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23 mai 2023
La détention ou l’appropriation d’informations confidentielles appartenant à une société concurrente apportées par un ancien salarié constitue un acte de concurrence déloyale.

Une société avait engagé une action en concurrence déloyale à l’encontre d’une autre société concurrente, créée par deux de ses anciens salariés. La société invoquait un trouble commercial lié au détournement des documents commerciaux dont elle avait la propriété par ses anciens salariés : l’un de ceux-ci s'était en effet envoyé des courriels depuis sa boîte professionnelle, avant son licenciement, sur une adresse courriel personnelle, contenant divers actes commerciaux et avait détourné des données commerciales relatives à  la stratégie de développement de la société dans l'Ouest de la France. Le concurrent a contesté l’existence d’une faute dans la mesure où un « usage effectif » des documents litigieux n’était pas établi. Il a en outre soulevé son absence d’immatriculation et en conséquence, d’existence légale, au moment des faits.

Les juges du fond ont considéré que les transferts de messages visaient des documents commerciaux techniques importants et étaient de nature à servir les intérêts personnels de l’ancien salarié susceptibles d'être utilisés notamment par la création d'une autre structure. De plus, la faute résultait de « l'effectivité des détournements et non de l'usage des données qui pourraient en résulter ». Enfin, pour retenir la faute du concurrent, les juges ont considéré que l'acte reproché à une personne morale s'analysait au travers de ceux qui étaient commis par une personne physique qui lui était attachée, telle que son dirigeant. 

Un pourvoi en cassation a été formé. La haute juridiction a cassé l’arrêt au visa des articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 210-6 du code de commerce.

Concernant le détournement des documents commerciaux, la Cour de cassation reproche aux juges de ne pas avoir constaté l'appropriation ou la détention par la société créée par les anciens salariés, des informations confidentielles obtenues pendant l'exécution de leur contrat de travail. Dès lors, pour engager la responsabilité de la société concurrente, la faute ne sera pas suffisamment établie par le seul détournement des documents commerciaux par ses membres fondateurs.

La Cour de cassation rappelle que selon l’article 1240 du code civil, la faute de la personne morale résulte de celle de ses organes. Elle rappelle également les dispositions de l’article 210-6 alinéa 1 du code de commerce selon lequel les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Selon l’alinéa 2, les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes. Si la responsabilité d’une personne morale s'analyse au travers des actes commis par une personne physique qui lui est attachée comme son dirigeant, encore faut-il que la qualité de dirigeant existe au moment des faits. Dans la mesure où la société n'était ni constituée ni immatriculée aux moments des faits reprochés, les agissements fautifs de l’ancien salarié qui n'était pas encore dirigeant, ne pouvaient engager sa responsabilité.

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Delphine Roblin-Lapparra, Avocate à la cour
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