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15 mars 2024
Le Conseil d’État a été saisi d’une demande en annulation pour excès de pouvoir à l’encontre d’une décision de la CNIL du 15 février 2020, rendue à la suite d’une plainte d’un particulier qui souhaitait s’opposer au traitement de ses données personnelles et exigeait leur suppression du registre des baptêmes.

Dans sa délibération, la CNIL a considéré qu’aucun des motifs d’effacement mentionnés par le RGPD n’était applicable et que l'apposition en marge du registre des baptêmes de la mention selon laquelle la personne concernée ne reconnaissait pas la valeur de son baptême pouvait être regardée comme satisfaisant le droit d'opposition. Le Conseil d’État devait donc se prononcer sur l’existence d’un droit à l’effacement de données personnelles traitées dans les registres de baptêmes et des modalités d’application du droit d’opposition.

L’article 17 du RGPD dispose que la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable du traitement l'effacement de données à caractère personnel la concernant lorsque l'un des motifs suivants s'applique :

            - les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ;

            - la personne concernée retire le consentement qui servait de base légale au traitement ;

            - la personne concernée s'oppose au traitement et il n'existe pas de motif légitime impérieux qui justifierait que le traitement ait lieu malgré cette opposition ;

            - les données ont fait l’objet d’un traitement illicite.

Le Conseil d’État élimine ces fondements les uns après les autres. Il estime tout d’abord que le traitement est licite dans la mesure où il repose sur une exception à l’interdiction de traiter des données sensibles. Il est, en effet, réalisé par une association poursuivant une finalité religieuse dans le cadre de ses activités légitimes, moyennant les garanties appropriées, se limitant aux seuls membres et anciens membres de l’association, sans que les données personnelles soient communiquées sans le consentement des personnes concernées (art. 9, § 2, d) du RGPD).

En outre, le traitement des données jusqu’au décès de la personne concernée est considéré comme nécessaire dès lors qu’il permet de s’assurer que la personne n’est baptisée qu’une seule fois dans sa vie.

Quant à l’exception tenant au retrait du consentement, elle exige que le traitement ait pour base légale le consentement de la personne concernée. Or, tel n’est pas le cas selon le Conseil d’État. Se pose la question des bases légales listées par l’article 6 du RGPD qui pourraient fonder le traitement. L’intérêt légitime poursuivi par le responsable semble pouvoir être utilisé.

Le Conseil d’État analyse la possibilité pour la personne concernée d’exiger l’effacement des données en s’opposant purement et simplement au traitement. Cette opposition est soumise à la condition qu’il n'existe pas de motif légitime impérieux qui justifierait que le traitement ait lieu malgré l’opposition. Or, « l'intérêt qui s'attache, pour l'Église catholique, à la conservation des données personnelles relatives au baptême figurant dans le registre, doit être regardé comme un motif légitime impérieux, prévalant sur l'intérêt moral du demandeur à demander que ces données soient définitivement effacées » (point 9). La Haute juridiction met en avant plusieurs raisons :

  • les registres ont pour objet de conserver la trace d'un événement qui constitue l'entrée dans la communauté chrétienne, qui a des effets au moment du mariage et qui ne peut être reçu qu’une seule fois dans une vie (point 7) ;
  • les registres sont des documents non dématérialisés, dont les données ne sont accessibles qu'aux intéressés pour les mentions qui les concernent, ainsi qu'aux ministres du culte et aux personnes œuvrant sous leur autorité, aux seules fins du suivi du parcours religieux des personnes baptisées et de l'établissement éventuel d'actes ultérieurs dans le cadre de l'administration du culte catholique (point 7) ;
  • la personne baptisée a la possibilité « de faire apposer sur le registre une mention faisant état de sa décision de renoncer à tout lien avec la religion catholique » (point 9). À cet égard, le Conseil d’État valide le fait que l'exercice du droit d'opposition puisse se faire, « eu égard à la nature du registre des baptêmes tenu par l'Église catholique, par l'ajout d'une mention, en marge de ce registre, exprimant la volonté de l'intéressé de renoncer à tout lien avec l'Église catholique » (point 11).
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Jessica EYNARD, Maître de conférences HDR en droit à l’Université de Toulouse Capitole, co-directrice de la Mention Droit du numérique et chercheuse associée - Chaire Law, Accountability and Social Trust in AI, ANITI
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