Un associé d'une société civile cède ses parts à l'un de ses enfants et décède 18 ans après. Dans le cadre du règlement de sa succession, les autres héritiers de l'associé, estimant que le prix de cession des parts a été sous-évalué, demandent que ces parts et les dividendes perçus au titre de celles-ci soient réintégrés à l'actif successoral.
Pour faire droit à cette demande, une cour d'appel juge la cession inopposable aux héritiers demandeurs faute d'accomplissement des formalités prévues à l'article 1865 du Code civil, qui permettent de rendre la cession opposable aux tiers.
Censure de la Cour de cassation : les héritiers du cédant ne sont pas des tiers au sens de l'article 1865 du Code civil, de sorte qu'ils ne peuvent pas se prévaloir du défaut de publication de l'acte de cession des parts sociales pour que celui-ci leur soit déclaré inopposable.
A noter :
Précision inédite à notre connaissance. Les cessions de parts de sociétés civiles sont opposables aux tiers après, d'une part, leur signification à la société ou leur acceptation par elle dans un acte authentique et, d'autre part, le dépôt de l'acte de cession au greffe du tribunal de commerce (C. civ. art. 1865). Les statuts peuvent remplacer la signification ou l'acceptation de la cession par un transfert sur les registres de la société (art. précité).
Rendue au visa notamment de l’ex-article 1122 du Code civil (« On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention »), qui a été abrogé par la réforme du droit des contrats de 2016 (Ord. 2016-131 du 10-2-2016), la solution ici retenue par la Cour de cassation demeure valable sous l’empire du régime actuel. Le texte précité était en effet superflu au regard des règles posées en matière de successions et de libéralités (N. Dissaux, C. Jamin, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Dalloz).
La Cour de cassation se fonde ici surtout sur l’article 724 du Code civil, selon lequel les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt. À ce titre, ils acquièrent la qualité de partie au contrat conclu par le défunt (Cass. 3e civ. 13-7-1999 n° 97-21.537 PB : RJDA 10/99 n° 1068). Ils ne sauraient donc être considérés comme des tiers.
À notre avis, la solution est transposable aux cessions de parts de SARL et de sociétés en nom collectif.
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