Selon une jurisprudence constante, le temps passé entre deux lieux de travail (deux chantiers, deux agences, deux clients, etc.) constitue du travail effectif et doit être comptabilisé comme tel (Cass. soc., 16 janv. 1996, n° 92-42.354 ; Cass. soc., 12 janv. 2005, n° 02-47.505), sauf si ce trajet ne relève pas d'une obligation mais d'une simple faculté pour le salarié (Cass. soc., 26 mars 2008, n° 05-41.476, FS-PBRI). Mais tous les temps de trajet réalisés dans le cadre de déplacements professionnels prolongés peuvent-ils être considérés comme des temps de trajet entre deux lieux de travail ? Non pour la chambre sociale. Dans un arrêt publié du 7 juin dernier, elle juge que, pour pouvoir les qualifier de la sorte, les juges du fond doivent vérifier si ces trajets correspondent à la définition de l’article L. 3121-1 du code du travail.
Pour la cour d’appel, tout trajet lors d’un déplacement est un trajet entre deux lieux de travail
Un salarié devait, de par sa qualité d'enquêteur mystère, faire des déplacements professionnels de plusieurs jours au cours desquels il visitait une concession par jour. Se prévalant du fait que, pendant ces déplacements, il devait effectuer des trajets pour se rendre dans les concessions et rentrer à son hôtel, le salarié demandait entre autres le versement de rappels de salaire pour heures supplémentaires.
La cour d’appel lui avait donné raison. Pour elle, puisque les déplacements prolongés sans retour au domicile étaient nécessités par l'organisation du travail selon des plannings d'intervention déterminés par l'employeur qui plaçaient le salarié dans une situation où il restait à sa disposition, les trajets effectués dans ce cadre constituaient nécessairement des trajets entre deux lieux de travail et étaient donc des temps de travail effectif.
Pour la Cour de cassation, tous les critères du temps de travail effectif doivent être vérifiés
La conception large de la cour d’appel était contestée par l’employeur. Puisqu'une seule visite de concession était effectuée par jour, avec une certaine liberté d’organisation, et que le salarié partait en déplacement pour la semaine avec des frais d'hôtel pris en charge par l'employeur, les trajets en semaine effectués par le salarié hors domicile-temps de travail comprenaient principalement des déplacements hôtels-lieu de travail. Or le lieu d'hébergement dans lequel un salarié se repose et peut vaquer librement à des occupations personnelles, sans se tenir à la disposition de l'employeur, ne constitue pas un lieu de travail. En conséquence, le trajet effectué par un salarié de ce lieu d'hébergement à son lieu de travail, et inversement, constitue un simple temps de déplacement professionnel non assimilé à un temps de travail effectif.
La Cour de cassation rejoint sa position. Aux termes de l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Puisqu’ils ne caractérisent pas le fait que, pendant les temps de déplacement, et en particulier pendant ses temps de trajet pour se rendre à l'hôtel afin d'y dormir, et en repartir, le salarié était tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, les juges du fond ont privé leur décision de base légale.