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10 décembre 2024
Les CDD donnent lieu à un contentieux régulier. Nous présentons ci-après, sous forme synthétique, une sélection de décisions rendues par la Cour de cassation ce dernier trimestre.

Dans les arrêts présentés ci-dessous, les points de litige portaient sur le défaut de paraphe du salarié sur une page du contrat, deux cas de recours à savoir le contrat saisonnier et la notion de surcroît exceptionnel d'activité, la durée de la période d'essai d'un contrat de 6 mois, les liens entre la crise sanitaire liée au Covid-19 et la force majeure.

Signature du contrat par le salarié

Contexte juridique

Tout CDD doit être établi par écrit sous peine de requalification en CDI (C. trav., art. L.1242-12).

Selon une jurisprudence constante, la signature d’un CDD a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification du contrat en CDI.

L’omission d’un paraphe du salarié sur l’une des pages du contrat peut-elle être considérée comme une absence d’écrit entraînant la requalification du CDD en CDI ?

Solution ( Cass. soc., 20 nov. 2024, n°23-17.253)

Non, selon la Cour de cassation. Requérir la signature du salarié ne signifie pas que le contrat de travail doit être signé sur toutes les pages. La simple omission d’un paraphe ne rend pas le contrat irrégulier pour absence d’écrit. Aucune disposition légale n’impose pour la validité d’un CDD la signature du salarié sur toutes les pages du contrat. Dès lors la requalification du CDD en CDI n’est pas encourue (Cass. soc., 20 nov. 2024, n°23-17.253). Confirmation de jurisprudence (Cass. soc., 6 juin 2001, n° 99-43.306).

Cas de recours

Contexte juridique

A travers deux décisions, l'une du 6 novembre 2024 et l'autre du 18 septembre 2024, la Cour de cassation s'est attachée à rappeler l'importance qu'il y a à respecter la règle posée par l'article L.1242-1 du code du travail lorsqu'il s'agit de conclure un CDD (ou un contrat de travail temporaire). En aucun cas le recours au CDD (ou au contrat de travail temporaire) ne doit avoir pour objet ou pour effet de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Un CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et dans les seuls cas figurant à l’article L.1242-2 du code du travail. Elle nous en donne une nouvelle illustration dans deux affaires récentes dans lesquelles la relation de travail a été requalifiée en CDI, l'une concerne la notion d'emplois saisonniers l'autre celle de l'accroissement temporaire d'activité. 

Emplois saisonniers (Cass. soc., 6 nov. 2024, n°23-16.163)

Pour mémoire, il est possible de conclure un CDD pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier c'est-à-dire un emploi dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs (C. trav., art. L.1242-2, 3°).

Dans cette affaire, une entreprise spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de vaccins avait conclu plusieurs CDD et contrat de travail temporaire avec un même salarié pour le motif d'emploi saisonniers. Dans tous les cas il avait été affecté à un poste d'opérateur de production de souches de vaccin contre la grippe. Par la suite, le salarié avait demandé la requalification de sa relation de travail en CDI estimant que les emplois occupés correspondaient en réalité à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'employeur contestait en arguant du caractère saisonnier de la grippe et donc du vaccin, qui impliquait des tâches appelées à se répéter chaque année. Ces arguments n'ont pas convaincu ni la cour d'appel ni la Cour de cassation.

Les juges ont constaté, à bon droit, que la production du vaccin contre la grippe représentait 30 à 35 % de l'activité de l'employeur. De plus la fabrication des souches de ce vaccin, à laquelle le salarié était affecté avait une durée quasiment ininterrompue pour répondre aux besoins dans les deux hémisphères, chaque année, de septembre à juin, hormis une courte période de suspension de fin décembre à mi-janvier, et une fermeture du site de production de fin du mois de juin à début septembre. Deux éléments relevés par les juges pour considérer que le salarié employé entre le 19 février 2018 et le 26 avril 2020 occupait en réalité un emploi correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Dès lors la requalification de la relation de travail en CDI s'imposait.

Accroissement temporaire d'activité lié au lancement d'une nouvelle activité (Cass. soc., 18 sept. 2024, n°23-16.782)

Parmi les motifs de recours au CDD autorisés par l'article L.1242-2 du code du travail celui de l’accroissement temporaire d’activité est souvent source de litige lorsqu'il s'inscrit dans le cadre du lancement d’une nouvelle activité. La jurisprudence a tendance à considérer que le lancement d’une nouvelle activité n’est pas un motif autorisant l’employeur à conclure un CDD. Les contrats conclus dans ce cadre encourent la requalification. (Cass. soc., 16 mars 2005, n°03-41.771 ; Cass. soc., 5 mai 2009, n°07-43.482 ; Cass. soc., 31 oct. 2000, n°98-42.841).

Dans l’arrêt du 18 septembre 2024, la Cour de cassation s’est penchée sur la question de savoir si l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer dans un établissement médico-social pouvait justifier la conclusion d’un CDD pour surcroît exceptionnel d’activité.

La Cour de cassation a répondu que non. L’ouverture d’une unité de vie Alzheimer ne relève pas d’un surcroît temporaire d’activité. Elle s’intègre dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’association qui l’a créée. Par conséquent, les CDD successifs conclus pour ce motif avec un médecin gériatre doivent être requalifiés en CDI.

Durée de la période d'essai d'un CDD de 6 mois

Contexte juridique

Le CDD peut comporter une période d’essai dont la durée légale varie en fonction de la durée du contrat de travail du salarié (C. trav., art. L.1242-10).

Si le CDD est de 6 mois ou moins, la durée de la période d’essai se calcule à raison d’un jour par semaine dans la limite de 2 semaines. Toutefois un accord collectif ou un usage peuvent prévoir une durée inférieure.

La durée de la période d’un CDD supérieur à 6 mois est calculée à raison d’un jour par semaine dans la limite maximale d’un mois. Là encore un accord collectif ou un usage peuvent prévoir une durée inférieure.

Si le code du travail prévoit que des durées moindres peuvent être prévues par accord collectif, usages ou par une lettre d’engagement ou le contrat de travail, des durées supérieures peuvent – elles prévues ? Non, répond la Cour de cassation.

Solution (Cass. soc., 18 sept. 2024, n°23-14.779)

L’affaire concernait un salarié embauché par CDD pour 6 mois le 7 novembre 2017. Son contrat de travail comportait une période d’essai d’un mois. L'employeur avait rompu la période d'essai par lettre remise en main propre le 23 novembre 2017 pour un effet le lundi 27 au soir. La cour d’appel considère que la rupture était régulière car intervenue dans le délai contractuel d’un mois. Elle fait prévaloir les dispositions conventionnelles du contrat sur le code du travail. A tort.

La Cour de cassation estime au contraire que la rupture de l’essai était tardive car le CDD étant conclu pour 6 mois, c'est la durée de la période d’essai de deux semaines prévue par l’article L1242-10 du code du travail qu'il convenait d'appliquer (Cass. soc., 18 sept. 2024, n°23-14.779). Autrement dit s'il est possible de prévoir par des dispositions conventionnelles ou un usage une durée de période d'essai inférieure à la durée légale, fixer une durée d'essai supérieure à celle prévue par le code du travail est interdite. En quelque sorte la durée légale est une durée maximale. La rupture intervenue après cette limite sera considérée comme tardive.

Rupture anticipée pour force majeure : quid de la pandémie de Covid-19 ?

Contexte juridique

Le contrat à durée déterminée peut être rompue avant l’échéance de son terme, par accord des parties et en cas de faute grave ou de force majeure (C. trav., art. L.1243-1). Le code du travail ne précise pas ce qu'il entend par force majeure. Il faut se référer à l’article 1218, alinéa 1 du code civil pour avoir une définition. De son côté la jurisprudence considère que la force majeure s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat (Cass. soc., 12 févr. 2003, n°01-40.916). Pour l’application de la notion de force majeure, les juges apprécient au cas par cas la réalité et la gravité des motifs indiqués et si les circonstances rendent impossible la continuation du contrat. Or, en pratique, la jurisprudence reconnaît rarement la force majeure. En témoigne un arrêt du 18 septembre.

La crise sanitaire engendrée par l’épidémie de Covid-19 présente-t-elle les caractéristiques de la force majeure autorisant à rompre le CDD de manière anticipée ?

Solution (Cass. soc., 18 sept. 2024, n°23-12.772)

Non, répond la Cour de cassation. L’affaire concernait un pilote de ligne engagé par CDD en date du 28 janvier 2020 à effet du 17 mars 2020 au 31 octobre 2020. Son contrat avait été rompu dès sa prise d’effet, soit le lendemain du confinement général décidé le 16 mars 2020 sur le territoire français. L’employeur invoquait la force majeure estimant que la fermeture des liaisons aériennes consécutive au confinement général était un évènement extérieur et imprévisible qui avait rendu impossible l’exécution ses obligations contractuelles. La cour d’appel avait rejeté son argumentation et condamné l’employeur à des dommages-intérêts pour rupture abusive du CDD. Car la situation ne répondait pas aux conditions de la force majeure, la mise en place de l'activité partielle ne rendait pas la crise sanitaire irrésistible. 

La Cour de cassation rejette son argumentation. Elle rappelle le principe selon lequel la force majeure permettant à l’employeur d s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture du contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution. Elle estime que la force majeure de nature à justifier la rupture anticipée d’un CDD n’était pas caractérisée en raison de la mise en place de l’activité partielle ne rendait pas irrésistible la crise sanitaire. En d'autres termes, la crise sanitaire engendrée par l'épidémie de Covid-19 n’est pas un cas de force majeure justifiant la rupture anticipée d’un CDD. (Cass. soc., 18 sept. 2024, n°23-12.772).

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