Après la cession du fonds de commerce d'une société exploitant un salon de coiffure, ses associés décident le même jour la dissolution de la société et constatent la clôture de la liquidation. Les formalités de publicité sont réalisées quelques mois après. Entre la clôture de la liquidation et l'accomplissement de ces formalités, les paiements effectués par carte bancaire par les clients du salon de coiffure continuent à être versés par erreur sur le compte bancaire de la société. N'ayant pu obtenir la restitution de ces paiements, l'acquéreur du fonds poursuit le liquidateur en responsabilité.
La cour d’appel de Paris (CA Paris 14-2-2023 n° 21/11347) condamne le liquidateur à payer des dommages-intérêts équivalant au montant des sommes indûment versées sur le compte de la société, déduisant de l'argumentation suivante que le liquidateur avait commis une faute ayant privé l'acquéreur de la possibilité de les récupérer. La mission du liquidateur amiable ne saurait prendre fin du seul fait de la clôture de la liquidation tant que celle-ci n'a pas été publiée. Les encaissements résultant du paiement de prestations par les clients du salon, après la cession du fonds de commerce, avaient fait naître au profit de l'acquéreur une créance de restitution à l’encontre de la société cédante et le liquidateur avait été informé de cette créance. La créance étant apparue avant la publication de la clôture de la liquidation, le liquidateur était en mesure de régler la créance car il avait pouvoir pour disposer des sommes créditées sur le compte bancaire de la société. La cour d'appel ajoute que le mandat que le liquidateur avait confié à son expert-comptable pour la procédure de liquidation ne permettait pas de l’exonérer de sa responsabilité.
A noter :
1° En fin de liquidation, les associés de la société sont convoqués pour statuer sur le compte définitif, sur le quitus de la gestion du liquidateur et la décharge de son mandat et pour constater la clôture de la liquidation (C. com. art. L 237-9, al. 1).
La clôture de la liquidation entraîne la disparition de la personnalité morale de la société (C. com. art. L 237-2, al. 2). Toutefois, celle-ci n'est opposable aux créanciers sociaux qu'après l'accomplissement des formalités de publicité. En outre, même après ces formalités de publicité, la personnalité morale de la société subsiste à leur égard s'il apparaît que leurs droits et obligations ne sont pas liquidés (Cass. com. 26-1-1993 : RJDA 5/93 n° 403, 1e espèce ; Cass. com. 10-12-1996 : RJDA 2/97 n° 212), sous réserve que ces droits et obligations soient nés avant la liquidation (Cass. com. 16-5-2018 n° 16-16.498 FS-PB : RJDA 10/18 n° 735).
S'agissant de la mission du liquidateur amiable, contrairement à ce qu'affirme l'arrêt commenté, celle-ci ne prend pas fin à compter de l'accomplissement des formalités de publicité, mais au jour de la clôture de la liquidation, le liquidateur n'ayant plus, à compter de cette date, qualité pour représenter la société (Cass. com. 15-6-1993 n° 1107 P : RJDA 11/93 n° 906 ; Cass. com. 18-1-2000 n° 180 D : RJDA 4/00 n° 423).
En l'espèce, l'acquéreur du fonds de commerce aurait dû demander la réouverture de la liquidation et la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de représenter la société.
2° Le liquidateur est responsable, tant à l'égard de la société qu'à l'égard des tiers, des conséquences dommageables des fautes commises par lui dans l'exercice de ses fonctions (C. com. art. L 237-12, al. 1).
La liquidation amiable de la société impose l'apurement intégral du passif (Cass. com. 7-12-1993 n° 91-18.145 P : RJDA 4/94 n° 412, 2e espèce). Le liquidateur engage sa responsabilité lorsqu’il omet d’inclure dans les comptes de liquidation une créance sur la société dont il avait pourtant connaissance (Cass. com. 20-11-2007 n° 06-19.286 F-D : RJDA 12/08 n° 1280).
Pour en savoir plus
Voir : MSC 2023 n° 86958, 87230