Les caractéristiques du harcèlement sexuel
Répétition de faits à connotation sexuelle ou acte unique très grave
Le harcèlement sexuel est défini comme le fait d’imposer, de façon répétée, à une personne des propos et des comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
L’infraction est également constituée lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime:
- par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
- successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Un fait, même non répété, peut aussi être assimilé à du harcèlement lorsqu’il consiste à user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
Remarque
Il s’agit là de la définition donnée par le code pénal (C. pén., art. 222-33 ) qui est reprise à l’article L. 1153-1 du code du travail depuis le 31 mars 2022, en application de la loi pour renforcer la prévention de la santé au travail du 2 août 2021 ( L. no 2021-1018, 2 août 2021 : JO, 3 août). En tout état de cause, le code pénal s’applique également en entreprise. Si la répétition des faits reste un critère important, il ne faut pas négliger les actes isolés et néanmoins graves. Reste à savoir ce qu’entendront les juges par « toute forme de pression grave »…
Ces mesures de protection visent non seulement le salarié mais aussi les stagiaires, les personnes en formation, les candidats à l’embauche, à un stage ou à une période de formation.
Remarque
Les transsexuels sont expressément protégés : l’identité sexuelle est, comme l’orientation sexuelle, un nouveau motif de discrimination (C. trav., art. L. 1132-1, L. 1321-3 et L. 1441-23 ).
Des actes ou des paroles
Le harcèlement sexuel peut être physique (ex. : contacts ou agressions physiques, attouchements, pincements, effleurements, regards insistants ou gestes à connotation sexuelle). Il peut être aussi oral (ex. : plaisanteries et allusions à connotation sexuelle, commentaires sur le sexe ou la sexualité d’une personne). Au final, le juge décide au cas par cas de ce qui constitue ou non un harcèlement sexuel.
Remarque
Ainsi, les tribunaux qualifient de harcèlement sexuel, les comportements suivants :
- propos à connotation sexuelle d’un supérieur hiérarchique et attouchements « normalement étrangers à la relation hiérarchique » ( Cass. crim., 3 juin 2008, no 07-87.878 ) ;
- comportement de l’employeur ayant provoqué l’inaptitude de la salariée et consistant en des intrusions répétées dans sa vie privée (appels téléphoniques, visites à son domicile, cadeaux multiples) pour la contraindre à répondre à ses avances ( Cass. soc., 3 mars 2009, no 07-44.082 ) : dans ce cas, le licenciement de la salariée pour inaptitude est nul, le harcèlement étant à l’origine de l’inaptitude ( Cass. soc., 24 juin 2009, no 07-43.994 ) ;
- avances sexuelles, brimades, propos, gestes déplacés ( Cass. soc., 23 sept. 2008, no 07-42.920 ) ;
Il peut y avoir harcèlement en dehors d’un lien hiérarchique et hors du lieu de travail
Le harcèlement sexuel peut exister en dehors de tout lien hiérarchique (ex. : avec un intérimaire). Il peut être le fait d’un subordonné vis-à-vis de son supérieur hiérarchique. Il peut aussi être commis par une personne du même sexe que sa victime ( Cass. soc., 3 mars 2021, no 19-18.110 ). Une personne extérieure à l’entreprise (ex. : un client) peut également être reconnue coupable de harcèlement sexuel. En outre, des faits commis en dehors de l’entreprise et des horaires de travail peuvent tomber sous le coup d’un harcèlement sexuel et donner lieu à sanction disciplinaire ( Cass. soc., 19 oct. 2011, no 09-72.672 ).
Des sanctions lourdes
Le harcèlement sexuel est sanctionné par le code pénal : 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende (3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende en cas de circonstances aggravantes) (C. pén., art. 222-33 ).
Remarque
Les circonstances considérées comme aggravantes sont les faits commis par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, les faits commis sur un mineur de 15 ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur.
Il s’agit aussi de faits commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur, ou de faits commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.
Il peut également s’agir de faits commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, ou de faits commis en présence d’un mineur était présent ou encore de faits commis par un ascendant ou toute autre personne ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime.
Par ailleurs, toute discrimination à l’encontre d’une personne ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement, ou les ayant dénoncés, est un délit en tant que tel, que le code du travail punit d’un an d’emprisonnement et 3 750€ d’amende (C. trav., art. L. 1155-2 ). Le code pénal prévoit une sanction plus lourde : 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende (C. pén., art. 225-2 ).
Remarque
Les pouvoirs publics ont mis en ligne un site dédié au harcèlement sexuel et, plus généralement, aux violences faites aux femmes (https://arretonslesviolences.gouv.fr).
L’outrage sexiste et sexuel est aussi sanctionné pénalement. Depuis le 1er avril 2023, l’auteur d’un outrage sexiste et sexuel non aggravé encourt une contravention de la 5e classe de 1 500€ et de 3 000€ en cas de récidive (amende forfaitaire de 150€) et l’outrage sexiste et sexuel aggravé (sur un mineur ; en raison de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ; dans un véhicule affecté au transport public particulier) devient un délit. Son auteur encourt une peine d’amende de 3 750€ (amende forfaitaire de 300€).
L’attitude de la victime peut être prise en considération
Les juges peuvent parfois considérer que la personne se disant victime de harcèlement a eu une attitude ambiguë avec son prétendu harceleur, et écarter la qualification de harcèlement sexuel. C’est le cas d’une salariée ayant répondu à de multiples SMS de son manager, sans jamais l’inciter à cesser de lui en envoyer (et sans que l’on sache au final qui avait adressé le premier message à l’autre), tout en adoptant sur le lieu de travail une attitude de séduction. Les juges ont estimé qu’elle avait volontairement participé à un jeu de séduction réciproque excluant toute qualification de harcèlement sexuel ( Cass. soc., 25 sept. 2019, no 17-31.171 ).
La protection des témoins et de la victime
Le salarié, le stagiaire ou la personne en période de formation qui témoigne ou est victime d’un harcèlement sexuel et le revendique bénéficie d’une protection particulière : il ne peut pas être sanctionné, licencié ou faire l’objet de mesures discriminatoires directes ou indirectes pour avoir subi ou refusé de subir des agissements qualifiables de harcèlement sexuel, ou pour en avoir fait état. De telles mesures sont sanctionnées par la nullité, à moins de prouver la mauvaise foi du salarié. L’employeur a aussi une obligation de prévention : face à une dénonciation de harcèlement sexuel, sa passivité peut être sanctionnée. Il en va de même s’il ne prend pas, en amont, toutes les mesures nécessaires pour le prévenir et en aval toutes celles utiles à le faire cesser.
Remarque
A défaut, il est coupable d’une « abstention fautive » et manque à son obligation de sécurité, même s’il n’est pas l’auteur du harcèlement ( Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-70.902 ).
Depuis le 1er septembre 2022, l’article L. 1153-2 du code du travail prévoit également qu’aucune personne ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article L. 1153-1, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés, ou ayant, de bonne foi, témoigné de faits de harcèlement sexuel ou relaté de tels faits ne peut faire l’objet des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2 du même code.
La victime de harcèlement peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail ( Cass. soc., 3 févr. 2010, no 08-44.019 ).
Remarque
Le salarié démissionnant après avoir été victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail peut bénéficier du droit à indemnisation par l’assurance chômage, sa démission étant considérée comme légitime.
Double poursuite : la solution au pénal s’impose au civil
Si la personne accusée de harcèlement sexuel est poursuivie au civil (dispositions du droit du travail) et au pénal (dispositions du code pénal), la décision du juge pénal s’impose au juge civil. Ainsi, si un salarié, licencié pour avoir harcelé sexuellement un autre salarié, conteste le motif de son licenciement devant les prud’hommes et qu’il est relaxé au pénal, le conseil des prud’hommes doit reconnaître le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse. Pour que ce principe soit applicable, encore faut-il que les faits allégués dans les deux procédures soient les mêmes ( Cass. soc., 23 nov. 2010, no 09-42.274 ). Lorsqu’à l’issue des poursuites pénales pour harcèlement sexuel, le juge prononce la relaxe du salarié fondée uniquement sur l’absence d’élément intentionnel, le juge prud’homal conserve la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel en droit du travail ( Cass. soc., 25 mars 2020, no 18-23.682 ; Cass. soc., 18 janv. 2023, no 21-10.233 ).