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16 novembre 2023
En cas d'absence de réintégration du salarié suite à l'annulation de l'autorisation de son licenciement, la résiliation judiciaire qui en résulte produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur. A quelle indemnisation le salarié protégé a-t-il droit dans ce cas ?

En cas d'annulation d'une autorisation de licenciement, et si le salarié protégé le demande, il doit être réintégré. Ce n'est qu'en cas d'impossibilité d'une telle réintégration, dûment justifiée, que l'employeur peut s'en exonérer. S'il ne s'y soumet pas, le salarié peut alors obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur. Et dans ce cas, il s'agit d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Or les règles d'indemnisation ne sont pas les mêmes et sont bien plus onéreuses pour l'employeur.

Que se passe-t-il dans ce cas ? A quelle indemnisation le salarié protégé a-t-il alors droit ? Dans quelles conditions ? 

C'est à ces questions que répond, pour la première fois à notre connaissance, cet arrêt publié de la Cour de cassation du 8 novembre 2023.

Résiliation judiciaire en cas de refus de réintégration suite à annulation de l'autorisation de licenciement

Dans cette affaire une salariée est protégée à plusieurs titres : elle exerce des mandats de représentation du personnel et de représentant syndical, et est également conseiller prud'hommes. Ce dernier mandat a été renouvelé en 2018.

Cette salariée est licenciée pour motif économique en 2014, après autorisation ministérielle, laquelle est ensuite annulée par jugement du tribunal administratif de 2015 devenu définitif.

En 2017, la cour d'appel, statuant en référé, ordonne la réintégration de la salariée.

Remarque

en effet, le refus de l'employeur de réintégrer un représentant du personnel licencié sans autorisation administrative, malgré un refus d'autorisation ou en vertu d'une autorisation annulée constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés doit mettre fin. C'est le conseil de prud'hommes statuant en référé qui est compétent pour ordonner la réintégration, éventuellement sous astreinte (par exemple, Cass. soc., 12 juin 2001, n° 00-40.480). Ce n'est que si la réintégration est matériellement impossible que l'employeur peut refuser de réintégrer le représentant du personnel dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Encore faut-il que cette impossibilité soit absolue. La Cour de cassation se montre à cet égard exigeante.

Invoquant son absence de réintégration malgré cette décision, la salariée sollicite la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. En 2019, la cour d'appel prononce cette résiliation judiciaire. L'arrêt est cassé par la Cour de cassation en 2021 (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-19.446), mais seulement en ce qu'il dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et déboute la salariée de sa demande au titre de la violation du statut protecteur.

Le nouveau juge d'appel condamne en 2022 l'employeur à payer à la salariée une indemnité pour violation du statut protecteur, laquelle correspond au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre la date du jugement prononçant la résiliation du contrat de travail en 2019 et l'expiration de la période de protection dans la limite de 30 mois, conformément à la jurisprudence.

Remarque

depuis 2015, la jurisprudence plafonne l'indemnité pour violation du statut protecteur à la rémunération que le salarié protégé aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de 2 ans, durée minimale légale de son mandat augmenté de 6 mois (soit 30 mois au plus) (notamment, Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 13-27.211). Cette règle de plafonnement est applicable en cas de résiliation judiciaire (Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-17.000).

L'employeur conteste cette indemnisation : pour lui, la salariée a seulement droit à une indemnité qui est fonction du préjudice subi.

Mais la Cour de cassation donne raison à la cour d'appel et précise le cadre de l'indemnisation due au salarié dans ce cas.

Indemnisation pour violation du statut protecteur limitée par la période de protection au jour de sa demande de résiliation

La Cour de cassation fixe ainsi le cadre et les conditions de cette indemnisation :

  • elle commence par rappeler sa jurisprudence : « le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur » (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-19.446) ;
  • mais la chambre sociale apporte une précision d'importance puisqu'elle explique que les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ne s'appliquent que « dès lors que le salarié est protégé au jour de sa demande en résiliation » ;
  • puis les juges précisent l'étendue de cette indemnisation, à savoir, « une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire jusqu'à la fin de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation, dans la limite de trente mois ».

Enfin la Cour de cassation applique cette solution à l'affaire :

  • « à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, formée le 9 janvier 2019, la salariée bénéficiait du statut de salariée protégée pour avoir été réélue en qualité de conseiller prud'homme en 2018 » ;
  • « la salariée était en droit d'obtenir, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction, fixée à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur le 17 mai 2019 (date de l'arrêt de la cour d'appel prononçant la résiliation judiciaire pour absence de réintégration), et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de protection, soit une durée de vingt-quatre mois augmentée de six mois ».

Remarque

concrètement cette situation se présentera surtout, si ce n'est uniquement, lorsque le salarié protégé concerné est titulaire d'un mandat extérieur à l'entreprise. Compte tenu des délais judiciaires, il est peu probable qu'un salarié bénéficie toujours du statut protecteur résultant d'un mandat interne à l'entreprise, dès lors que la situation visée implique qu'il n'a pas été réintégré suite à l'annulation de l'autorisation de son licenciement. On le voit dans cette affaire, le licenciement date de 2014 et ce n'est qu'en 2017 que la réintégration est ordonnée et seulement en 2019 que la résiliation judiciaire est prononcée. Ici, la salariée avait été réélue comme conseiller prud'hommes en 2018, c'est pourquoi elle entre dans le cadre posé par la Cour de cassation dans cette décision.

Deux indemnisations au titre de deux licenciements

La Cour de cassation valide également la condamnation de l'employeur à payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, cette indemnisation, laquelle était relative au licenciement prononcé en 2014 après autorisation ultérieurement annulée, ne se confond pas avec l'indemnité forfaitaire pour licenciement en violation du statut protecteur. 

Il y a deux indemnisations car il y  a bien deux licenciements distincts : 

  • l'un, en 2014, autorisé puis annulé donnant lieu à indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • et l'autre, en 2019, par résiliation judiciaire prononcée par décision de justice, suite au refus de réintégration .
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