Actualité
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23 octobre 2023
Lorsqu'une entreprise utilisatrice conclut un contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité avec un salarié à l'issue du contrat de mission au cours duquel ce salarié était mis à sa disposition pour le même motif de recours, elle n'a pas à respecter de délai de carence.
Pas de délai de carence entre un contrat de mission et un CDD de surcroît successifs avec un même salarié
©Gettyimages

S'en tenant à la lettre des textes, la chambre sociale de la Cour de cassation juge, pour la première fois à notre connaissance, qu'en cas de succession d'un contrat de travail temporaire et d'un contrat de travail à durée déterminée au bénéfice de l'ancienne entreprise utilisatrice, sans respecter le délai de carence, la requalification des contrats en un contrat à durée indéterminée n'est pas encourue, faute de disposition légale le prévoyant.

Autrement dit, un employeur qui conclut un contrat à durée déterminée après un contrat de mission n'a pas à respecter de délai de carence entre les deux contrats.

En l'espèce, un salarié est mis à la disposition d'une société suivant plusieurs contrats de mission conclus au titre d'un surcroît temporaire d'activité entre le 7 septembre et le 6 novembre 2015. À cette seconde date, il conclut avec la même société, pour le même motif, un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 9 novembre 2015 au 12 février 2016.

Quelques mois plus tard, le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de son CDD en contrat de travail à durée indéterminée en se fondant sur le non-respect du délai de carence qui, selon lui, aurait dû séparer ses contrats de mission de ce CDD.

Sa demande est rejetée en appel, les juges estimant qu'aucune disposition ne prévoit, dans le cas de la succession d'un contrat de travail temporaire et d'un contrat de travail à durée déterminée au bénéfice de l'ancienne entreprise utilisatrice, la sanction de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect du délai de carence.

Saisie d'un pourvoi formé par le salarié, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel au terme d'un raisonnement s'appuyant successivement sur les dispositions légales propres au contrat de travail temporaire, puis sur celles propres au CDD.

Travail temporaire : pas de requalification auprès de l'utilisateur pour non-respect du délai de carence

Tout d'abord, la Cour s'appuie sur le corpus de textes propres au travail temporaire. Si, aux termes de l'article L 1251-36 du Code du travail, l'application d'un délai de carence entre un premier contrat de mission et un second contrat de mission, ou entre un contrat de mission et un CDD, conclus sur le même poste est bien la règle, l'article L 1251-40 du même Code, qui prévoit la requalification du contrat de mission auprès de l'utilisateur au titre de certains manquements qu'il énumère limitativement, n'envisage pas, parmi ceux-ci, la méconnaissance de l'article L 1251-36, autrement dit le non-respect du délai de carence.

A noter :

En revanche, selon la jurisprudence, le non-respect du délai de carence entre 2 missions successives sur le même poste entraîne la requalification du contrat en CDI auprès de l'ETT (Cass. soc. 12-6-2014 n° 13-16.362 FS-PB).

CDD : requalification si un CDD ou un contrat de mission succède à un CDD, et non l'inverse

Ensuite, la Cour rappelle les termes de l'article L 1245-1 du Code du travail, lequel répute à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance de certaines dispositions légales propres au contrat de travail à durée déterminée. Parmi ces dispositions figure l'article L 1243-11, qui stipule que le contrat devient un contrat à durée indéterminée en cas de poursuite des relations contractuelles à l'échéance du terme, mais ce texte ne concerne que la poursuite des relations contractuelles à l'échéance du terme d'un CDD.

De la même manière, l'article L 1245-1 vise, parmi les textes dont la méconnaissance entraîne la requalification des relations contractuelles en un contrat à durée indéterminée, l'article L 1244-3 du Code du travail, qui impose un délai de carence en cas de succession de contrats sur le même poste, mais ce texte n'envisage que le cas où un CDD ou bien un contrat de mission succède à un CDD, et pas celui dans lequel un CDD ou un contrat de mission succède à un contrat de mission.

La requalification n'est pas encourue en cas de succession sans délai d'un contrat de mission et d'un CDD

Il s'ensuit, comme le décide ici la Cour, qu'aucune disposition ne prévoit, dans le cas de la succession d'un contrat de travail temporaire et d'un contrat de travail à durée déterminée au bénéfice de l'ancienne entreprise utilisatrice, la sanction de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect du délai de carence.

A noter :

Dans un tel cas de figure, un salarié ne pourrait obtenir la requalification de ses contrats précaires en un contrat à durée indéterminée auprès de l'utilisateur devenu son employeur qu'en établissant une autre irrégularité affectant l'un des contrats successifs, notamment que l'un de ces contrats (ou que la succession de contrats) a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice (C. trav. art. L 1251-5) ou de l'entreprise (C. trav. art. L 1242-1), le manquement à ces dispositions étant sanctionné par la requalification auprès de l'entreprise utilisatrice (C. trav. art. L 1251-40) ou auprès de l'employeur (C. trav. art. L 1245-1).

Documents et liens associés

Cass. soc. 27-9-2023 n° 21-21.154 FS-B

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