Actualité
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3 juillet 2024
Les mois de mai et juin ont été riches de jurisprudence. Vous trouverez dans le tableau ci-après la solution des arrêts qui ont retenu notre attention.

Dans ce panorama, nous traitons de l'information de l'employeur, de la faute inexcusable, de la faute d'un tiers, du déficit fonctionnel permanent, de la preuve de l'accident ou bien encore des éléments couverts par le secret médical.

Thème

Solution

Information de l'employeur

  • Le dossier d'instruction mis à la disposition de l'employeur par la caisse n'a pas à contenir les certificats ou avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial. Ceux-ci ne portant pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle.

  • Et ainsi en l'absence de ces éléments, l'employeur ne peut pas obtenir l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la caisse du fait qu'aucun manquement au respect du principe du contradictoire n'est constitué.

  • Le dossier présenté par la caisse à la consultation de l'employeur afin d'assurer son information complète, dans le respect du secret médical, ne doit contenir que les éléments recueillis, susceptibles de lui faire grief, sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance d'un AT/MP (en l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle, du certificat médical initial, des colloques médico-administratifs et des questionnaires salarié et employeur)

  • Cass 2e civ., 16 mai 2024, n° 22-22.413 FS-B

  • Cass 2e civ., 16 mai 2024, n° 22-15.499 FS-B

Faute inexcusable

  • Il résulte de la combinaison des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale que si l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ne peut être dirigée que contre l'employeur de la victime, quel que soit l'auteur de la faute et en présence de la caisse, l'instance en indemnisation des conséquences de la faute inexcusable ne peut avoir pour objet, à l'issue de sa reconnaissance, que la fixation des indemnités complémentaires et non la condamnation de l'employeur ou de la caisse, qui est seulement chargée de faire l'avance des prestations et indemnités et dispose d'un recours contre l'employeur.

  • Cass. 2e civ., 16 mai 2024, n° 22-17.217 F-B

Déficit fonctionnel permanent

  • La Cour de cassation rappelle que , depuis deux arrêts de 2023 (Cass. ass. plén., 20 janv. 2023, n° 21-23.947, n° 663 B + R ; Cass. ass. plén., 20 janv. 2023, n° 20-23.673, n° 662 B + R), la rente ou l'indemnité en capital versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Dès lors, la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du déficit fonctionnel permanent, que la rente ou l'indemnité en capital n'a pas pour objet d'indemniser.

  • La cour d'appel de Montpellier avait tenté de revenir sur cette jurisprudence en rejetant la demande en réparation du déficit fonctionnel permanent, et retenant que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle de l'incapacité et le déficit fonctionnel permanent.

Faute d'un tiers

  • Un centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA), dépendant d'un établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA), ainsi que ses préposés ne sont pas considérés comme des tiers par rapport à l'employeur.

  • Dans cette affaire, un apprenti avait fait une chute de grande hauteur, considérée comme un accident du travail, au cours d'une formation à l'élagage en exécution de son contrat d'apprentissage.

  • L'apprenti ayant eu son accident alors qu'il était placé sous l'autorité de ses formateurs, salariés de l'EPLEFPA, le CFPPA, l'EPLEFPA et ses préposés ne peuvent être considérés comme des tiers.

  • Cass. 2e civ., 6 juin 2024, n° 21-23.216

Preuve de l'AT

  • Un salarié peut produire en justice un enregistrement réalisé à l'insu de son employeur afin de faire reconnaître le caractère professionnel de l'accident et la faute inexcusable de l'employeur.

  • Dans cette affaire, le salarié avait été victime de violences verbales et physiques de la part de l'employeur. Il avait enregistré cette altercation et la produisait pour prouver qu'il y avait bien AT et faute inexcusable de l'employeur. L'enregistrement ayant été réalisé à l'insu de l'employeur, ce dernier estimait que l'enregistrement était irrecevable car il constituait un procédé déloyal.

  • La Cour de cassation vérifie, en premier lieu, que la cour d'appel a recherché, comme elle le devait, si l'utilisation de l'enregistrement de propos, réalisé à l'insu de leur auteur, porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant de la société employeur et le droit à la preuve de la victime. 

  • Elle approuve ensuite la cour d'appel d'avoir décidé que la production de cette preuve est indispensable à l'exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l'accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l'origine de celle-ci. Ainsi l'atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur est strictement proportionnée au but poursuivi d'établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l'employeur.

la 2e chambre civile applique ainsi aux AT/MP la jurisprudence de l'Assemblée plénière (Cass. ass. plen., 22 déc. 2023, n° 20-20.648 B+R) qui a dégagé ce principe. La preuve, obtenue ou produite de façon déloyale, n'est pas nécessairement écartée des débats. Le juge doit vérifier que la preuve illicite ou déloyale ne porte pas atteinte au caractère équitable de la procédure. Le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits, à condition que cela soit indispensable et strictement proportionné au but poursuivi.

Éléments couverts par le secret médical

  • Désormais, l'audiogramme mentionné au tableau n° 42 des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu'il n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale. En conséquence, celui-ci n'a pas à être communiqué à l'employeur. Et ainsi, son absence au dossier n'emporte pas pour l'employeur la possibilité de demander l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident ou la maladie au titre de la législation professionnelle.

la cour opère un revirement de jurisprudence en la matière. Jusqu'à présent, elle estimait que le dossier devait contenir ses audiogrammes à peine d'innopposabilité de la décision de prise en charge (Cass. soc.,19 oct. 1995, n° 93-12.329  et Cass. 2e Civ., 11 oct. 2018, n° 17-18.901
L'audiogramme du tableau n°42 rejoint donc la teneur de l'examen tomodensitométrique mentionné au tableau n° 30 B et la teneur de l'IRM mentionné au tableau n° 57 A, pour lesquelles, la Cour avait déjà décidé qu'elles n'avaient pas à figurer dans les pièces du dossier (Cass. 2e Civ., 17 janv. 2008, n° 07-13.356, F-B et Cass. 2e Civ., 29 mai 2019, n° 18-14.811 F-B).

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