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18 mars 2022
Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.
Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation
©Gettyimages

Exécution du contrat

  • Une cour d'appel ne peut pas condamner un salarié au paiement d'une somme de 70 000 euros à l'employeur à titre de dommages-intérêts pour violation de son obligation de loyauté, au motif que la revente à des tiers de matériel volé à la société en prétendant agir au nom de cette dernière constitue un comportement totalement étranger à l'exécution de son contrat de travail et un acte grave contraire à l'intérêt de l'entreprise moralement répréhensible afin de s'octroyer un avantage particulier, sans avoir constaté l'intention de nuire du salarié (Cass. soc. 9-3-2022 n° 21-10.173 F-D).
  • Une cour d'appel ne peut pas dire fondé sur une faute grave le licenciement d'un salarié ayant refusé la mise en oeuvre d'une clause de mobilité sans rechercher comme il lui était demandé, si l'absence de bonne foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause ne résultait pas du fait qu'il n'avait pas respecté un délai de prévenance suffisant, en informant le salarié 2 jours avant qu'il devait se présenter sur son nouveau site d'affectation, sans tenir compte de ses difficultés de transport dont il avait été informé (Cass. soc. 9-3-2022 n° 19-13.361 F-D).
  • Sauf application éventuelle de l'article L 1224-1 du Code du travail, le changement d'employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l'accord exprès du salarié, qui ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sous une autre direction (Cass. soc. 9-3-2022 n° 21-11.170 F-D).
  • Selon l'article 2.5 de l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, l'entreprise entrante est tenue de proposer la reprise de leur contrat de travail à au moins 85 % des salariés affectés au marché repris et figurant sur la liste du personnel transférable dressée par l'entreprise sortante, dans la limite toutefois du nombre de personnes nécessaires à l'exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle. La notion de configuration doit s'entendre exclusivement en terme quantitatif, les éventuelles modifications concernant la qualification professionnelle des salariés étant sans incidence pour la proposition de reprise. Il en résulte qu'il n'est possible de déroger à l'obligation de reprendre 85 % des salariés affectés au marché repris que lorsque ce nombre n'est pas nécessaire à l'exécution du marché confié à l'entreprise entrante dans sa nouvelle configuration. La proposition de reprise de la société entrante doit en outre correspondre au minimum à 85 %, arrondi à l'unité inférieure, de la liste du personnel transférable dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l'exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-20.694 F-D).
  • L'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, qui garantit aux salariés affectés sur un marché la continuité de leur contrat de travail, ne prévoit que le transfert des salariés attachés au marché ayant fait l'objet du changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux. Il en résulte que le marché dévolu au nouveau prestataire doit avoir le même objet et concerner les mêmes locaux. Ayant constaté que la société HLM de l'Oise avait repris en direct l'entretien des parties communes des locaux sur lesquels était affectée la salariée pour le faire réaliser par son propre personnel, à l'exception de prestations ponctuelles confiées à la société N., ce dont il résultait que le contrat conclu avec cette société n'avait pas le même objet que celui précédemment conclu avec la société A., la cour d'appel en a exactement déduit que la salariée était restée au service de cette dernière (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-18.563 F-D).

Paie

  • Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice. La cour d'appel, qui a constaté que le document, dénommé manuel de commissionnement, complétait le plan de rémunération variable fixant les modalités de calcul et de versement des commissions, en a déduit à bon droit que ce document, dont il n'est pas soutenu par le salarié qu'il ne lui avait pas été communiqué, était opposable à celui-ci et que la réduction opérée par l'employeur en raison des conditions de prix consenties au client et des décotes dans les affaires d'immobilisation était justifiée (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-22.235 F-D).
  • La cour d'appel a constaté que l'article 3 « Frais de déplacement » de l'avenant du 1er janvier 2008 stipulait qu' « au titre des frais de déplacement engagés dans le cadre de ses fonctions, la salariée percevra le remboursement des frais réels sur justificatifs et une indemnité kilométrique payée mensuellement sur une base de 0,35 €/km limitée à un montant total annuel de 6 500 euros », et que l'avenant conclu le 2 janvier 2011 indiquait que « suite à notre entretien, je vous confirme que les frais professionnels quels qu'ils soient ne pourront en aucun cas être inférieurs à 500 euros mensuels ». Elle en a exactement déduit que cette indemnité, qui avait pour objet d'indemniser les frais de déplacement de la salariée et de compenser le surcoût des frais engagés pour l'exercice de ses fonctions d'attachée d'agence, constituait, nonobstant son caractère forfaitaire et le fait que son versement ne soit soumis à la production d'aucun justificatif, un remboursement de frais et non un complément de salaire et que l'employeur, sans modifier le contrat de travail, tirant les conséquences de la nature de cette indemnité, était bien fondé à en cesser le versement durant les périodes de suspension du contrat de travail (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-20.872 F-B).

Prévoyance

  • L'article L 911-8 du CSS, créé par la loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L 911-1 du même Code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon les conditions qu'il détermine. Ces dispositions d'ordre public sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte. Toutefois, le maintien des droits implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié (Cass. 2e civ. 10-3-2022 n° 20-20.898 F-B).

Rupture du contrat

  • C'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l'employeur d'une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail refusée par le salarié (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-17.005 F-B).
  • Dès lors que l'écoulement d'un délai de 4 semaines entre la date à laquelle l'employeur a acquis une connaissance exacte des faits reprochés au salarié et la date à laquelle il l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement pour faute grave ne pouvait pas avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, le contrat de travail de l'intéressé étant suspendu et l’intéressé étant absent de l'entreprise, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si ce délai de 4 semaines était de nature à exclure la faute grave, ses constatations rendant cette recherche inopérante (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-20.872 F-B).
  • Après avoir pris en compte les conditions d'insalubrité des locaux de travail, pour retenir que le refus du salarié d'y travailler ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel a pu décider que le refus de l'intéressé de réaliser certaines opérations ordonnées quand, dans le même temps, il poursuivait l'exécution de ses autres tâches, constituait un manquement suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-22.555 F-D).
  • Ayant constaté qu'au cours de sa mise à pied conservatoire, le salarié avait tenté, par l'emploi d'un stratagème consistant à impliquer un collègue, de dissimuler frauduleusement un vol commis au préjudice de son employeur alors qu'il était toujours tenu, à son égard, d'une obligation de loyauté et que de tels faits mettaient en cause sa probité, peu important qu'aucune faute antérieure à sa mise à pied conservatoire ne puisse lui être reprochée, la cour d'appel a pu décider que cette faute, ainsi caractérisée, rendait à elle seule impossible la poursuite du contrat de travail et constituait une faute grave (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-19.744 F-D).

Représentation du personnel

  • Le CSE d'établissement peut faire appel à un expert lorsqu'il est compétent conformément aux dispositions du Code du travail. Un accord d'entreprise peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation. Aux termes de l'article 3.2, alinéa 4, de l'accord collectif du 28 novembre 2018 sur le fonctionnement des CSE et la représentation du personnel au sein de la société, relatif aux attributions des CSE d'établissement, les procédures d'information et de consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise et les orientations stratégiques de l'entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSE central. Il en résulte que le comité social et économique de l'établissement ne pouvait procéder à la désignation d'un expert dans le cadre des consultations récurrentes (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-19.974 F-B).
  • L'expert-comptable désigné par le comité d’entreprise ne peut pas exiger de l’employeur la production de documents n'existant pas et dont l'établissement n'est pas obligatoire pour l'entreprise (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-18.166 F-D).
  • Le règlement intérieur, dont doit se doter le comité d'établissement, peut prévoir les modalités de l'habilitation donnée à l'un de ses membres pour le représenter en justice. Si un tiers défendeur peut se prévaloir du règlement intérieur d'un comité d'établissement pour justifier du défaut de pouvoir d'une personne à figurer dans un litige comme représentant de celui-ci, il ne peut en revanche invoquer, sur le fondement de ce même règlement intérieur, l'irrégularité de la nomination de ce représentant pour contester sa qualité à agir en justice (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-17.612 F-D).
  • La contestation portant sur les résultats des élections, lorsqu'elle est la conséquence d'une contestation du périmètre dans lequel les élections ont eu lieu, lequel n'est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les 15 jours suivant la proclamation des résultats des élections (Cass. soc. 9-3-2022 n°s 20-21.285 F-D, 20-22.450 F-D et 20-20.686 F-D).
  • Le salarié protégé dont la prise d'acte du contrat de travail est motivée par un refus de sa réintégration par l'employeur ne peut prétendre, au titre de la violation de son statut protecteur, qu'au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la prise d'acte.Les salariés ayant acté l'impossibilité de poursuivre les relations contractuelles en raison du refus de l'employeur de les réintégrer ne peuvent donc pas prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur dès lors qu'ils n'étaient plus salariés protégés à la date de leur prise d'acte, quand bien même celle-ci était justifiée par un refus de l'employeur de faire droit à leur demande de réintégration (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-17.634 F-D).

Contrôle - contentieux

  • Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut pas s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail (Cass. soc. 9-3-2022 n° 20-18.551 F-D).
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