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24 mars 2022
Dans un souci d'harmonisation, la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte définitivement adoptée le 16 février 2022 redéfinit les conditions de la protection des personnes ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral ou sexuel ou dénonçant de tels faits.
La protection des personnes dénonçant des faits de harcèlement est améliorée
©Gettyimages

Les articles L 1152-2 et L 1153-2 du Code du travail qui définissent la protection des personnes ayant subi ou refusé de subir ou ayant dénoncé, d'une part, un harcèlement moral et d'autre part, un harcèlement sexuel sont complètement réécrits. Cette réécriture vise à améliorer et coordonner la protection des lanceurs d'alerte de manière générale avec le régime de protection prévu dans le cadre spécifique de ces harcèlements. Dans le même temps, cette protection harmonisée est renforcée. 

Nous présentons ces nouvelles dispositions qui entreront en vigueur le 1er septembre 2022, soit le premier jour du 6e mois suivant la promulagation de la loi (Loi art. 18).

Une nouvelle définition 

Selon les articles L 1152-2 et L 1153-2 du Code du travail réécrits, aucune personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures de rétorsion mentionnées à l’article L 1121‑2 du même Code (sur ces mesures, voir ci-après).

A noter :

En exigeant de la personne qui dénonce le harcèlement qu'elle soit de bonne foi, le législateur s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation (voir notamment Cass. soc. 10-3-2009 n° 07-44.092 FP-PBR ; Cass. soc. 10-6-2015 n° 14-13.318 FS-PB).

Le texte vise également « toute personne », abandonnant ainsi les différences qui pouvaient résulter de la rédaction des différents articles du Code du travail relatifs au harcèlement (visant tantôt les salariés, les personnes en formation, les candidats à un recrutement..., voir ci-dessous). 

En faisant un renvoi unique à la liste prévue à l'article L 1121-2 du Code du travail, le législateur vise enfin à écarter tout risque d'insécurité juridique, d'omission ou d'erreur. 

S'agissant du harcèlement sexuel, l'article L 1153-2 du Code du travail réécrit rappelle que cette protection s'applique, y compris dans le cas où le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, et ce, même si les propos et comportements ne sont pas répétés

Quelle protection ?

Selon le nouvel article L 1121-2 introduit par la loi dans le Code du travail, conjugué à cette nouvelle rédaction des articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail, les personnes ayant subi ou refusé de subir ou dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel sont ainsi protégées contre :

  • le fait d'être écartées d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ;
  • le fait d'être sanctionnées, licenciées ou de faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat ;
  • et, ce qui est nouveau, les mesures de représailles prévues à l’article 10‑1 de la loi 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Sont visées les mesures instaurées de manière générale pour protéger les lanceurs d'alerte (interdiction d'une suspension, mise à pied, rétrogradation ou refus de promotion, d'une évaluation de travail négative, d'une annulation d'un permis, d'une atteinte à la réputation etc.)

A noter :

Jusqu'à présent, l'article L 1152-2 du Code du travail protégeait le salarié ou toute personne en formation ou en stage ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant témoigné de tels agissements ou les ayant relatés contre toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.

En matière de harcèlement sexuel, l'article L 1153-2 du Code du travail protégeait le salarié ou toute personne en formation ou en stage mais également les candidats à un recrutement, stage ou formation en entreprise ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement sexuel (y compris si les propos ou comportements n'avaient pas été répétés) contre toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.

De son côté, l'article L 1153-3 du Code du travail protégeait le salarié ou la personne en formation ou en stage ayant témoigné de faits de harcèlement sexuel ou les ayant relaté contre toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire.

La nouvelle rédaction de ces articles a donc le mérite d'harmoniser les textes, tout en offrant aux personnes dénonçant un harcèlement une protection plus large

Dans le même temps, d'ailleurs, l'article L 1153-3 du Code du travail, devenu redondant, est abrogé. 

Par ailleurs, les personnes concernées bénéficient notamment des protections suivantes, par renvoi aux articles 10‑1, I et III et aux articles 12 à 13‑1 de la loi 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique : 

  • absence de responsabilité civile des dommages causés du fait du signalement des faits de harcèlement moral ou sexuel dès lors qu’elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause, voire irresponsabilité pénale ; 
  • régime de la preuve favorable à la personne dénonçant les faits ; 
  • possibilité de contraindre l'employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant dénoncé les faits ;
  • amende civile et peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée en cas d'action judiciaire lancée contre la personne dénonçant des faits de harcèlement moral ou sexuel.

Documents et liens associés

Loi 2022-401 du 21-3-2022, art. 7 : JO 22

Dossier spécial Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

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Sophie ANDRE
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