L'assemblée générale extraordinaire d'une société par actions simplifiée (SAS) décide de réduire le capital à zéro puis de l'augmenter et prend acte que, à l'issue de ce « coup d'accordéon », son président devient l'unique associé de la société. A la demande de l'un des associés évincés, le juge des référés suspend les résolutions de l'assemblée ayant constaté, d'une part, la souscription de l'augmentation de capital par le président, d'autre part, le nouveau montant du capital et ayant modifié les statuts en conséquence. Peu de temps après, l'associé unique de la SAS approuve un apport partiel d'actif au profit d'une filiale de celle-ci. L'associé évincé demande l'annulation de cet apport partiel.
La cour d'appel de Paris déclare l'action en nullité de l'apport partiel d'actif irrecevable dès lors que le demandeur avait perdu sa qualité d'associé lors de l'introduction de son action en raison du coup d'accordéon. Selon elle, en refusant de suspendre les résolutions de l'assemblée relatives à la réduction et à l'augmentation de capital ainsi qu'au maintien des droits préférentiels de souscription, le juge des référés n'avait pas entendu revenir sur l'opération et remettre les associés dans l'état où ils se trouvaient avant celle-ci.
Censure de la Cour de cassation : il résulte des articles L 210-2 et L 224-2 du Code de commerce que la réduction à zéro du capital d'une société par actions n'est licite que si elle est décidée sous la condition suspensive d'une augmentation effective de son capital amenant celui-ci à un montant au moins égal au montant minimum légal ou statutaire. Ayant constaté que l'augmentation de capital n'était pas effective, la cour d'appel ne pouvait pas faire produire d'effet à la réduction de capital, peu important que la résolution autorisant celle-ci n'ait pas été suspendue, de sorte que le demandeur avait conservé sa qualité d'associé de la société lorsqu'il avait agi en nullité.
A noter :
L'opération de coup d'accordéon est une opération qui permet d'apurer les pertes sociales notamment lorsque, du fait de celles-ci, les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social.
Aux termes de l'article L 224-2, al. 2 du Code de commerce, une réduction du capital à un montant inférieur à 37 000 € ne peut être décidée que sous la condition suspensive d'une augmentation de capital destinée à amener celui-ci au moins au niveau de ce montant.
Cet article ne s'applique qu'aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions, qui sont tenues d'avoir un capital minimal de 37 000 €. Pourtant la Cour de cassation étend la portée de ce texte aux SAS, qui, bien que n'étant pas tenues d'être dotées d'un capital minimal, doivent toutefois en fixer un, même symbolique, dans leurs statuts. En effet, les statuts des sociétés commerciales doivent déterminer le montant du capital (C. com. art. L 210-2, également visé par la décision de la Cour de cassation). Une réduction à zéro du capital non suivie d'une augmentation contreviendrait à cette règle. À notre avis, la solution est donc transposable à toutes les sociétés commerciales.
La Cour de cassation précise ici pour la première fois, à notre connaissance, que l'augmentation de capital doit être effective. Tel n'est pas le cas d'une augmentation dont les effets ont été suspendus par un juge des référés. L'augmentation de capital effective s'entend au sens de la présente décision comme celle qui a été définitivement réalisée et non comme celle qui a seulement été décidée en son principe. L'accomplissement de la condition suppose donc que les parts ou actions soient souscrites en nombre suffisant et libérées du minimum requis lors de la souscription.
Documents et liens associés
Cass. com. 4-1-2023 n° 21-10.609 F-B
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