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22 mai 2024
L’Agence d'information de l'Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail (Eu-Osha) a publié récemment une analyse sur la santé et la sécurité au travail dans les chaines d’approvisionnement au travers des outils de responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Un rapport de l’Eu-Osha, l'Agence européenne d'information sur la santé et la sécurité au travail, sur la "surveillance et l’amélioration de la santé et de la sécurité au travail dans les chaines d’approvisionnement via les cadres d’évaluation en RSE" (rapport en anglais) a été publié récemment. Il fait un état des lieux sur la prise en compte des critères de santé sécurité au travail (SST) dans les évaluations RSE des chaînes d’approvisionnement. Dit autrement, ce "discussion paper" vise à répondre à la question de savoir comment les performances en matière de santé et de sécurité au travail peuvent être évaluées et améliorées au sein des chaînes d’approvisionnement, dans le cadre d’évaluation globales RSE.

Les chaînes d’approvisionnement : un défi

L’Eu-Osha rappelle qu’aujourd’hui, les organisations font partie de chaînes d’approvisionnement complexes qui impliquent une multitude de parties prenantes (ex. : fournisseurs, distributeurs, clients, etc.). Ainsi, tout processus d’évaluation de la performance d’une organisation en matière de développement durable doit aller bien au-delà des frontières de l’entreprise.

Or, mener ces évaluations est souvent un challenge, notamment sur la collecte d’informations et le suivi des rangs N-1,-2, etc. des chaînes de fournisseurs. L’agence constate que différents travaux actuels visent à faire converger les concepts de RSE et de gestion de la chaîne d’approvisionnement (on parle alors de "sustainable supply chain management" ou SSCM).

Contexte actuel et influence sur la SST dans les chaînes d’approvisionnement

Le rapport examine les principaux facteurs réglementaires, socioéconomiques et technologiques qui influencent les sujets liés à la SST et leurs implications pour les chaînes d'approvisionnement.

Au niveau réglementaire, l’agence reconnaît que "les cadres, processus et mécanismes réglementaires ont eu un impact immense sur l’amélioration des performances et des pratiques en matière de SST". Mais sur la "hard law", elle estime que "les lois sur le devoir de diligence en matière de chaîne d’approvisionnement et les systèmes nationaux de SST doivent se compléter pour renforcer mutuellement leurs avantages en matière de SST et créer un environnement propice aux améliorations en matière de SST. Plus précisément, les cadres réglementaires nationaux devraient être étendus pour offrir une couverture plus spécifique des risques existants et émergents (par exemple les risques psychosociaux) et se concentrer sur l'inclusion d'approches de prévention et de promotion, alors que les lois sur le devoir de diligence en matière de chaîne d'approvisionnement telles que la directive européenne sur le devoir de diligence devrait se concentrer davantage sur le suivi et la communication d’indicateurs spécifiques en SST afin d’accroître la transparence et la comparabilité".

En terme socio-économique, l’Eu-Osha revient sur la crise financière de 2008 - sur laquelle on a aujourd’hui du recul - et confirme que cette expérience a montré que "la pression sur les prix peut se répercuter sur les chaînes d'approvisionnement et entraîner la perte de professionnels de la SST, un déclin de la mise en œuvre des mesures de SST et une aggravation des conditions de SST en général".

En termes techniques, on retrouve, comme souvent, à la fois des opportunités et des risques. Par exemple, grâce à l'utilisation de la robotique, de nombreuses tâches répétitives ou dangereuses peuvent être évitées, mais l'adoption de ces technologies présente des inconvénients tels que des potentiels impacts négatifs sur la santé mentale des travailleurs à cause des technologies de surveillance, par exemple.

L’Eu-Osha livre aussi une évaluation des outils et méthodes de surveillance de la SST dans les chaînes d’approvisionnement, en partant des recommandations internationales, jusqu’aux audits de tierce partie, en passant par les codes de conduite et les questionnaires fournisseurs.

Pas de RSE sans SST

L’Eu-Osha rappelle les liens entre la RSE et la SST.  Elle cite un de ses rapports de 2004 et écrit que "l'intégration des pratiques de SST concerne les trois dimensions de la RSE : environnement, société, gouvernance — et constitue un élément central de toute stratégie de développement durable transformatrice et holistique, dans la mesure où les employés constituent le principal groupe de parties prenantes internes de toute organisation".

L’agence revient aussi sur la notion de "transition juste" que l’OIT définit comme le processus visant à "rendre l'économie plus verte d'une manière aussi juste et inclusive que possible, pour toutes les personnes concernées, en créant des opportunités de travail décent et en ne laissant personne sur le côté". 

Autrement dit, la transition verte et numérique en Europe, tout en relevant les défis environnementaux, sociaux, technologiques et économiques, doit être fondée sur l’équité et le bien-être social. La prise en compte de la SST joue donc un rôle essentiel dans cet objectif de parvenir à une transition durable : "Ce n'est qu'en promouvant la SST et le bien-être des travailleurs que les organisations pourront favoriser la résilience et renforcer leurs propres capacités d’adaptation aux évolutions futures".

Recommandations

L’Eu-Osha fait des recommandations aux différents acteurs de la prévention, notamment les décideurs politiques et les entreprises acheteuses.

Au niveau politique, l’agence appelle de ses vœux un équilibre et une complémentarité entre les différentes approches réglementaires hard/soft law, mais aussi entre les réglementations qui portent sur les enjeux économiques, de santé publique,  de santé au travail, ou ESG. Elle souhaiterait aussi un alignement mondial des exigences réglementaires qui protégerait non seulement les travailleurs du monde entier, mais favoriserait aussi une concurrence équitable entre les entreprises à l’échelle mondiale.

Concernant le secteur privé, l’agence estime que la relation entre une entreprise et ses fournisseurs doit dépasser la nature transactionnelle. Concrètement, les entreprises acheteuses sont incitées à prendre des mesures proactives comme des programmes de sensibilisation, de formations sur la SST, à destination des fournisseurs. Le message à envoyer est que la santé et la sécurité ne sont pas seulement des cases à cocher mais des valeurs fondamentales à adopter dans le travail au quotidien.

L’Eu-Osha conclut son analyse avec ce rappel : "L’avenir de l’ESG est étroitement lié à la SST".  Les entreprises, les décideurs politiques et toutes les parties prenantes ont la responsabilité collective de défendre cette cause et d’assurer un futur réellement durable, éthique et équitable.

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Clémence Andrieu