Cet arrêt de la cour d’appel de Riom fait application des articles L 3313-4 et L 3323-8 du Code du travail qui envisagent le sort des accords, respectivement, d’intéressement et de participation en cas de modification dans la situation juridique de l’entreprise par fusion, cession ou scission.
Quels critères rendent impossible l'application des accords dans la nouvelle entreprise ?
Dans leur rédaction applicable aux faits de l’espèce - l’article L 3313-4 a été depuis modifié mais pas sur ce point -, ces articles disposent dans les mêmes termes que l’accord d’intéressement ou de participation cesse de produire effet entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise si l’opération « rend impossible » son application. Le nouvel employeur doit engager dans les 6 mois une négociation en vue de la conclusion d’un nouvel accord, sans obligation de conclure.
Les textes ne déterminent toutefois pas les critères permettant de considérer que la poursuite de l’accord par le nouvel employeur est impossible. L'administration du travail s’est contentée de préciser que l’impossibilité s'apprécie indépendamment de la volonté de l'employeur et doit résulter de modifications dans la structure juridique, technique ou financière de l'entreprise telles qu'elles rendraient inopérantes les dispositions de ces accords (Guide de l’épargne salariale p. 21 et p. 70).
La chambre sociale de la Cour de cassation a indiqué, pour l’intéressement, que l’impossibilité de poursuivre l’accord relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. soc. 13-5-2003 n° 01-14.565 FS-P). Cette impossibilité a été admise dans le cas d’une fusion (Cass. soc. 16-5-2007 n° 05-17.288 FS-D), des juges du fond précisant qu’une fusion-absorption s’accompagnant d’une consolidation des résultats de la société absorbée avec ceux de la société absorbante rendent impossible la poursuite d’un accord de participation (CA Versailles 7-2-2002 n° 00-2).
L'entité publique ne peut pas appliquer les formules de calcul liées aux résultats
Dans l’affaire qui donne lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Riom, un salarié réclamait le maintien par son nouvel employeur du bénéfice des accords de participation et d’intéressement dont il bénéficiait dans son entreprise d’origine, avant le transfert de son contrat de travail. Le conseil des prud’hommes avait retenu l’application de l’article L 1224-1 du Code du travail prévoyant la poursuite du contrat de travail et avait fait droit aux demandes du salarié concernant divers éléments de rémunération, mais aussi s’agissant du maintien des primes d’intéressement et de participation.
La cour d’appel infirme le jugement sur ce dernier point. En effet, le transfert du contrat de travail du salarié avait été effectué à l’occasion de la reprise en régie directe par un syndicat intercommunal, entité de droit public, du service public de l’eau qui avait auparavant été confié par un contrat d’affermage à l’entreprise privée qui employait l’intéressé. Suivant l’argumentation du syndicat intercommunal, les juges du fond soulignent que les dispositifs d’intéressement et de participation reposent sur une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l’entreprise privée et que les éléments d’appréciation sont totalement étrangers au nouvel employeur, qui se trouve dans l’impossibilité de les utiliser. Dans ces conditions, la cour d’appel estime que l’impossibilité de poursuivre ces accords visée aux articles L 3313-4 et L 3323-8 du Code du travail est caractérisée et que les accords ne produisent aucun effet entre le nouvel employeur et le personnel transféré.
On relèvera qu’un syndicat intercommunal ne relève pas du champ d’application de la participation (C. trav. art. L 3321-1) ni de celui de l’intéressement (C. trav. art. L 3311-1).
Documents et liens associés
CA Riom 9-11-2021 n° 19/00471, Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple, Service Public Administratif de Sioule et Bouble c/ W.