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11 octobre 2024
la Cour de cassation précise les points de départ des délais de prescription applicables à trois types d' actions en justice à l'encontre de la clause de non-concurrence : l'action en dommages-intérêts pour illicéité de la clause,  l’action en paiement de la contrepartie financière et enfin l'action en dommages-intérêts pour non-application de la clause .

Les faits

Un salarié consultant manager est engagé en avril 2010. Son contrat de travail comportait d’une part, une clause de non-concurrence de deux ans et, d’autre part, une clause de non-sollicitation de clientèle.

Remarque

pour rappel la clause de non-sollicitation (ou de non-détournement) de clientèle a pour objet d'interdire à un salarié, suite à la rupture de son contrat de travail, de démarcher ou de détourner la clientèle de son employeur. La jurisprudence se montre vigilante sur l'application de ce type de clause. Elle a, à plusieurs reprises, requalifié certaines d'entre elles en clause de non-concurrence au motif qu'elles constituaient une atteinte à la liberté du travail du salarié (Cass. soc., 2 juill. 2008, n° 07-40.168 ; Cass. soc., 27 oct. 2009, n° 08-41.501 ; Cass. soc., 3 févr. 2010, n°08-41.668).

Le 23 octobre 2014, il a donné sa démission avec effet au 26 février 2015. Il conteste la régularité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation de clientèle prévues à son contrat de travail et entame une procédure de conciliation auprès du président de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle le 9 septembre 2015, procédure qui prend fin le 9 mars 2016 sans qu’il y ait accord. Il porte alors l'affaire devant la juridiction prud’homale le 26 février 2018. Il demande des dommages-intérêts arguant de la nullité de la clause de non-concurrence et de la clause de non-sollicitation de clientèle mais aussi le paiement de la contrepartie financière par versements mensuels et enfin des dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail.

La cour d’appel ayant déclaré ses demandes irrecevables car prescrites, le salarié forme un pourvoi en cassation.

C'est l'occasion pour la Cour de cassation de passer en revue les délais de prescription applicables aux trois actions que le salarié a introduites à propos de sa clause de non-concurrence et de sa clause de non-sollicitation.

Délai de prescription de l’action en responsabilité civile pour nullité de la clause de non-concurrence et de la clause de non-sollicitation de clientèle

La prescription d’une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas précédemment eu connaissance. C 'est ce que rappelle la Cour de cassation.

Elle en déduit que le dommage causé par la stipulation d’une clause de non-concurrence illicite ou d’une clause de non-sollicitation de clientèle, qui s’analyse en une clause de non-concurrence, ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en œuvre.

En l'espèce, comme le contrat de travail avait été rompu le 26 février 2015 et qu’une procédure de conciliation était intervenue et avait suspendu le délai de prescription pendant 6 mois (soit jusqu'au 9 mars 2016), la cour d’appel a pu, à juste titre, considérer que les actions en nullité des clauses et en paiement de dommages-intérêts en résultant étaient prescrites lorsque le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 26 février 2018.

Plus précisément, la cour d’appel avait jugé que le point de départ de la prescription de deux ans était fixé au 26 novembre 2014 (soit à l’issue du délai de 30 jours suivant la réception de la démission du salarié en date du 27 octobre 2014), dans la mesure où l’employeur n’avait pas fait usage de sa faculté de lever la clause de non-concurrence durant le délai imparti par la clause du contrat.

L'argument du salarié selon lequel à la date du 26 novembre 2014, le délai de prescription n’avait pas pu commencer à courir puisque la clause de non-concurrence n’avait pas encore été mise en œuvre, a été rejeté.

Délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité de non-concurrence

Le délai de prescription applicable à une demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence est le délai de prescription applicable aux salaires.

Or selon l’article L.3245-1 du code du travail, le délai de prescription de l'action en paiement des salaires de 3 ans commence à compter du jour où celui qui exerce l’action en justice a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.

La Cour de cassation en déduit que le délai de prescription de l’action en paiement de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence, court à compter de la date à laquelle cette créance est devenue exigible. Et ce quelle que soit la qualification contractuelle que lui donnent les parties.

Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré en application de l’article L.3242-1 du code du travail.

En l'espèce, la cour d’appel avait rejeté la demande en paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence considérant que celle-ci était prescrite le 29 octobre 2018 (date où le salarié a saisi la juridiction prud’homale). Elle avait retenu, comme point de départ de cette action, la date du 27 février 2015 (soit le lendemain du départ effectif du salarié et la date d’issue de son préavis), considérant que c'est à cette date que le salarié était tenu de respecter son obligation de non-concurrence et pouvait donc prétendre au versement de la contrepartie financière.

Or, la contrepartie aurait dû être versée mensuellement. Par conséquent, la cour d’appel ne pouvait pas fixer le point de départ du délai de prescription au 27 février 2015. L’action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’était pas prescrite lorsque le salarié avait présenté sa demande le 29 octobre 2018.

Action en dommages-intérêts pour violation et non-application de la clause de non-concurrence

La Cour de cassation rappelle, tout d'abord, qu’en application de l’article L.1471-1, alinéa 1 du code du travail toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

En l'espèce, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir considéré l’action en dommages-intérêts pour violation et non application de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail comme prescrite. La cour d'appel ne pouvait pas faire débuter le délai de prescription à partir du 26 février 2015 (date de la fin du préavis) alors que comme l’invoque le salarié, à cette date il ne pouvait pas encore savoir que l’employeur ne lui paierait pas la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence.

Le point de départ du délai de prescription est le 26 février 2017, date à laquelle le salarié n'était plus tenu de respecter la clause de non-concurrence. L'action en justice n'était donc pas prescrite.

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