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29 mars 2023
Une augmentation exponentielle des charges locatives dans les trois ans suivant la conclusion du bail ne suffit pas à entraîner son annulation pour erreur du locataire sur ses qualités substantielles, faute d'éléments pour apprécier le vice lors de la conclusion du bail.
Nullité pour erreur d'un bail commercial : une augmentation exponentielle des charges ne suffit pas
©Gettyimages

Un contrat de bail commercial, signé en 2009, fait état de provisions pour charges d'un montant de 24 480 €. A compter de l'année 2012, le bailleur procède à des régularisations de charges portant sur les années 2010 à 2012, pour les montants suivants : environ 25 000 € au titre de l'année 2010, 34 000 € en 2011 et 27 000 € en 2012. 

Une cour d'appel annule le bail à la demande du locataire, estimant qu'il a commis une erreur sur les qualités substantielles du contrat (le montant du loyer et des charges) : à compter de l'année 2012, des régularisations avaient été demandées pour des sommes très importantes ; or le contrat de bail détaillait les éléments des provisions pour charges, dont le montant était parfaitement prévisible pour le bailleur, qui les avait cependant sous-évaluées ; celui-ci ne justifiait pas de l'augmentation exponentielle de ces charges et il avait les moyens de deviner leur croissance extraordinaire puisqu'il doit normalement procéder à leur régularisation annuelle ; le contrat de bail, s'il était très précis sur le transfert des charges, ne donnait pas d'éléments d'information sur leur montant réel et le locataire n'avait donc pas, lorsqu'il avait contracté, une vision exacte du montant réel du loyer et des charges dont il aurait à s'acquitter alors que c'est un élément fondamental du contrat.  

La Cour de cassation censure cette décision. L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que si elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet, la validité du consentement devant être appréciée au moment de la conclusion du contrat (C. civ. ex-art. 1110 dans sa rédaction antérieure à l'ord. 2016-131 du 10-2-2016 applicable en l'espèce). En l'espèce, les éléments relevés étaient des éléments postérieurs impropres à caractériser une erreur du locataire lors de la conclusion du contrat.    

A noter :

1° L'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a remplacé l'unique article du Code civil relatif à l'erreur (ex-art. 1110) par cinq articles (C. civ. art. 1132 à 1136).  

Ainsi, pour les baux conclus à compter du 1er octobre 2016, l'erreur commise par l'un des cocontractants est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due (C. civ. art. 1132, al. 1), qu'il s'agisse de la prestation due par le bailleur ou par le locataire (art. 1133, al. 2). Les qualités essentielles sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté (art. 1133, al. 1). Pour les baux antérieurs à cette date, l'ancien article 1110, al. 1 du Code civil exigeait que l'erreur tombe sur la substance même de la chose qui en était l'objet mais une jurisprudence constante a étendu l'erreur sur la substance à celle sur les qualités substantielles du bien objet du contrat (origine, authenticité, utilisation, etc.). A notre avis, le changement de terminologie (auparavant erreur sur les qualités substantielles de l'objet du contrat ; maintenant erreur sur les qualités essentielles de la prestation) ne remet pas en cause les solutions antérieures à la réforme, qui demeurent applicables.

2° La Cour de cassation a jugé que constituait une erreur sur la qualité substantielle du bien loué justifiant l'annulation du bail le triplement des charges par rapport au montant précis stipulé dans le contrat et au montant prévisionnel qui figurait dans une plaquette remise avant la conclusion du bail (Cass. 3e civ. 13-6-2001 n° 99-18.676 FS-D). Jugé également que devait être annulé en raison du dol du bailleur le bail conclu par le locataire s'étant vu remettre, avant la signature du contrat, une estimation prévisionnelle des charges fixée à 28 500 € alors qu'en réalité c'est un minimum annuel de 38 800 € qui aurait dû être annoncé, sans compter divers dépassements prévisibles (Cass. 3e civ. 29-1-2002  n° 00-17.201 F-D :  RJDA 4/02 n° 355). 

L'erreur doit cependant avoir existé au moment de la conclusion du contrat, rappelle la Cour de cassation dans l'arrêt commenté. En l'espèce, le bailleur n'avait vraisemblablement pas délivré avant la conclusion du contrat d'éléments prévisionnels indiquant un montant des charges liées au bail très inférieur au montant effectivement attendu. 

3. Rappelons qu'en cas d'annulation du bail le locataire, qui ne peut pas rendre en nature la prestation qu'il a reçue, la restitue par équivalent en versant au bailleur une indemnité d'occupation en contrepartie de la jouissance des locaux (Cass. 3e civ. 10-5-2001 n° 99-20.374 FS-D :  RJDA 11/01 n° 1077 ; Cass. 3e civ. 24-6-2009 n° 08-12.251 FS-PB :  RJDA 10/09 n° 818).

Documents et liens associés

Cass. 3e civ. 15-2-2023 n° 21-23.166 F-D, Sté Palmer-plage c/ SARL Access global security

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