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18 octobre 2024
Le 16 octobre, les représentants des États membres de l'UE ont validé le délai supplémentaire proposé par la Commission européenne afin de laisser le temps aux entreprises concernées de se préparer à une nouvelle obligation de "diligence raisonnée" copieuse.

L'objectif de la manœuvre ? « Permettr[e] (...) aux opérateurs et aux commerçants d’être pleinement préparés à leur obligation de diligence raisonnée, qui consiste à veiller à ce que certains produits de base et produits vendus dans l’UE ou exportés à partir de l’UE ne contribuent pas à la déforestation. Les produits concernés sont notamment ceux fabriqués à partir de produits bovins, de bois, de cacao, de soja, d’huile de palme, de café, de caoutchouc, et certains de leurs produits dérivés », résume le Conseil dans son communiqué de presse.

Pour rappel, le nouveau règlement dit « déforestation », doit être appliqué par les premières entreprises concernées d'ici le 30 décembre 2024. Il s'agit des opérateurs et des commerçants qui mettent sur le marché, mettent à la disposition du marché ou exportent les produits concernés, mentionnés plus haut, et certains de leurs produits dérivés. La Commission a proposé un report d'un an, qui doit être validé par le Conseil de l'UE et le Parlement européen, en tant que co-législateurs. Le Conseil ayant donné son aval, il reste désormais aux députés européens à faire de même. Si tel est le cas, le nouveau calendrier de mise en œuvre deviendrait le suivant :

  • les grands opérateurs et commerçants devront assurer cette diligence raisonnée d'ici le 30 décembre 2025 (il s'agit notamment des grandes entreprises telles que définies par la directive comptable 2013/34/UE) ;
  • les micros et les petites entreprises (toujours selon les seuils de la directive comptable 2013/34/UE) auront à s'acquitter de leurs obligations au 30 juin 2026.

Quelles seront les obligations ?

L'Union européenne poursuit l'objectif de pouvoir estampiller son marché « zéro déforestation » (avec des produits issus de terres n'ayant pas fait l'objet de déforestation ou de dégradation de leurs forêts après le 31 décembre 2020). Pour cela, les nombreuses entreprises soumises au respect du règlement auront à mettre en place un système de « due diligence ». Il s'agira ainsi :

  • d'identifier les risques de déforestation liés aux produits de base (huile de palme, bétail, bois, café, cacao, caoutchouc et soja) et aux produits dérivés (chocolat, meubles, papier imprimé et une série de produits dérivés de l’huile de palme) sur l'ensemble de leurs chaînes d'approvisionnement ;
  • de définir des mesures de suivi de ces risques (mesures d'évaluation et d'atténuation des risques), sauf à ce qu'ils soient négligeables ;
  • que ces mesures soient déclarées afin de démontrer le respect des règles issues du nouveau règlement. La déclaration dite de « diligence raisonnée (selon les termes du règlement) devra être fournie cette déclaration aux autorités compétentes dans les États membres et l'insérer dans un système d'information mis en place par la Commission européenne.

En cas de non-respect des règles définies par le règlement, les opérateurs économiques pourraient se voir imposer des sanctions (que les États membres doivent définir).

Lignes directrices

Des lignes directrices rédigées par la Commission européenne éclairent sur les futures obligations des entreprises. A ce stade, le document demeure un « brouillon » qui doit faire l'objet d'une traduction dans les différentes langues officielles de l'UE. 

Tout d'abord, les lignes directrices rappellent ce qui est interdit : 

« Les produits concernés et leurs dérivés ne doivent pas être placés ou mis à disposition sur le marché ou exporté, à moins que toutes les conditions suivantes ne soient remplies : 

  • a) ils sont sans déforestation, 
  • b) ils ont été produits conformément à la législation en vigueur du pays de production, 
  • et c) ils sont couverts par une déclaration de diligence raisonnable.

Ces lignes directrices - en onze chapitres - listent aussi les questions à se poser pour identifier des risques de déforestation :

  1. Où le produit a-t-il été fabriqué ?
  2. Quels sont les risques spécifiques au produit ?
  3. La chaîne d'approvisionnement est-elle complexe ?
  4. A-t-on des indications selon lesquelles l'une des entreprises de la chaîne d'approvisionnement est concernée par des pratiques illégales, de la déforestation ou de la dégradation des forêts ?
  5. etc. 

Les lignes directrices précisent encore ce que veulent dire les notions de :

  • mise sur le marché d'un produit : elle se produit « lorsqu'un commerçant fournit les produits concernés sur le marché de l'Union à la fois pour la distribution, la consommation ou l'utilisation et dans le dans le cadre de son activité commerciale ».
  • mise à disposition sur le marché : elle se produit « lorsqu'un opérateur rend disponible un produit concerné sur le marché de l'Union pour la distribution, la consommation ou l'utilisation, pour la première fois, et dans le cadre de son activité commerciale ».

Ceci implique donc que « toute personne qui met un produit concerné sur le marché :

  • a) pour la distribution à des consommateurs à des fins commerciales ou non, c'est-à-dire par exemple pour la vente ou gratuitement (par exemple sous forme d'échantillon), 
  • b) aux fins du traitement, ou 
  • c) pour une utilisation au sein de son propre business, 
  • sera soumis aux exigences de diligence raisonnable et devra présenter une déclaration de diligence raisonnable ».

PME

Le délai supplémentaire laissé aux PME rejaillit-il sur les autres entreprises de sa chaîne d'approvisionnement ? La réponse est oui selon les lignes directrices de la Commission. « L’entrée en vigueur différée pour les exploitants de petites et microentreprises (30 juin 2025 [ou 2026 si le report d'une année supplémentaire est validé par le Parlement européen]) permettra, en cas de placement ou de mise à disposition sur le marché, d'exonérer également les moyens et grands opérateurs et les commerçants situés plus en aval de la chaîne d'approvisionnement qui commercialisent ces produits ou leurs produits dérivés. 

Dans les cas décrits ci-dessus, l'obligation des opérateurs situés en aval de la chaîne d'approvisionnement (ou les commerçants du produit concerné qui a été mis sur le marché pendant la période transitoire) se limitera à recueillir des données suffisamment concluantes et vérifiables des éléments prouvant que le produit concerné a été initialement mis sur le marché avant l'entrée en application (différée) du règlement », décrivent les lignes directrices.

Quels liens avec la CS3D ?

Le règlement déforestation est une règlementation sectorielle. La CS3D et ce règlement sont « complémentaires » selon les lignes directrices de la Commission. « Tous deux devraient être appliqués de manière cohérente pour garantir une diligence raisonnable efficace ». Cependant, les règles issues du règlement deforestation sont spéciales et prévalent ainsi sur les règles plus générales issues de la directive, prévient d'ores et déjà l'exécutif européen. 

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Sophie BRIDIER