de 20 salariés au-delà duquel une contrepartie en repos de 100 % est obligatoire en cas de dépassement du contingent d’heures supplémentaires, seuil de 50 salariés à partir duquel un local de restauration est obligatoire, etc.). Toutefois, ne relevant pas du champ de compétence des organismes de recouvrement, ils ne sont pas cités par le BOSS.

Établissements et salariés pris en compte

L’effectif tient compte de tous les établissements situés en France

Le BOSS rappelle que l’effectif s’apprécie au niveau de l’entreprise, c’est-à-dire de l’ensemble de ses établissements.

Il apporte en outre les précisions suivantes :

– pour les entreprises : seuls les établissements situés sur le territoire français sont pris en compte, que l’entreprise soit française ou étrangère (BOSS-Eff.-50-70-80)  ; 

– pour les autres employeurs (collectivités, associations, ...) : les mêmes modalités sont applicables (BOSS-Eff.-50) ;

– pour les œuvres nationales de bienfaisance, le calcul de l’effectif s’effectue également au niveau de l’entreprise et non au niveau de chaque centre d’activité autonome de l’œuvre nationale de bienfaisance (BOSS-Eff.-60).

L’effectif tient compte des expatriés en France mais pas des expatriés à l’étranger

Selon le BOSS, les salariés expatriés en France sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise lorsqu’ils sont assujettis au régime général de sécurité sociale français à titre obligatoire (BOSS-Eff.-250).

En revanche, les salariés français expatriés sont exclus de l’effectif dès lors que leur affiliation au régime français de sécurité sociale n’est pas maintenue (BOSS-Eff.-280).

Les agents publics détachés sont pris en compte par l’entreprise d’accueil mais pas les agents mis à disposition

Les agents publics détachés dans une autre structure (publique ou privée) sont comptabilisés dans l’effectif de la structure d'accueil et exclus du calcul des effectifs de leur administration d’origine pendant toute la durée du détachement (BOSS-Eff.-340).

En revanche, les agents publics mis à disposition dans une autre structure (publique ou privée) sont comptabilisés dans l’effectif de leur administration d’origine et sont exclus du calcul des effectifs de l’entreprise d’accueil pendant toute la durée de la mise à disposition (BOSS-Eff.-330).

La désignation d’un mandataire ne constitue pas une embauche

Selon le Code de la sécurité sociale, l’effectif à prendre en compte pour l’année de création du premier emploi salarié titulaire d’un contrat de travail correspond à l’effectif présent le dernier jour du mois au cours duquel a été réalisée cette première embauche.

Le BOSS souligne que la désignation du mandataire social n'est pas considérée comme une embauche pour l’application de ce principe (BOSS-Eff.-130).

A notre avis :

Cette précision est logique puisque les mandataires sociaux ne sont plus pris en compte dans l’effectif sécurité sociale, sauf s’ils sont titulaires d’un contrat de travail.

En cas de transfert d’entreprise, les modalités spécifiques de calcul concernent les deux entreprises

En cas de modification juridique dans la situation de l’employeur (succession, vente, fusion, création, transformation de fond, mise en société de l’entreprise), l’effectif à prendre en compte l’année du transfert correspond à l’effectif présent au dernier jour du mois au cours duquel est réalisé le transfert des contrats. Selon le BOSS, l'effectif est déterminé ainsi pour les deux entreprises concernées (BOSS-Eff.-220).

S’agissant de la date d’effet de cet effectif, le Bulletin officiel apporte un éclairage intéressant. Selon lui, il n'y a pas de rétroactivité de ce nouvel effectif au 1er janvier de l'année considérée. Ainsi (BOSS-Eff.-230) :

  • l’effectif résultant du transfert est à prendre en compte à compter du 1er jour du mois au cours duquel a été réalisée la modification juridique (sans tenir compte le cas échéant des dates d'effet rétroactives de cet acte) jusqu'au 31 décembre de l’année du transfert ;
  • l’effectif à prendre en compte du 1er janvier au dernier jour du mois précédant le mois du transfert est l’effectif annuel, soit l’effectif correspondant à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente.

Exemple :

Au cours de l’année 2020, un employeur emploie 3 salariés à temps plein sur les mois de janvier à mars, puis 5 salariés à temps plein sur le mois d’avril, puis 4 salariés à temps plein sur les mois de mai à décembre.

L’effectif à prendre en compte pour l’année 2021 en l'absence de toute modification est donc égal à 3,83 – (3+3+3+5+4+4+4+4+4+4+4+4) /12.

Toutefois, le 15 mai 2021, à la suite d’une fusion, 5 salariés à temps plein sont transférés au sein de la société. Celle-ci employant déjà 4 salariés, au 31 mai 2021 l’effectif est de 9 salariés.

L’effectif à prendre en compte pour l’année 2021 est donc finalement de 3,83 du 1er janvier au 30 avril et de 9 du 1er mai au 31 décembre.

L’effectif à prendre en compte pour l’année 2022 correspond à la moyenne du nombre de personnes effectivement employées sur chacun des mois de l’année 2021.

Modalités de décompte des salariés

Les forfaits jours réduits donnent lieu à proratisation…

Pour le BOSS, les salariés en convention individuelle de forfait en jours réduit sont retenus au prorata de leur durée de travail selon la formule suivante (BOSS-Eff.-360) :

Nombre de jours inscrits dans la convention de forfait/218 (ou, si elle est inférieure à 218, durée équivalente à un temps plein fixée par convention ou accord collectif de travail).

A noter :

Ces nouvelles modalités s’appliqueront rétroactivement à partir du 1er janvier 2022 (BOSS-Eff. 410).

…de même que le travail par intermittence

Pour certains salariés dont le contrat de travail comprend à la fois des phases d’activité et des phases d’inactivité, le BOSS admet de ne prendre en compte, pour déterminer leur quotité dans l’effectif de l'entreprise, que les phases d'activité.

A noter :

Ces nouvelles modalités s’appliqueront rétroactivement à partir du 1er janvier 2022 (BOSS-Eff. 400).

Sont concernés (BOSS-Eff.-390) :

  • les contrats de travail à durée indéterminée intermittent (CDII) ;
  • les formateurs occasionnels en CDI intermittent avec une activité fluctuante sur l’année ;
  • les contrats d’engagement éducatif (CEE) ;
  • les salariés portés, qui alternent des phases d’activité et d’inactivité en fonction des besoins des entreprises clientes.

Ces salariés sont comptabilisés selon les modalités suivantes (BOSS-Eff.-400) :

Quotité d'activité rémunérée pour le mois (en jours ou en heures) /Quotité d'activité équivalente à un temps plein sur la période considérée (en jours ou en heures)

La quotité d’activité équivalant à un temps plein sur la période considérée est de 21,67 si la donnée est exprimée en jours (5 x 52/12) ou de 151,67 si elle est exprimée en heures (35 x 52/12).

Exemple :

Le contrat de travail d’un formateur occasionnel prévoit 24 jours d’activité dans l’année, à raison de 2 jours par mois.

Pour le mois d’avril, par exemple, il est comptabilisé pour 0,09 unité (2/21,67).

… ou sans durée de travail connue

Pour les personnes dont il n'est pas possible de tenir compte de la durée de travail (artistes au cachet, journalistes pigistes, VRP multicartes, etc.), le BOSS admet qu’elles soient prises en compte au prorata du rapport entre (BOSS-Eff.-420) :

  •  leur rémunération mensuelle soumise à cotisations et contributions de sécurité sociale,
  •  et le Smic mensuel pour la même période.

Le résultat est borné à 1. Lorsque leur rémunération est au moins égale au Smic, ces personnes sont donc prises en compte pour une unité dans les effectifs de l’entreprise (BOSS-EFF.-420).

A noter :

Bien qu’il s’agisse, comme pour les forfaits jours et les salariés intermittents, d’une nouveauté introduite par le BOSS, aucune date d’entrée en vigueur spécifique n’est prévue pour cette mesure. Sauf modification ultérieure du Bulletin officiel, celle-ci devrait donc s’appliquer uniquement à partir du 1er août 2022 (date d’entrée en vigueur prévue pour la rubrique Effectif du BOSS). Reste à savoir toutefois comment les Urssaf l'appliqueront lorsqu'elles calculeront l'effectif moyen de l'entreprise 2022 (communiqué aux entreprises en 2023).

En cas de début ou de fin de contrat en cours de mois, l’effectif correspond à la plus faible des deux valeurs entre :

  • le prorata calculé au regard du Smic ;
  • et le prorata calculé au regard de la durée du contrat sur le mois.

Exemple :

Un pigiste est lié par un contrat de travail à une entreprise de presse à compter du 12 avril 2021. Sur ce mois, il effectue 1 pige pour laquelle il perçoit une rémunération de 200 euros.

Le prorata Smic est le suivant : 200/1 554,58 = 0,13

Le prorata calculé au regard de la durée de contrat est le suivant : 19/30 = 0,63

Sur ce mois, le salarié est donc comptabilisé pour 0,13 (on retient la plus faible des deux valeurs).

Neutralisation des effets du franchissement d'un seuil d'effectif

La neutralisation concerne les transferts d’entreprise mais pas les créations

En application de l’article L 130-1 du CSS, le seuil d’effectif doit avoir été atteint ou franchi à la hausse durant 5 années civiles consécutives pour emporter ses effets sur la situation de l'entreprise.

Pour le BOSS, cette neutralisation des effets du franchissement de seuil ne s’applique pas aux créations d’entreprise avec d’emblée un effectif supérieur au seuil (BOSS-Eff.-500).

En revanche, elle s’applique en cas de franchissement d’un seuil en cours d’année du fait d'un transfert de contrat de travail. Dans ce cas, l’employeur bénéficie de la neutralisation à compter du 1er jour du mois du transfert, pour 5 années consécutives à compter de l’année du transfert des contrats de travail (BOSS-Eff.-530-540)

L’entrée en vigueur de la neutralisation est précisée

Le BOSS éclaire la portée des dispositions de la loi 2019-486 du 22 mai 2019 sur l’entrée en vigueur du mécanisme de neutralisation des effets de seuil.

Pour rappel, la neutralisation sur 5 ans est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Toutefois, en étaient exclues les entreprises se trouvant dans l’une des situations suivantes :

  • entreprise ayant, au 1er janvier 2020, un effectif supérieur ou égal à un seuil et soumise, au titre de l'année 2019, aux dispositions applicables dans le cas d'un effectif supérieur ou égal à ce seuil ;
  • entreprise bénéficiaire, au 1er janvier 2020, de l’un des anciens dispositifs de lissage ou de gel des effets de seuil (ces anciens dispositifs ont en effet continué de s’appliquer aux entreprises qui en bénéficiaient au 31 décembre 2019).

Sont exclues les entreprises dont les effectifs moyens 2019 et 2018 atteignaient déjà un seuil

Pour le premier cas d’exclusion, le BOSS le présente comme suit (BOSS-Eff.-660).

La neutralisation ne s’applique pas aux entreprises :

  • dont l’effectif au 1er janvier 2020 (calculé au regard des données de l’année 2019) est supérieur à un seuil,
  • et qui étaient déjà tenues par l’obligation liée à ce seuil en 2019 eu égard à leur effectif annuel 2019 (calculé au regard des données de l’année 2018).

Le bénéfice d’un ancien dispositif de lissage prive de la neutralisation

Le BOSS rappelle que la neutralisation des effets du franchissement de seuil ne s’applique pas aux entreprises qui bénéficiaient déjà d’une mesure de lissage ou de neutralisation des effets de franchissement d'un seuil au 31 décembre 2019.

Il précise que ces employeurs n'ont pas la possibilité de bénéficier du nouveau délai de 5 ans, y compris lorsque 2019 était la dernière année d’application du dispositif de lissage. Pour ces entreprises, l’ancienne mesure s’applique jusqu’à son terme. Elles sont ensuite directement tenues par l’obligation concernée, sous réserve que l’effectif soit toujours au moins au niveau du seuil (BOSS-Eff.-670).

En cas de baisse puis de hausse d’effectif la neutralisation est applicable

Si les employeurs exclus de la neutralisation franchissent un seuil d'effectif à la baisse à compter du 1er janvier 2020 (sur la base des données de l'année 2019), puis franchissent à nouveau ce seuil à la hausse, la mesure de neutralisation pendant 5 ans leur sera alors applicable (BOSS-Eff.-690).

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BOSS mise à jour du 29-4-2022

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