Un groupement foncier agricole (GFA) est constitué par trois personnes. À la suite du décès de l’un des associés, une assemblée générale est tenue, au cours de laquelle deux des trois héritiers du de cujus refusent d’agréer un tiers auquel le troisième héritier souhaite céder ses parts. Dépité, ce dernier fait valoir qu’il n’a pas été convoqué à cette assemblée et demande son annulation ainsi que la convocation d’une nouvelle assemblée.
Le requérant ayant obtenu satisfaction devant les juges du fond, un de ses frères héritiers forme un pourvoi en cassation soutenant que l’héritier d’un associé n’a pas à être convoqué tant que le partage des parts sociales n’a pas eu lieu.
La Cour de cassation rejette son pourvoi. Répondant à la question posée au-delà du seul cas des GFA, elle énonce que « les héritiers d’un associé d’une société de personne(s, Ndlr) ont, lorsqu’il a été stipulé que la société continuerait avec eux, la qualité d’associé ». Or, en l’espèce, les statuts stipulaient, d’une part, que la transmission par décès au profit des descendants légitimes aurait lieu librement et ne serait pas soumise à agrément et, d'autre part, qu'en cas de décès d’un des associés, la société continuerait entre les survivants et les ayants droit et héritiers de l'associé décédé. En conséquence, la société n’était pas dissoute en raison du décès d’un associé, elle se poursuivait et, en l’absence de procédure d’agrément, les héritiers avaient acquis la qualité d’associé, en raison de leur qualité de propriétaire indivis des parts du GFA, tant que le partage n’avait pas eu lieu.
L’arrêt applique ainsi les règles propres aux sociétés de personnes en les combinant avec la solution, aujourd’hui traditionnelle, en présence d’une indivision, à savoir que chaque indivisaire a la qualité d’associé (Cass. 1ère civ., 6 févr. 1980, n° 78-12.513). Dans les sociétés de personnes, le caractère intuitu personae est si fort que le principe est parfois la dissolution de la société en cas de décès d’un associé, quand bien même ce principe peut être statutairement écarté. Tel est le cas pour la SNC (C. com., art. L. 221-15). Au contraire, en matière de société civile, le principe est la continuation de la société « avec les héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés par les associés » (C. civ., art. 1870), mais est également envisagée la possibilité de choisir la dissolution ou la continuation avec les seuls survivants en cas de décès d’un associé. De même, pour les GFA, l’article L. 322-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le décès d’un associé ne met pas fin au groupement. L’acquisition de la qualité d’associé par l’héritier est alors possible soit automatiquement, soit après obtention d’un agrément.
Toutefois, en présence d’une pluralité d’héritiers et tant que le partage n’a pas eu lieu, la question de l’attribution de la qualité d’associé à l’ensemble des héritiers se posait. La Cour apporte dans cet arrêt un éclairage utile. Il convient d’appliquer au cas de l’indivision successorale la solution générale retenue en matière d’indivision de droits sociaux. Dans l’attente du partage, chacun des héritiers obtient la qualité d’associé en raison de sa qualité de propriétaire indivis des droits sociaux compris dans la succession et a le droit, en conséquence, de participer aux décisions collectives, étant rappelé que l’exercice du droit de vote impose en revanche le recours à un mandataire commun en raison de son caractère collectif (C. civ., art. 1844, al. 2 ; Cass. com., 10 juill. 2012, n° 11-21.789).
La solution, applicable à toutes les sociétés de personnes, comme l’indique la Cour de cassation, est selon nous également applicable aux sociétés de capitaux. Ceci étant précisé, la question de l’acquisition automatique de la qualité d’associé par les héritiers se pose avec moins de vigueur dans les sociétés de capitaux, peu marquées par l’intuitu personae.