Actualité
3 min de lecture
25 février 2022
Pour la Cour de cassation, le seul constat d’un dépassement de la durée maximale de travail de 48 heures ouvre droit à réparation.
Le dépassement de la durée maximale de travail cause nécessairement un préjudice au salarié
©iStock

Depuis un arrêt du 13 avril 2016, la Cour de cassation a abandonné sa jurisprudence admettant que certains manquements de l’employeur causent nécessairement un préjudice au salarié (jurisprudence dite « du préjudice nécessaire »). Le salarié qui saisit le juge doit donc apporter des éléments justifiant du préjudice qu’il dit avoir subi, les juges du fond appréciant souverainement la réalité de celui-ci et son évaluation (Cass. soc. 13-4-2016 n° 14-28.293 FS-PBR).

Parmi les exceptions à la règle selon laquelle il faut prouver son préjudice pour être indemnisé…

Toutefois, la chambre sociale admet des cas où la seule violation d’une règle ouvre droit à réparation sans qu’il soit besoin pour le demandeur de faire la preuve d’un préjudice. Il en est ainsi lorsque :

  • le salarié perd de façon injustifiée son emploi (Cass. soc. 13-9-2017 n° 16-13.578 FP-PBRI) ;
  • l’employeur n’a pas mis en place d’institutions représentatives du personnel ou n’a pas accompli les diligences nécessaires à leur mise en place, dans le cadre d’une procédure de licenciement économique ou non (Cass. soc. 17-10-2018 n° 17-14.392 FS-PB ; 25-9-2019 n° 17-22.224 F-D) ;
  • la vie privée du salarié est atteinte (Cass. soc. 12-11-2020 n° 19-20.583 F-D) ;
  • l’intérêt collectif d’une profession est atteint (Cass. soc. 20-1-2021 n° 19-16.283 FS-PI).

… figure désormais le dépassement de la durée maximale hebdomadaire du travail

La Cour de cassation applique désormais également cette exception au dépassement de la durée maximale hebdomadaire.

En l’espèce, un salarié demande des dommages-intérêts à son employeur pour violation de la durée maximale du travail. Les juges du fond rejettent sa demande au motif qu’il ne démontre pas de préjudice.

Leur décision est cassée. Pour la chambre sociale, s’appuyant sur l’article L 3121-35 (devenu L 3121-20) du Code du travail interprété à la lumière de l'article 6-b de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation.

Pour justifier sa décision, la Cour de cassation rappelle que la CJUE juge que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l’article 6-b de la directive 2003/88 constitue en soi une violation de cette disposition sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique. Le dépassement de la durée moyenne maximale, privant le travailleur d’un repos suffisant, lui cause de ce seul fait un préjudice, dès lors qu’il porte atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE 14-10-2010 aff. 243/09, points 53 et 54). Par ailleurs, la CJUE renvoie au droit national des États membres le soin de déterminer la forme de réparation de ce dommage par l’octroi de temps libre supplémentaire ou d’une indemnité financière, ainsi que le mode de calcul de cette réparation (CJUE 25-11-2010 aff. 429/09, point 94).

En conséquence, une cour d’appel ne peut pas débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail au motif qu’il n’a pas suffisamment démontré en quoi ce dépassement lui a porté préjudice.

A notre avis :

La solution dégagée par la Cour de cassation, si elle concerne la durée maximale de travail de 48 heures, peut être étendue à toutes les limites maximales de travail ou minimales de repos, même en l’absence de jurisprudence européenne portant précisément sur ces limites, dès lors qu’un tel dépassement, le privant d’un repos suffisant, porte atteinte à la sécurité et à la santé du salarié.

Documents et liens associés

Cass. soc. 26-1-2022 n° 20-21.636 FS-B, S. c/ Sté Ludo express

Changements importants sur l’acquisition des congés payés en cas de maladie ou d'accident

Une véritable révolution jurisprudentielle : tout arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à congés, la prescription ne court pas si l’employeur est défaillant et les congés non pris avant un congé parental sont conservés. Modification du régime des congés payés : découvrez gratuitement l’analyse de notre rédaction dans Navis Social.

Aller plus loin
ELnet SOCIAL
180 études pour une réponse sûre et opérationnelle et 600 modèles, directement utilisables pour la gestion sociale de l’entreprise
à partir de 267.92€ HT/mois
ELnet SOCIAL