Une société civile immobilière, représentée par son gérant, souscrit un prêt auprès d'une banque, assorti de l'affectation hypothécaire de l'immeuble dont elle est propriétaire. Les échéances de ce prêt n'étant pas honorées, la banque poursuit la réalisation de l'hypothèque. La société, représentée par son nouveau gérant, expose que les fonds empruntés ont été détournés par son ancien gérant et qu'elle ne saurait être tenue par les actes ainsi passés par lui, au nom de la société, pour souscrire le prêt dans son intérêt personnel et pour affecter à son remboursement le seul immeuble dont elle était propriétaire. Elle demande le prononcé de la nullité ou de l'inopposabilité du prêt et de l'hypothèque.
Les juges du fond rejettent ces demandes. Ils retiennent qu'il n'est pas établi que, lors de la signature du contrat de prêt, la banque pouvait avoir connaissance de la fraude réalisée par celui qui était son gérant, statutairement désigné. Ils décident que la société a été valablement engagée par cet ancien gérant envers la banque prêteuse, qui s'est légitimement fondée sur les pouvoirs que lui conféraient les statuts et sur la définition statutaire de son objet.
Cette décision est cassée, pour les motifs suivants : certes, dans ses rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social (C. civ., art. 1849, al. 1). Toutefois, les actes accomplis par le gérant ne peuvent engager la société si, étant de nature à compromettre son existence même, ils sont contraires à l'intérêt social, même s'ils entrent dans l'objet social statutaire.
En écartant la demande de nullité ou d’inopposabilité du prêt et de l’hypothèque sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce prêt n'était pas contraire à l'intérêt social de la SCI, eu égard à son montant et à l'inscription hypothécaire prise sur son seul immeuble, ce qui était de nature à compromettre son existence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.