Des primes et gratifications qui répondent à des objectifs différents
Les primes compensant des sujétions particulières de travail
Destinées à compenser la nature ou les conditions particulières du travail, elles peuvent être accordées en cas de danger ou de risque, en cas de travail insalubre, dans le froid, de nuit ou le dimanche, ou encore compenser une situation géographique particulière. Versées en application d’une convention ou d’un accord collectif de travail, du contrat de travail ou d’un usage, elles sont soumises à cotisations sociales mais n’entrent pas en compte pour le calcul du Smic.
Les primes récompensant le mérite professionnel du salarié
Si les plus courantes sont prévues conventionnellement, ces primes peuvent aussi être prévues par le contrat de travail ou résulter d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur. Les plus fréquentes sont :
- la prime de fin d’année ou de 13e mois : elle prend souvent la forme d’un doublement du salaire en fin d’année ou du versement d’un douzième du montant global chaque mois. Soumise à cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu, elle est également prise en compte pour vérifier l’application du Smic pour le mois de son versement ;
- la prime d’ancienneté : elle récompense la fidélité du salarié et encourage la stabilité du personnel. Soumise à cotisations sociales, elle n’est pas prise en compte pour vérifier l’application du minimum légal ;
- la prime d’assiduité récompensant la présence régulière du salarié : soumise à cotisations, elle n’est pas retenue pour vérifier l’application du Smic si elle a pour but de lutter contre l’absentéisme et si son attribution est aléatoire ( Cass. soc., 23 avr. 1997, no 94-41.722 ) ;
- les primes de rendement, de productivité ou d’objectifs : elles ont généralement pour objet de récompenser la performance individuelle même si certaines d’entre elles peuvent être calculées en fonction d’un rendement collectif ou par équipe. Attention ! Une prime versée régulièrement pendant 4 ans peut constituer un élément de rémunération contractualisé ( Cass. soc., 22 mai 2024, no 23-10.076 ).
Les primes versées à l’occasion d’un événement particulier
Certaines primes peuvent être liées à la situation personnelle du salarié, à un événement familial (ex. : prime de naissance ou de mariage). D’autres sont liées à la situation de l’entreprise et peuvent être versées pour marquer la signature d’un accord collectif, dans l’attente d’une augmentation de salaire ou encore en fonction des résultats ou de l’augmentation du capital de l’entreprise (ex. : primes de bilan ou « d’intéressement »). Elles sont soumises à cotisations sociales et prises en compte pour le calcul du Smic le mois de leur versement.
Les primes remboursant les frais professionnels du salarié
Plutôt que de rembourser les frais professionnels exposés par le salarié sur présentation de justificatifs, l’employeur peut ui octroyer une prime forfaitaire destinée à rembourser ces frais (ex. : prime de salissure, de transport, de repas). Cette prime n’est pas considérée comme du salaire et est exonérée de cotisations sociales.
Des primes et gratifications souvent obligatoires, parfois bénévoles
Les primes « bénévoles »
Certaines primes sont dénommées « bénévoles » car leur versement et montant dépendent librement de l’employeur ( Cass. soc., 20 oct. 1982, no 80-41.143 ). Soumises à cotisations, elles ne sont pas prises en compte pour apprécier si le salarié est bien rémunéré à hauteur du Smic. Elles ne sont pas non plus prises en compte dans le calcul de la majoration pour heures supplémentaires, ni dans celui de l’indemnité de congés payés. L’employeur peut décider librement de modifier ou supprimer une prime bénévole. Les salariés ne disposent d’aucun recours contre cette décision, sauf à prouver l’existence d’une discrimination. En effet, le caractère discrétionnaire d’une prime n’autorise pas l’employeur à traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l’avantage considéré ( Cass. soc., 10 oct. 2012, no 11-15.296 ), sous peine des dommages-intérêts ( Cass. soc., 19 avr. 1989, no 85-45.404 ).
Les primes obligatoires ou dites « contractuelles »
Souvent, les primes sont prévues par une convention ou un accord collectif de branche ou d’entreprise, le contrat de travail, un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur (engagement généralement formalisé dans le règlement intérieur, une note de service, une circulaire ou un accord atypique signé entre la direction et les représentants du personnel). Ces primes « contractuelles » constituent du salaire et, à ce titre, ne peuvent être supprimées ou modifiées unilatéralement par l’employeur.
Remarque
Si une prime est conventionnelle, l’employeur doit respecter les règles de dénonciation de l’accord collectif qui l’a instaurée. Si elle résulte d’un usage ou d’un engagement unilatéral, il doit informer les représentants du personnel et chaque salarié concerné de sa suppression ou sa modification et respecter un délai de prévenance suffisant. Si elle a été formalisée dans le contrat de travail, elle ne peut être supprimée ou modifiée sans l’accord exprès du salarié. En cas de concours entre une prime conventionnelle et une prime contractuelle, il faut rechercher si les deux ont, ou pas, le même objet. En effet, les avantages ayant le même objet ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler. Dans ce cas, seul le plus favorable d’entre eux peut être accordé ( Cass. soc., 11 mai 2022, no 21-11.240 ).
Lors de sa création, l’employeur peut toutefois subordonner le versement d’une prime :
- à la réalisation d’objectifs si les salariés concernés peuvent vérifier le calcul de leur rémunération conformément aux modalités prévues ( Cass. soc., 24 sept. 2008, no 07-40.709 ) ;
- au caractère bénéficiaire de l’exercice social, si l’intention de lier le versement de la prime à la santé financière de l’entreprise est expressément et clairement indiquée ( Cass. soc., 18 mars 1997, no 94-45.156 ) ;
- à la présence du salarié dans l’entreprise lors du versement : la condition de présence ne doit toutefois pas être disproportionnée comme c’est le cas pour le bénéfice d’une prime annuelle subordonnée à la présence du salarié dans l’entreprise au 30 juin de l’année suivant le versement de la prime ( Cass. soc., 18 avr. 2000, no 97-44.235 ). Elle ne doit pas être postérieure à la date de versement de la prime ( Cass. soc., 29 sept. 2021, no 13-25.549 ), sauf s’il s’agit d’une prime d’arrivée (ou « golden hello ») : v. ci-dessous. Si la disposition conventionnelle octroyant une prime annuelle prévoit « une présence au 31 octobre de chaque année », cette condition s’entend de la présence continue dans les effectifs à cette date et non d’une présence effective au 31 octobre ( Cass. soc., 26 oct. 2022, no 21-15.963, no 1141 FS-B ). La prime doit être versée au salarié dispensé d’effectuer son préavis si celui-ci n’a pas expiré avant la date de versement (C. trav., art. L. 1234-5 ) ;
- à la présence du salarié après son versement. C’est ce qu’a validé la Cour de cassation s’agissant d’une clause contractuelle appelée « golden hello » conditionnant l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée à l’absence de démission du salarié pendant une certaine période, sous peine pour ce dernier de devoir la rembourser au prorata du temps de présence fixé par la clause et non passé dans l’entreprise, sous réserve que la prime soit indépendante de la rémunération de l’activité du salarié ( Cass. soc., 11 mai 2023, no 21-25.136, no 529 FS-B ).
Remarque
Un salarié qui quitte l’entreprise avant la date de versement de la prime ne peut réclamer qu’elle lui soit versée prorata temporis, à moins de prouver qu’une convention ou un usage le prévoit expressément ( Cass. soc., 28 mai 2003, no 01-40.591 ). De même, une prime de 13e mois n’est pas due en cas de rupture du contrat de travail avant son versement si aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne prévoit sa proratisation ( Cass. soc., 20 févr. 2007, no 06-42.330 ). En revanche, si le contrat prévoit non pas une prime de 13e mois mais une rémunération sur 13 mois, ce 13e mois doit être proratisé de plein droit ( Cass. soc., 19 déc. 1990, no 88-41.075 ). Une prime annuelle sur objectifs constituant la part variable de la rémunération versée au salarié s’acquiert au prorata de son temps de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice. S’il quitte l’entreprise en cours d’exercice, la proratisation s’applique même si elle n’était pas prévue par le contrat ( Cass. soc., 9 févr. 2022, no 20-12.611 ).
- au nombre de jours de présence du salarié : une prime peut être calculée en fonction du travail effectif du salarié et donc réduite en cas d’absence, si toutes les absences (hormis celles assimilées à du temps de travail effectif) entraînent les mêmes conséquences pour son attribution (un employeur ne peut réduire ou ne pas verser une prime en cas d’absence pour grève et pas pour maladie) ( Cass. soc., 1er juin 2010, no 09-40.144 ).
Remarque
On ne peut exclure du bénéfice d’une prime des salariés titulaires d’un CDD ou d’un contrat de travail à temps partiel. Il est toutefois possible de prévoir des modalités d’attribution spécifiques pour ces salariés. A défaut, la prime ne peut être proratisée ( Cass. soc., 15 sept. 2010, no 08-45.050 ).
Par contre, une prime de nature à compromettre la sécurité du salarié est interdite ( Cass. soc., 15 oct. 2014, no 12-29.235 ).
Primes conventionnelles et avantages individuels acquis
Un accord collectif dénoncé reste applicable jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel accord, ou, à défaut, pendant 12 mois à compter de l’expiration du préavis de 3 mois. Après ces 12 mois, les salariés conservent les avantages individuels acquis (ex. : les primes) en application de l’accord. Les salariés en poste continuent donc d’en bénéficier mais pas les nouveaux embauchés. Pour éviter des tensions, l’employeur peut décider unilatéralement de créer une nouvelle prime identique réservée aux seuls salariés engagés après la dénonciation, sans risquer qu’un salarié en poste avant dénonciation et déjà attributaire de l’ancienne prime ne réclame le bénéfice de cette prime au nom de l’égalité de traitement ( Cass. soc., 24 avr. 2013, no 12-10.196 ).