Sauf exception, lorsque plusieurs contrats sont conclus entre, d'une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants ou mettant à disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne et, d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice de son activité commerciale par l'exploitant (C. com. art. L 341-1 et L 341-2) :
- l’ensemble de ces contrats doit avoir la même échéance ;
- la résiliation d’un des contrats emporte celle des autres ;
- les clauses qui, après extinction ou résiliation d’un des contrats, restreignent la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant sont réputées non écrites si elles ne respectent pas certaines conditions.
La Cour de cassation a été saisie de l'interprétation de ces articles, issus de la loi Macron du 6 août 2015, à l'occasion de l'affaire suivante.
Une société propriétaire de plusieurs agences immobilières conclut pour chacune d’elles un contrat de franchise avec un réseau national de franchise d’agences immobilières. Quelques années plus tard, elle résilie les contrats et, par un contrat d’apport partiel d’actif, transfère son activité « transaction immobilière » à une autre société ; toutes deux adhèrent à un autre réseau de franchise « immobilier ». Le premier franchiseur invoque une violation de la clause de non-réaffiliation qui figurait dans les contrats résiliés. Les sociétés poursuivies soutiennent que cette clause doit être réputée non écrite en application des dispositions précitées.
Qu'est-ce qu'un commerce de détail ?
Dans cette affaire, la première question posée à la Cour de cassation est celle de savoir si des agences immobilières constituent des commerces de détail au sens de ces textes et donc si elles relèvent du champ d’application de ceux-ci.
La Cour de cassation répond par l’affirmative, se fondant sur le raisonnement suivant.
Aucune définition de la notion de « commerce de détail » n'est donnée par l’article L 341-1 du Code de commerce, ni dans les autres textes de ce Code. L'incertitude sur le champ d'application des articles L 341-1 et L 341-2, en l'absence de définition légale de la notion de « commerce de détail », a été relevée dans le rapport de la mission d'information commune sur l'évaluation de la loi Macron.
Faute de précision dans cette loi ou dans les travaux parlementaires ayant précédé son adoption, il convient d'interpréter la notion de « magasin de commerce de détail » au regard de la finalité du texte. L'article L 341-2 vise à mettre un terme aux pratiques contractuelles des réseaux de distribution commerciale qui restreignent la liberté d'entreprendre de leurs affiliés, exploitants de commerce de détail, en dissuadant les changements d'enseigne. Son objectif est de faciliter les changements d'enseigne en vue d'augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs, de diversifier l'offre, tout en permettant aux commerçants de faire jouer la concurrence entre enseignes, notamment au niveau des services que celles-ci proposent.
Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général qui ne justifie aucune différence de traitement entre les réseaux, selon qu'ils exercent une activité de vente de marchandises ou une activité de services.
En conséquence, la notion de « commerce de détail » ne peut pas être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité d'agence immobilière.
C’est la première fois que la Cour de cassation est appelée à préciser le champ d’application des articles L 341-1 et L 341-2 du Code de commerce. S’ils ont été inspirés au législateur par un avis de l’Autorité de la concurrence en matière de commerce de détail d’alimentation (Avis n° 10-A-26 du 7-12-2010), ces articles ne sont pas limités aux commerces d’alimentation ni même à la vente de marchandises. Certains auteurs en préconisaient l’application au commerce de détail de services, relevant que celui-ci pouvait s’exercer sous l’enseigne d’un franchiseur (salon de coiffure, station de lavage automobile, salle de sport…) (N. Dissaux, Encyclopédie Dalloz Droit commercial, V° Franchise n° 212).
Conditions de validité de la clause de non-réaffiliation
La seconde question posée à la Cour de cassation portait sur la conformité de la clause de non-réaffiliation qui figurait dans les contrats de franchise résiliés aux conditions posées par l’article L 341-2 du Code de commerce.
La réponse est ici négative. En ce qu’elle imposait l'interdiction d'affiliation « à toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée » et à « tout ayant cause, à titre universel ou particulier », la clause post-contractuelle de non-réaffiliation n'était pas indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur et elle portait une atteinte excessive au libre exercice de l'activité du franchisé. La clause devait être réputée non écrite en son entier.
Pour que la clause restreignant l’activité de l’exploitant du commerce de détail après l’extinction du contrat ne soit pas réputée non écrite, celui qui s’en prévaut doit démontrer cumulativement que (C. com. art. L 341-2) :
- elle concerne des biens et services en concurrence avec ceux faisant l'objet du contrat ;
- elle est limitée aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;
- elle est indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
- sa durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats.
Si l'une de ces conditions n’est pas satisfaite, c’est l’intégralité de la clause de non-concurrence ou de non-réaffiliation qui est réputée non écrite. Le juge ne peut pas mitiger la sanction.
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