Les statistiques de l’Insee montrent qu’en 2023 18,8 % des salariés ont télétravaillé au moins un jour par semaine. Présenté par les pouvoirs publics et les employeurs comme une solution à des situations exceptionnelles telles que la pandémie de Covid-19 ou les Jeux olympiques, le télétravail est donc désormais durablement ancré dans l’organisation du travail. Mais comment est-il vécu par les concernés, surtout quant à l’articulation entre leurs temps professionnels et personnels ? Dans une publication datée du 10 juillet 2024, le Centre d’étude de l’emploi et du travail (CEET) tempère ses bienfaits : "il est de l’ordre de l’évidence que le télétravail faciliterait l’articulation des temps sociaux. Pourtant, les pratiques des télétravailleuses et télétravailleurs soulignent des effets ambivalents".
Les bénéfices : le télétravail fait gagner du temps et facilite la vie des parents
Il a déjà été démontré que le télétravail divise par trois les distances parcourues par les actifs, notamment car il permet d’éviter les trajets domicile-lieu de travail. Partant de ce constat, le CEET explique que "comme la réduction du temps de travail liée au passage à 35 heures avant lui, le télétravail se voit devenir le centre de promesses temporelles importantes". Elles sont liées à la fois à un temps de transport qui se réduit et à la possibilité de disposer de ce temps gagné. Il offre en effet des marges de manœuvre et dans les moments de pause, ou en superposant deux tâches, un large panel d’activités non professionnelles sont réalisées (faire du sport, du rangement, se rendre à un rendez-vous médical, etc.).
Le télétravail facilite également la prise en charge familiale : il atténue le stress de ne pas être à l’heure pour aller chercher les enfants tout en permettant d’y aller plus tôt. Ce sont donc logiquement les parents qui perçoivent des gains plus forts de la pratique. Le CEET le rappelle toutefois, "bien que la focale soit ici placée sur les enjeux d’articulation, il ne faut pas perdre de vue ce qui fait le cœur du télétravail, à savoir l’activité productive". En dépit de bénéfices certains, l’activité professionnelle à domicile est plus intense avec des horaires allongés et des pauses plus rares.
Les inconvénients : il réactive les inégalités et entraine une "double journée des femmes"
Le travail dans les locaux de l’employeur pouvait permettre de mettre à distance les charges domestiques durant une partie de la journée. Un rempart qui cède en télétravail : "par les logiques d’optimisation temporelle précédemment exposées, les femmes sont réassignées au travail domestique". La gestion des enfants comme des tâches ménagères leur revient quasi systématiquement, les hommes s’en occupant surtout "si l’occasion se présente" ou s’ils ont "du temps à tuer". Une double journée pour les femmes préexistante certes, mais qui "change de forme" en s’immisçant dans un temps qui était antérieurement protégé. Si un certain soulagement peut exister car les tâches effectuées durant la journée ne sont plus à faire ensuite le soir, une fatigue nouvelle nait du fait que les femmes travaillent de manière continue en télétravail, passant de l’activité salariée à l’activité domestique. Un risque "invisibilisé" selon le CEET, qui conclut par le fait que le télétravail "réactive des inégalités maintenues".