Actualité
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25 mars 2025
La Cour de cassation a rendu, depuis le 1er janvier 2025, plusieurs arrêts concernant le contrat de travail qui ont attiré notre attention.

Le tableau ci-dessous présente une synthèse de ces décisions. La chambre criminelle et la chambre sociale de la Cour de cassation ont apporté des précisions sur la portée d’une infraction pénale commise par le salarié dans le cadre de ses fonctions et des confirmations en matière de délai de prescription applicables à l’action en résiliation judiciaire et en reconnaissance du contrat de travail. Enfin, une dernière décision du 26 février sanctionne un manager agressif pour avoir manqué à l'obligation de santé et de sécurité à laquelle est tenue tout salarié.

Contexte juridique

Solution de la Cour de cassation

Responsabilité du salarié en cas d'infraction commise dans le cadre de son travail

  • Le salarié peut voir sa responsabilité pécuniaire vis-à-vis de son employeur engagée, s’il cause un dommage à celui-ci.

  • Pour ce faire, la chambre sociale de la Cour de cassation estime que l'employeur doit, devant le juge prud’homal, justifier que le salarié a commis une faute lourde, ce qui suppose une intention du salarié de nuire à son employeur (Cass. soc., 25 oct. 2005, n°03-46.624 ; Cass. soc., 18 janv. 2023, n°20-21.223).

  • Si le salarié est reconnu coupable d’une infraction pénale dans le cadre de son activité professionnelle, l’employeur peut se constituer partie civile devant le juge pénal afin d’obtenir réparation de dommages subis du fait de cette infraction. 

  • Mais le juge pénal est-il tenu, lui aussi, rechercher la faute lourde du salarié ?

  • Non, répond la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Le salarié ayant commis une infraction pénale dans le cadre du travail peut être condamné à indemniser son employeur pour le préjudice directement causé par cette infraction. Il n'est pas nécessaire de mettre en évidence la faute lourde du salarié ou son intention de nuire. 

  •  L’affaire concernait un salarié qui avait causé un accident, en conduisant un véhicule de son entreprise, sous l’emprise de cannabis, à une vitesse excessive. Déclaré coupable devant le juge pénal, il avait été condamné à indemniser l’entreprise (laquelle s'était constituée partie civile durant le procès pénal) pour le préjudice matériel que celle-ci avait subi (opération de dépannage, réparation du véhicule). La Haute-Cour n'a pas retenu l'argumentation du salarié qui faisait valoir que sa responsabilité pécuniaire à l'égard de son employeur ne pouvait résulter que de sa faute lourde ou de ses infractions intentionnelles (Cass. crim., 14 janv. 2025, n°24-81.365).

  • Par cette décision du 14 janvier 2025, la Chambre criminelle confirme sa jurisprudence antérieure (Cass. crim., 25 févr. 2015, n°13-87.602 ; Cass. crim., 14 nov. 2017, n°16-85.161) et son autonomie par rapport à celle de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Illustration du manquement à l’obligation de santé et sécurité d'un salarié manager

  • Tout salarié est tenu à une obligation de sécurité vis-à-vis de lui-même et des autres membres du personnel. L’article L. 4122-1 du code du travail lui impose de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par leurs actes ou leurs omissions au travail.

  • Le salarié qui manque à cette obligation s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave comme l’illustre l’arrêt du 26 février 2025 rendu à propos d’un manager agressif.

  • Le manager (en l’espèce responsable d'une agence de l'entreprise dans laquelle il travaillait) qui adopte à l’égard de collaborateurs placés sous son autorité, « un comportement lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif ayant provoqué le départ de l’une d’entre elles et un mode de management maladroit et empreint d’attitude colérique » manque à son obligation de sécurité et santé à l’égard de ses subordonnés. 

  • Ce comportement rend impossible le maintien de son contrat de travail et justifie son licenciement pour faute grave (Cass. soc., 26 févr. 2025, n°22-23.703).

Action en reconnaissance d’un contrat de travail

  •  La Cour de cassation dans sa décision du 12 février 2025 confirme sa jurisprudence rendue dans deux arrêts de principe du 11 mai 2022 dans lesquels elle s’était prononcée sur la nature et le délai de prescription de l’action en reconnaissance du contrat de travail introduite devant la juridiction prud’homale (Cass. soc., 11 mai 2022, no 20-14.421 ; Cass. soc., 11 mai 2022, no 20-18.084).

  • La Cour de cassation rappelle que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat de travail dont la nature est indécise ou contestée revêt le caractère d’une action personnelle. Elle relève de la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil. 

  • Comme la qualification dépend des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la date est contestée a cessé. Car c’est à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.

  • En l'espèce, il s'agissait d'un développeur commercial engagé par CDD le 1er septembre 2017 alors qu’il avait mené des missions d’accompagnement et de développement commercial pour le compte de cette même société entre les mois d’avril 2012 et septembre 2017, période pour laquelle il demandait la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail. Il contestait la prescription de 2 ans que les juges du fond avaient appliqué à son action en requalification.

  • La Cour de cassation lui a donné raison rappelant que l'action en reconnaissance d'un contrat de travail relève de la prescription quinquennale (Cass. soc., 12 févr. 2025, n°23-17.248).

Délai d’engagement de l’action en résiliation du contrat de travail

  • L’action en résiliation judiciaire peut être introduite tant que le contrat n’est pas rompu, et ce quelle que soit la date des faits invoqués dans la demande (Cass. soc., 27 sept. 2023, no 21-25.973). La Cour de cassation confirme ce principe, dans les mêmes termes, dans un arrêt du 5 mars 2025 dans lequel était discuté le point de départ du délai de prescription de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

  • Une animatrice travaillant dans une association a, à la suite d'un arrêt de travail, été déclarée inapte temporaire par avis du médecin du travail, lequel précisait « à revoir dans deux semaines ». L'employeur n'ayant pas organisé cette 2e visite (qui aurait dû avoir lieu le 27 novembre 2017), elle demande au Conseil de prud'hommes le 19 février 2020, la résiliation judiciaire de son contrat pour manquement de l'employeur. Sa demande est rejetée.

  • Elle conteste alors la décision de la cour d'appel qui estimait que le point de départ du délai de prescription de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail courait à compter du dernier manquement invoqué par le salarié à l’appui de cette demande, soit en l'espèce, le 27 novembre 2017 et que l'action était prescrite depuis le 27 novembre 2012. 

  • Devant la Cour de cassation elle fait au contraire valoir que l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n’a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande. Elle estimait donc que le délai de prescription de l'action qu'elle avait introduite n'était pas expiré. 

  • La Cour de cassation lui donne raison (Cass. soc., 5 mars 2025, n°23-20.277).

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