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4 décembre 2023
Aucune indemnité d’éviction n’est due au locataire commercial qui, en violation du règlement de copropriété, stationne son véhicule dans les parties communes alors qu’il a été mis en demeure de cesser cette infraction et qui, en outre, a été violent à l’égard du bailleur.
La violence exercée par le locataire commercial justifie un congé sans indemnité d’éviction
©Gettyimages

La propriétaire d’un fonds de commerce de lingerie, qu'elle exploite dans des locaux pris en location, fait apport de son fonds à une SARL, dont elle est associée avec son fils, lequel en devient le gérant, et le bail se poursuit avec la société. Les bailleurs, des personnes physiques propriétaires des locaux loués en indivision, délivrent un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime sans offre d’indemnité d’éviction, invoquant divers agissements de la mère et de son fils.

La cour d’appel de Rouen estime que les manquements imputés à la mère, associée de la société locataire, peuvent être retenus par les bailleurs. A cet égard, elle précise que seuls peuvent être invoqués contre le locataire des manquements qu’il a lui-même perpétrés, à l’exclusion de ceux de son prédécesseur, et que sont assimilés au locataire sortant les membres de sa famille, préposés, sous-locataires, locataire-gérant ou copreneur.

La cour retient, par ailleurs, que les motifs suivants sont suffisamment graves et légitimes pour justifier le congé et l’absence d’indemnité d’éviction :

  • le fait pour la mère, responsable du magasin, d’avoir stationné son véhicule dans la cour commune de la copropriété ; en effet,  le bail commercial conférait au locataire l’usage d’un neuvième de la cour mais il ne lui accordait pas expressément le droit d’y stationner un véhicule ; le locataire devait se conformer aux dispositions du règlement de copropriété, qui  ne permettaient pas le stationnement prolongé des véhicules dans la cour ; bien que le locataire ait été mis en demeure de cesser cette infraction, car le véhicule gênait les manœuvres des autres copropriétaires, le véhicule était demeuré stationné plus d’un mois après la mise en demeure ; cette infraction avait occasionné une gêne intangible aux autres occupants des lieux et était de nature à exposer les bailleurs à une action intentée par les copropriétaires ;
  • le comportement agressif du gérant et de sa mère ; en effet, rappelle la cour d’appel, les fautes extracontractuelles tenant au comportement du locataire peuvent être retenues comme un motif légitime du congé dès lors qu’elles revêtent un caractère suffisamment grave et qu’elles ont un lien suffisant avec l’exécution du bail ; il en est ainsi des violences physiques et verbales exercées par le locataire sur un bailleur ou ses proches ; en l’espèce, tant dans la mise en demeure préalable que dans le congé qui avait suivi, les bailleurs reprochaient à la mère et à son fils d'avoir tenu des propos insultants ou provocants à l’égard des bailleurs et d’avoir fait preuve d’actes de violence à l’encontre de membres de leur famille ; en outre, diverses attestations établissaient l’existence d’un comportement agressif des associés de la société locataire à l’encontre des bailleurs ou de leurs proches, comportement inadmissible que l’existence d’un différend sur l'état des locaux loués ne suffisait pas à justifier.

A noter :

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu du paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant (C. com. art. L 145-7, I-1°).

Le motif grave et légitime du refus de renouvellement peut être constitué par une faute imputable au locataire ou aux personnes dont il répond (Cass. 3e civ. 11-6-2008 n° 07-14.256 FS-PB : RJDA 11/08 n° 1098). Ainsi jugé que :

- les actes commis par les représentants légaux d’une société sont imputables à cette dernière, même s'ils n'entrent pas dans l'objet social (Cass. 3e civ. 29-6-1977 n° 75-15.264 : Bull. civ. III n° 295) ;

-  peuvent être retenues les violences du conjoint du locataire exercées sur le bailleur  (Cass. com. 14-2-1961 n° 59-10.106 : Bull. civ. III n° 83) ou les violences commises par un préposé du locataire contre le bailleur  (Cass. com. 10-10.1961 n° 59-13.141 : Bull. civ. III n° 351), voire les violences exercées sur la femme du bailleur par un colocataire (Cass. 3e civ. 6-3-1996 n° 94-12.163 F-D : RJDA 6/96 n° 759).

Les motifs retenus pour justifier le congé sans indemnité d’éviction peuvent être de deux ordres. Il peut s’agir de motifs liés à l’exécution du bail. Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, le locataire ne respecte pas le règlement de copropriété. Tel est également le cas si le locataire ne respecte pas la destination du bail (CA Rouen 3-3-2010 n° 09-772 : RJDA 8-9/10 n° 832). Il peut également s’agir de motifs extracontractuels. il en est ainsi des violences exercées par le locataire sur le bailleur (CA Pau 7-4-2008 n° 05-1070 : RJDA 1/09 n° 13) ou encore du fait pour le locataire de produire, au cours de l'expertise destinée à évaluer l'indemnité d'éviction, des documents qu'il savait inexacts, en vue de bénéficier d'une augmentation indue du montant de cette indemnité (Cass. 3e civ. 19-12-2001 n° 00-14.425 FS-PB : RJDA 5/02 n° 480).

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