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3 octobre 2022
Preuve et paiement des heures supplémentaires, requalification d'un contrat de temps partiel ou de travail intermittent en temps plein, limites apportées au complément d'heures et incidences du travail le dimanche sur le forfait jours : ces points ont fait l'objet de précisions récentes par la Cour de cassation.

Le tableau ci-après présente , de manière synthétique, les principaux arrêts de la Cour de cassation rendus en septembre en matière d'organisation du temps de travail.

Type d'organisation du temps de travail

Contexte juridique  et problématique

Faits et solution de l'arrêt

Heures supplémentaires : preuve 

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments (C. trav., art. L. 3171-4).

Que faut il entendre par « éléments de preuve suffisamment précis » ? 

La salariée présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétendait avoir accomplies en soutenant que:

  • sa présence minimale dans l'entreprise correspondait aux horaires d'ouverture de celle-ci dont elle justifiait,

  •  si elle s'absentait dans la journée, elle récupérait les heures non travaillées

  • en sa qualité de secrétaire et d'épouse du gérant, elle travaillait, si nécessaire, les soirs et jours de week-end.

La cour d'appel est fondé à condamner l'employeur à payer des heures non rémunérées .

Cass. soc., 14 sept. 2022, n° 20-22.499

Heures supplémentaires : défaut d'information sur le droit au repos compensateur

Les heures effectuées au delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.(C. trav., art. L. 3121-30).

Quelles sont les conséquences financières lorsque le salarié n'a pas pris ce repos compensateur du fait de la contestation par  l'employeurdes heures supplémentaires ?

Il n'avait pas été accordé à un salarié un repos compensateur en contrepartie des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel fixé dans l'entreprise à 180 heures.

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.

Cass.soc. 21 sept. 2022, n° 21-11.161

Heures supplémentaires : modalités de paiement

Les heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires (ou de la durée considérée comme équivalente), donnent lieu, sauf accord collectif contraire,  à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % (C. trav., art. L. 3121-36).

Est il possible de déduire du montant de la rémunération des heures supplémentaires une prime versée à l'occasion de l'accomplissement de ces heures ?

Le salarié avait demandé le paiement d'heures supplémentaires effectuées lors de déplacements. La cour d'appel lui avait fait droit mais avait déduit du montant de la rémunération de ces heures supplémentaires , le montant de la prime de déplacement perçue par le salarié et aboutissant à une somme nulle.

La Cour de cassation n'est pas de cet avis au motif que « le versement de primes ne pouvait tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ».

Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-11.161

Temps partiel : preuve et requalification

Le contrat à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (C. trav., art. L.3123-6) .

Il en résulte, selon une jurisprudence constante, que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur 

Un salarié a demandé la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein au motif que son contrat ne comportait pas les mentions obligatoires sur la répartition de l'horaire de travail et la durée exacte du travail. Il est débouté par les juges d'appel qui relève que la présomption de temps plein est renversée par  l'employeur qui fait état des emplois du temps et plannings ainsi que des attestations indiquant que les emplois du temps étaient établis en chaque début d'année. Il en déduit que la salariée était informée de ses heures de cours ainsi que des périodes de stage et ajoute que ces documents mentionnaient 33 heures de cours par semaine.

La Cour de cassation n'est pas de cet avis dans la mesure où les juges n'ont pas constaté que l'employeur rapportait la preuve de la durée exacte , hebdomadaire ou mensuelle, convenue.

Cass. soc., 14 sept. 2021, n° 21-12.251

Temps partiel : complément d'heures 

Un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par avenant au contrat de travail, d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat. Les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 % (C. trav., art. L. 3123-22).

Ce dispositif permet il de déroger à l'obligation de l'article l. 3123-9 interdisant d'augmenter le temps partiel jusqu'à un temps complet ?

Un salarié à temps partiel a signé un avenant portant sa durée mensuelle de travail de 86  à 152 heures pendant 11 mois en application d'un dispositif de complément d'heures prévu par la convention collective des entreprises de propreté. Il a demandé la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein. La cour d'appel l'a débouté.

La Cour de cassation est d'un avis contraire. Il y a lieu de combiner les deux textes : l'article L. 3123-22 et L. 3123-9 du code du travail : « Il résulte de la combinaison de ces textes que la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel » , sur le fondement de l'article L. 3123-22 (L. 3123-25 au moment des faits), « ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement".

Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 20-10.701

Travail intermittent : preuve et requalification 

Le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié. Il en résulte qu'en l'absence de cette mention, le contrat est présumé à temps plein et qu'il appartient alors à l'employeur, qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein, d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur (C. trav., art. L. 3123-34)

En cas de requalification d'un contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet en raison de l'absence de ces mentions, l'employeur doit établir qu'il a satisfait à l'obligation de fournir un travail dont il est débiteur du fait de cette requalification. Il n'est pas tenu au paiement du salaire lorsqu'il démontre que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

Comment rapporter cette preuve ? 

Un salarié demande la requalification de son contrat de travail intermittent en contrat à temps plein ainsi qu'un rappel de salaire correspondant aux périodes non travaillées liées à l'intermittence du contrat.

La cour d'appel avait débouté le salarié . Elle requalifie le contrat de travail intermittent en contrat à temps complet  mais limite le montant de la créance de rappel de salaire lié à cette requalification en s'appuyant sur les absences et indisponibilités de la salariée telles qu'elles ressortent du tableau récapitulatif dressé par l'employeur. Elle estime que  la salariée ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant les périodes non incluses dans le contrat.

La Cour de cassation n'est pas de cet avis. Les juges auraient dû rechercher si l'employeur avait démontré avoir rempli l'obligation de fournir un travail  en conséquence de la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet et si la salariée avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à la disposition de l'employeur.

Cass. soc., 21 sept. 2022, n°20-17.627

Forfait en jours : incidence du travail le dimanche

Selon l'article L. 3121-62 (L. 3121-48 au moment des faits) du code du travail,  les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu'un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

Quelle est l'incidence de cette règle lorsque le salarié en forfait jours travaille le dimanche ? 

 

Un salarié en forfait jours réclamait le paiement d'heures supplémentaires pour avoir travaillé le dimanche. Il estimant  qu'une convention de forfait en jours ne peut ni prévoir ni permettre le travail dominical du salarié, de sorte que les heures de travail accomplies le dimanche sont des heures supplémentaires échappant aux règles du forfait et doivent être rémunérées selon le droit commun;

Il est débouté par les juges du fond et la Cour de cassation au motif que la convention de forfait en jours est exclusive de la notion de dépassements d'horaires. Ce n'est que si la convention de forfait est remise en cause, que le salarié serait fondé à demander le paiement d'heures supplémentaires.

Cass. soc., 21 sept. 2021, n° 21-14.106

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Nathalie LEBRETON
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