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4 min de lecture
29 janvier 2024
Lorsqu'une SAS en liquidation judiciaire est dirigée par une personne morale, la responsabilité en cas d'insuffisance d'actif est encourue par le représentant légal de cette personne morale en l'absence de représentant permanent au sein de la SAS.
Le représentant légal de la personne morale dirigeante d'une SAS condamné à en combler le passif
©Gettyimages

Le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif à laquelle ses fautes de gestion ont contribué (C. com. art. L 651-2, al. 1). La responsabilité pour insuffisance d'actif s’applique notamment aux dirigeants de droit et de fait ainsi qu'aux personnes physiques représentantes permanentes des dirigeants personnes morales (C. com. art. L 651-1 et L 651-2).

Une procédure de liquidation judiciaire est ouverte contre une société par actions simplifiée (SAS) dont le capital est détenu par une société, elle-même filiale d'une holding, et dont la direction est assurée par une troisième société. Le liquidateur judiciaire de la SAS poursuit en responsabilité pour insuffisance d'actif ces trois sociétés en qualité de dirigeantes de droit (s’agissant de la société présidente de la SAS) et de fait (s’agissant de la société mère et de la holding), ainsi que leurs représentants légaux. 

Les représentant légaux font alors valoir qu'ils ne peuvent pas être poursuivis faute d’avoir été désignés en tant que représentants permanents des personnes morales comme le prévoit  l'article L 651-1 du Code de commerce. Le représentant légal de la holding prétend en outre que les fautes de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif éventuellement commises par cette société ne lui sont pas imputables à titre personnel.

La Cour de cassation écarte ces arguments : lorsqu'une SAS en liquidation judiciaire a pour dirigeant de droit ou de fait une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif est encourue par la personne morale dirigeante et par son représentant légal en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeante au sein d'une SAS.

En conséquence, la faute de gestion de nature à engager la responsabilité pour insuffisance d'actif du représentant légal d'un dirigeant personne morale peut être caractérisée indifféremment à l'égard de celle-ci ou du représentant légal.

A noter :

Précision inédite. Aucun texte n'impose aux personnes morales qui occupent les fonctions de président ou de dirigeant d'une SAS de désigner un représentant permanent, contrairement aux textes relatifs aux mandats d'administrateur et de membre du conseil de surveillance de société anonyme (C. com. art. L 225-20 et L 225-76). La Cour de cassation admet cependant que les statuts d'une SAS puissent imposer une telle obligation (Cass. com. 19-1-2022 n° 20-14.089 F-D : BRDA 4/22 inf. 3). 

La solution retenue ici par la Cour de cassation va au-delà de la lettre de l'article L 651-1 du Code de commerce. Le but de ce texte est d'empêcher qu'une personne physique échappe à sa responsabilité personnelle en se dissimulant derrière l'écran de la personne morale dirigeante alors même que celle-ci agit nécessairement par son truchement. En outre, aux termes de l'article L 227-7 du Code de commerce, lorsqu'une personne morale est nommée présidente ou dirigeante d'une SAS, les dirigeants de ladite personne morale encourent les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'ils étaient présidents ou dirigeants en leur nom propre.

La solution rendue à propos du représentant légal d'une personne morale dirigeante d'une SAS est, à notre avis, transposable au représentant légal de la personne morale qui peut être nommée gérante d'une société en nom collectif (C. com. art. L 221-3, al. 2), d'une société en commandite (C. com. art. L 221-3, al. 2 sur renvoi de l'art. L 222-2  ; art. L 221-3, al. 2 sur renvoi des art. L 222-2 et L 226-1, al. 2) ou d'une société civile (C. civ. art. 1847). En effet, à l'instar des dispositions de l'article L 227-7 précité, les textes applicables à ces sociétés prévoient que les dirigeants des personnes morales gérantes encourent les mêmes responsabilités civiles et pénales que s'ils étaient gérants en leur nom propre (C. com. art. L 221-3 pour les SNC, SCS et SCA et C. civ. art. 1847 pour les sociétés civiles).

Lorsqu'une personne morale présidente ou dirigeante d'une SAS a désigné un représentant permanent en application d'une clause statutaire, il ne fait pas de doute que ce représentant est susceptible d'être condamné pour insuffisance d'actif dès lors que l'article L 651-1 du Code de commerce ne distingue pas suivant l'origine légale ou statutaire de cette désignation. Dans une telle hypothèse, le représentant légal de la personne morale demeure-t-il responsable aux côtés du représentant permanent ? Une lecture a contrario de la présente décision incite à répondre par la négative, la Cour de cassation ayant pris le soin de préciser que la responsabilité pour insuffisance d'actif du représentant légal de la personne morale dirigeante pouvait être engagée « en l’absence d’obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent ». Il faudra cependant attendre une décision de la Cour de cassation pour le confirmer.

2° En jugeant qu’il n’est pas nécessaire de caractériser une faute personnelle du représentant légal pour engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif, la Cour de cassation étend logiquement à ce dernier une solution qu'elle avait déjà retenue lorsque la personne morale dirigeante désigne un représentant permanent (Cass. com. 8-1-2020 n° 18-15.027 F-P : RJDA 4/20 n° 232).

Documents et liens associés :

Cass. com. 13-12-2023 n° 21-14.579 F-B

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