"Les vues des inspecteurs pourraient [...] donner un aperçu de l'alignement efficace des connaissances scientifiques, des données statistiques et de la situation réelle sur le terrain". Au jeu des sept différences, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) et le Comité des hauts responsables de l'inspection du travail (CHRIT) en trouvent peu, lorsqu’ils confrontent la perception inédite et terrain de 2 096 inspecteurs du travail de "presque tous les États membres" de l’Union européenne - recueillie pour la première fois dans une enquête publiée fin juillet - aux chiffres d’Eurostat, sur les secteurs et professions les plus à risque en matière de santé et sécurité au travail (SST).
Selon l'Office statistique de l'UE, les secteurs de la construction, des transports et de l'entreposage, de la fabrication et de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche cumuleraient ensemble environ les deux tiers (65,6 %) de tous les accidents du travail mortels et 44,3 % de tous les accidents du travail non mortels en 2018. Environ un cinquième (20,5 %) de tous les accidents du travail mortels dans l'UE-27 auraient lieu dans le secteur de la construction, suivi par le secteur des transports et de l'entreposage (16,7 %).
Vision terrain plutôt "conformes" aux statistiques...
Des chiffres qui se reflètent dans le classement des inspecteurs du travail qui perçoivent la construction (62 %), l’industrie manufacturière (13,94 %) et l’agroforesterie (8,46 %) comme les secteurs présentant les risques les plus élevés en matière de SST. Au sein de ces secteurs, les ouvriers du bâtiment, de l’industrie manufacturière et du transport, les mineurs, les conducteurs de machines et d’installations fixes, ou les travailleurs qualifiés dans l’agroforesterie sont considérés comme étant "à haut risque".
Parmi ces derniers, les intérimaires sortent du lot, suivis par les employés permanents et les travailleurs migrants. Selon les inspecteurs, ils sont principalement confrontés aux risques mécaniques (collisions, écrasements, coupures, etc.) et de chutes, certains risques physiques (vibrations, bruit, radiations) et les risques ergonomiques (TMS). "D'une manière générale, ces résultats sont conformes à ceux identifiés par des recherches antérieures et par l'analyse d'autres sources de données", notent les auteurs de l'enquête.
...sauf exceptions
Avant d’émettre quelques réserves. "Cependant, il semble que certaines professions et certains secteurs n'aient pas été considérés comme présentant un risque élevé [par les inspections du travail]", relèvent-ils. Des professions et secteurs dont le risque SST est pourtant non négligeable. C’est le cas du secteur médico-social - mis en avant par seulement 3,91 % des inspecteurs - qui, selon Eurostat, représentait plus de 14 % des accidents non-mortels rapportés en 2020, devant la construction (plus de 12 %), juste derrière l’industrie manufacturière (plus de 18 %).
De même, les chercheurs soulignent que les risques psychologiques et biologiques n’ont pas été classés parmi les plus élevés par les inspecteurs du travail "malgré l'importance croissante qui leur a été accordée au cours des dernières années par le biais de formations et de campagnes". Manqueraient également à l’appel, selon les auteurs, les maladies professionnelles "qui peuvent avoir des répercussions non seulement à court terme, mais aussi à long terme […] causées par un travail répétitif ou une longue exposition à des risques liés au lieu de travail".
De quoi alerter sur le besoin de préparation des inspections du travail européennes à "un monde du travail en mutation", selon l’EU-OSHA et le CHRIT, qui prônent "la formation, le développement de nouveaux outils, de méthodes d'inspection et la promotion d'une culture préventive impliquant toutes les parties prenantes". Tout en concluant que la vision des inspections du travail est "une nouvelle source précieuse d'informations sur la SST", notamment pour "orienter les efforts pratiques de prévention".