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24 mars 2023
La Cour de cassation a apporté des précisions sur certaines règles applicables au CDD comme les effets pécuniaires de la requalification, la rédaction du CDD de remplacement ou encore les conditions d'un renouvellement. Présentation de notre sélection d'arrêts récents dans un tableau de synthèse.

L'application des règles régissant le contrat à durée déterminée donne lieu à un contentieux régulier. Parmi les décisions de la Cour de cassation que nous avons sélectionné pour notre tableau ci-dessous, on retiendra plus particulièrement celles dans laquelle elle expose sa position sur certaines dispositions applicables à la requalification d'un CDD en CDI, à savoir :

- le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification qu'elle fait varier selon le motif de requalification (Cass. soc., 15 mars. 2023, n°20-21.774) ;

- l'assiette à retenir pour le calcul de l'indemnité de requalification dans l'hypothèse où la requalification en CDI s'est accompagnée, en parallèle, d'une requalification du contrat à temps partiel en temps complet (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-16.824) ;

- l'examen des conséquences indemnitaires de la requalification en CDI comme le mode de calcul des rappels de salaire dus le cas échéant au salarié à la suite de celle-ci, et en cas de rupture ultérieure du contrat requalifié de l'indemnité de licenciement abusif et de l'indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-10.270 et n°21-17.971).

Deux autres décisions sont présentées pour illustrer l'importance à accorder à la rédaction du motif du recours au CDD conclu pour remplacer un salarié absent (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-14.444) et à savoir distinguer le renouvellement du contrat de la conclusion d'un nouveau (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-20.431). Le risque encouru étant la requalification du CDD en CDI. 

Enfin, un arrêt du 15 mars 2023 envisage le cas de la rupture anticipée d'un CDD en cours sanctionnant une faute grave commise par le salarié dans un précédent contrat arrivé à échéance (Cass. soc. 15 mars 2023, n°21-17.227).

Contexte

Faits et procédure

Solution

Conséquences indemnitaires d'une requalification de CDD en CDI

Lorsqu'il est fait droit à une demande de requalification du salarié, le juge doit d'office condamner l'employeur à lui verser une indemnité de requalification, dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire (C. trav., art. L.1245-2).

Sur quelle assiette doit-on calculer le mois de salaire dû au titre de l’indemnité de requalification ? Quel salaire de référence faut-il prendre en compte si un salarié à temps partiel obtient la requalification à temps complet parallèlement à une requalification en CDI ?

Une cheffe monteuse est engagée, à temps partiel, par plusieurs CDD successifs avec des périodes d’intermittence. Elle demande la requalification de sa relation de travail en CDI à temps complet.

La cour d’appel fait droit à sa demande et sur la requalification en CDI et sur la requalification à temps complet. Mais elle calcule l’indemnité de requalification sur la rémunération mensuelle moyenne perçue sur l'année précédant la rupture du contrat (donc sur la base du temps partiel).

La salariée prétend au contraire que cette indemnité doit être calculée sur le dernier salaire mensuel à temps complet perçu avant la saisine de la juridiction prud’homale.

L'arrêt est cassé.

Le montant minimum de l’indemnité de requalification doit être calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud’homale.

Par ailleurs, pour déterminer cette moyenne de salaire mensuel, il faut prendre en compte l’ensemble des éléments de salaire, y compris s'ils ont une périodicité supérieure à 1 mois.

Pour la Cour de cassation, les juges auraient dû calculer l'indemnité de requalification sur la base d'une rémunération à temps complet et non sur la moyenne des sommes perçues pendant qu'il était à temps partiel dans la mesure où ils avaient requalifié la relation de travail en CDI à temps complet. (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-16.824).

Le salarié dont la relation de travail a été requalifiée en CDI peut bénéficier, outre l'indemnité de requalification d'un mois de salaire (voir décision du 8 février 2023 n°21-16.824 ci-dessus), de rappels de salaire et accessoires dus suite à celle-ci ainsi que de l'indemnité de licenciement abusif et de l'indemnité compensatrice de préavis en cas de rupture ultérieure du contrat requalifié. 

Là encore la question se pose de savoir sur quelles bases faut-il les calculer. La Cour de cassation fait le point dans deux arrêts du 8 février.

Une journaliste pigiste est engagée par plusieurs CDD d’usage. Elle obtient la requalification de sa relation contractuelle en CDI. Elle demande alors un rappel de salaire pour avoir dépassé son forfait annuel de jours travaillés en se fondant sur l'accord d'entreprise applicable.

La cour d’appel refuse. Elle reconnaît que si la salariée a bien travaillé certaines années pour un volume supérieur à son forfait annuel, la rémunération qu’elle a perçue en CDD est bien supérieure à celle versée aux journalistes permanents de l'entreprise et donc à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait travaillé comme journaliste permanent même avec un dépassement de forfait. Elle en déduit que la salariée était remplie de ses droits. A tort.

La requalification confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise. Elle a pour effet de replacer le salarié dans la situation d’un salarié embauché dès l’origine en CDI. Par conséquent, le calcul des rappels de salaire doit être effectué sur la base du salaire que l'intéressé aurait perçu en CDI.

Les sommes qui ont été versées au salarié pour compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son CDD, lui restent acquises peu important une requalification ultérieure en CDI.

Pour la Cour de cassation la salariée pouvait donc bénéficier du rappel de salaire lié au dépassement du nombre de jours travaillés. (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-10.270).

Un réalisateur est engagé par TV5 Monde par plusieurs CDD. En 2016, il réclame la requalification de ses CDD en CDI ainsi que la paiement de diverses sommes.

La cour d’appel fait droit à sa demande et condamne l'employeur à verser au salarié :

- un rappel de salaire (primes d’ancienneté de fin d'année et de sujétion). Il n'y avait pas lieu de tenir compte des sommes versées par l’employeur en exécution de ces divers CDD. Or l’employeur contestait ce calcul estimant que le montant global des sommes réellement perçues par le salarié alors qu'il était intermittent était bien supérieur à celui qu'il aurait perçue s'il avait été en CDI ;

- l'indemnité conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour lesquels elle a pris en compte les sommes perçues par le salarié en tant qu'intermittent ;

- l’indemnité compensatrice de préavis calculée sur la base du salaire moyen perçu par le salarié au titre de son statut d’intermittent.

La Cour de cassation confirme la décision d'appel sur les rappels de salaire et le calcul des indemnités de licenciement et de licenciement abusif. Mais elle casse l'arrêt sur l’indemnité de préavis.

Le salarié, dont la relation de travail a été requalifiée en CDI, peut prétendre à un rappel de salaire attaché au statut de travailleur permanent. Celui-ci doit être calculé selon le salaire de base qu’il aurait dû percevoir s’il avait été dès l’origine en CDI. Il ne faut pas tenir compte des sommes versées comme intermittent, lesquelles sont destinées à compenser la situation dans laquelle le salarié était placé du fait de ses CDD. Il importe peu que la rémunération que le salarié aurait perçue comme salarié permanent soit inférieure à celle qu’il avait effectivement perçue comme d’intermittent.

En cas de rupture ultérieure du contrat requalifié, le montant des indemnités conventionnelles de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être déterminé à partir du salaire de base brut perçu avant la rupture (donc à partir du salaire perçu comme intermittent). 

Mais l’indemnité compensatrice de préavis doit être calculée sur le montant des salaires que le salarié aurait perçus s’il avait été en CDI dès l’origine et s'il avait travaillé pendant la durée du préavis. Il ne faut pas tenir compte des sommes perçues pendant qu'il était en CDD (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-17.971).

Point de départ du délai de prescription de l'action en requalification

L'action en requalification d’un CDD en CDI porte sur l’exécution du contrat de travail. Elle se prescrit donc sur 2 ans selon l’article L.1471-1 du code du travail. 

Quel est le point de départ du délai de prescription lorsque cette action est fondée sur l'absence d'établissement d'un contrat écrit ?

Un vendeur d'un magasin de chaussures est engagé le 27 juin 2008 sans contrat écrit pour quelques heures de travail. Le 10 juillet 2008, il signe un CDD écrit qui prend effet au 26 août 2008. Le contrat prend fin à son terme le 30 juin 2009. Son certificat de travail mentionne qu'il a travaillé comme vendeur du 27 juin 2008 au 30 juin 2009. Il demande, 17 février 2014, la requalification de son CDD conclu le 10 juillet à compter du 27 juin.

La cour d'appel rejette sa demande qu'elle considère comme prescrite. Selon elle, le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification du CDD à retenir est le jour du début de la relation en cas d'absence d'écrit et le jour de la signature du CDD en cas d'irrégularité formelle.

Le salarié invoque, au contraire, que le délai de prescription fondé sur le motif de recours au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat. La cour d'appel aurait donc dû, selon lui, retenir comme point de départ la date du 30 juin 2009 (terme du dernier CDD) et non le 27 juin 2008 (date du début de la relation contractuelle).

La cour d'appel et la Cour de cassation lui donnent tort.

La Haute Cour rappelle tout d'abord que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Puis elle indique que le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI court, lorsque cette action est fondée :

- sur l'absence d'établissement d'un écrit, à compter de l'expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l'employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail ;

- sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, à compter de la conclusion du contrat ;

– sur le motif de recours au CDD énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, du terme du dernier contrat. 

La cour d'appel a, à juste titre, retenu que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification du CDD en CDI était fixé au début de la relation en cas d'absence d'écrit et au jour de la signature du CDD en cas d'irrégularité formelle de ce contrat (Cass. soc., 15 mars 2023, n°20-21.774).

Mentions à porter sur le CDD de remplacement

Tout CDD doit comporter la définition précise de son motif (C. trav., art. L.1242-12).

Lorsqu’il est conclu pour remplacer un salarié absent, le CDD doit préciser le nom et la qualification du salarié remplacé (C. trav., art. L.1242-12, 1°).

De jurisprudence constante, l’absence de cette mention entraîne la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée.

Un conducteur routier est engagé par CDD pour remplacer un salarié absent pour congés payés. Il demande la requalification de son CDD en CDI. Il argue que son contrat était irrégulier car il n’indiquait pas la qualification du remplacé. Pour la cour d’appel, au contraire, son contrat qui mentionnait le nom du remplacé et qui précisait que le remplaçant était recruté en qualité de « conducteur routier coefficient 138 M groupe 6 - qualification ouvrier au titre dudit conducteur, absent pour congés payés » renvoyait bien à une qualification précise et à la convention des transports routiers. Elle estimait donc que le contrat répondait aux exigences légales qui imposent l’indication, dans le CDD de remplacement, de la qualification du remplacé. Elle le déboute. A tort.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord la règle selon laquelle le CDD qui ne comporte pas la définition précise de son motif est réputé à durée indéterminée en application des articles L.1242-12 et L.1245-1 du code du travail. 

Elle poursuit en rappelant que cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat d’un CDD de remplacement. Or, ce n’était pas le cas en l’espèce car si le contrat contenait bien la qualification du remplaçant manquait celle du remplacé. Le CDD devait donc bien être requalifié en CDI (Cass. soc., 8 févr. 2023, n°21-14.444).

Renouvellement de CDD ou conclusion d'un nouveau contrat ?

A l'échéance d'un CDD à terme précis, il est possible,  de renouveler le contrat initial, c'est-à-dire de le prolonger avec le même salarié. Le renouvellement ne se présume pas. Il ne doit pas être confondu avec la succession de CDD qui vise, au contraire, la conclusion de CDD distincts. Or, cette succession de contrats nécessite  que soit respecté un délai de carence entre les contrats successifs.

Si un CDD est conclu avant la fin d'un premier contrat contenant une clause de renouvellement, s'agit-il d'un renouvellement ou d'un nouveau CDD ?

En l’espèce, un préparateur de pharmacie est engagé par un premier CDD du 21 avril au 23 juillet 2010. Le 23 juillet, il signe un contrat prenant effet le 24 juillet jusqu’au 29 octobre 2010. Par la suite, il demande la requalification de ses CDD en CDI à effet du 21 avril, reprochant à l’employeur de ne pas avoir respecté de délai de carence entre les deux contrats.

La cour d’appel rejette sa demande. La Cour de cassation casse l’arrêt reprochant à la cour d’appel d’avoir dénaturé les termes clairs et précis du contrat conclu le 23 juillet 2010.

Le CDD signé avant l'arrivée du terme d'un premier contrat n'est pas un renouvellement du contrat initial s'il n'indique pas expressément l'être et ce bien qu'il contienne un clause de renouvellement. Il s'agit d'un nouveau contrat distinct du premier.

La Haute Cour relève que le deuxième contrat (celui du 23 juillet) ne précisait pas qu’il s’agissait du renouvellement du contrat initial. Il contenait également une clause de renouvellement. Or cela aurait été impossible s’il s’était agi d’un contrat de renouvellement sachant qu'un seul renouvellement n'était alors légalement possible. 

Elle en conclut que le contrat du 23 juillet était un deuxième contrat distinct et non le renouvellement du premier. Comme celui-ci avait immédiatement suivi le premier, il n'y avait pas eu de délai de carence. La requalification était encourue (Cass. soc.1er mars 2023, n°21-20.431).

Rupture anticipée d'un CDD pour faute grave du salarié

Un CDD ne peut être rompu avant son terme que dans des cas limitativement énumérés par le code du travail : si les parties sont d'accord pour y mettre fin, en cas de force majeure, en cas d'inaptitude ou en cas de faute grave commise par l'une des parties (C. trav., art. L.1243-1). 

L'employeur qui veut rompre prématurément pour faute grave un CDD en cours d'exécution peut-il prendre en compte des faits fautifs commis dans un précédent contrat alors qu'il découvre ceux-ci au cours du contrat qui lui succède ?

Une assistante comptable effectue trois CDD successifs et ininterrompus pour le même employeur. Au cours du troisième CDD, l'employeur l'informe de fautes commises au cours du deuxième contrat et rompt le contrat pour faute grave avant le terme de celui-ci.

La salariée conteste la licéité de cette rupture anticipée, les fautes invoquées pour la justifier étant antérieures à la date de prise d'effet du contrat rompu.

L'employeur fait valoir un autre argument : n'ayant été informé que tardivement des faits fautifs, qui avaient justifié le déclenchement d'une enquête dont l'issue n'était intervenue qu'après le terme du CDD au cours duquel ils avaient été commis, ces faits ne pouvaient plus faire l'objet d'une sanction. Il ne pouvait donc les sanctionner que sur le contrat suivant.

La cour d'appel et la Cour de cassation, donnent raison à la salariée. 

La faute grave ne peut justifier une rupture anticipée du CDD que pour des seuls faits commis au cours de celui-ci. Par conséquent l'employeur ne peut pas se fonder sur des fautes commises antérieurement à la prise d'effet du contrat pour justifier la rupture de celui-ci ( Cass. soc., 15 mars 2023, n°21-17.227).

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