Actualité
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28 février 2024
Le salarié exerçant ses missions en télétravail sur demande du médecin du travail peut prétendre au paiement d’une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles, peu important qu’un local professionnel soit mis à sa disposition.
Télétravail sur demande du médecin du travail : l’indemnité d’occupation du domicile est due
©Gettyimages

La Cour de cassation considère que l’occupation du domicile d’un salarié, à la demande de l'employeur et à des fins professionnelles, constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail. Si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation de son domicile à titre professionnel (Cass. soc. 7-4-2010 n° 08-44.865 FS-PB : RJS 6/10 n° 570 ; Cass. soc. 14-9-2016 n° 14-21.893 F-D). Le salarié peut aussi prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition (Cass. soc. 12-12-2012 n° 11-20.502 FS-PB : RJS 2/13 n° 176 ; Cass. soc. 8-11-2017 n° 16-18.499 FS-PB : FRS 24/17 inf. 4 p. 6). En revanche, aucune indemnité ne lui est due s'il demande à travailler à domicile alors qu'un tel local est effectivement mis à sa disposition (Cass. soc. 4-12-2013 n° 12-19.667 FS-PB).

A noter :

La Cour de cassation a récemment jugé que l’employeur qui entend contester devoir à son salarié une indemnité pour l’occupation de son domicile à des fins professionnelles doit démontrer qu’il a mis effectivement à la disposition de celui-ci un local professionnel pour y exercer son activité. À défaut d'un tel local mis à disposition, il appartient au juge d'évaluer le montant de l'indemnité d'occupation due de ce chef au salarié (Cass. soc. 15-11-2023 n° 21-26.021 F-D : RJS 2/24 n° 89).

Même si un local est à sa disposition, le salarié télétravaillant sur demande du médecin du travail…

En l’espèce, un salarié, déclaré apte par le médecin du travail à reprendre son travail, mais uniquement en télétravail, exerce ses missions en télétravail à son domicile pendant plusieurs mois, avant d’être placé en arrêt maladie puis licencié pour cause réelle et sérieuse. Il saisit le conseil de prud’hommes afin de contester le bien-fondé de son licenciement. À cette occasion, il sollicite également le versement d’une indemnité d’occupation de son domicile. À l’appui de sa demande, il fait valoir que, durant sa période de télétravail sur préconisation du médecin du travail, il a occupé durant 15 mois une partie de son domicile pour ses besoins professionnels.

Pour sa défense, la société soutient que le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles, dès lors qu’un local professionnel a été mis à sa disposition.

La question posée aux juges du fond était donc celle de savoir si le salarié qui exerce ses missions en télétravail à son domicile sur demande du médecin du travail peut prétendre à une indemnité d’occupation de ce dernier alors même qu’un local professionnel est mis à sa disposition par l’employeur.

… a droit au paiement d’une indemnité d’occupation de son domicile à des fins professionnelles

La cour d’appel, confirmant le jugement du conseil de prud’hommes, répond positivement à cette question. Tout d’abord, elle rappelle que les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur. Cela résulte à la fois de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.096 PBR : RJS 4/98 n° 464 ; Cass. soc. 25-3-2010 n° 08-43.156 F-P : RJS 6/10 n° 568) et des dispositions de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. Selon celui-ci, les frais engagés par le salarié en situation de télétravail sont considérés comme des frais professionnels, sous réserve que les remboursements effectués par l’employeur soient justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le télétravailleur. Les frais concernés sont les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d’un local privé pour un usage professionnel.

Ensuite, après avoir rappelé que, si, comme le soutient la société, le salarié ne peut pas prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel est mis à sa disposition, la cour d’appel juge qu’il en va autrement lorsque le salarié a dû télétravailler sur demande du médecin du travail et non de son propre chef. Ce recours au télétravail étant indispensable à la protection de sa santé, il ne peut pas avoir pour effet de réduire le montant de sa rémunération en lui faisant supporter les frais professionnels générés par ce recours au télétravail. Par conséquent, l’utilisation d’un espace de son domicile et de différents matériels à des fins professionnelles justifient le versement d’une indemnité pour le dédommagement des frais exposés en télétravail.

A noter :

Cette solution semble logique eu égard à celle adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 4 décembre 2013 cité ci-dessus. Dans cette affaire, pour juger que le salarié n’avait pas le droit au versement d’une indemnité d’occupation de son domicile, elle avait retenu que l'occupation à des fins professionnelles de son domicile par le salarié relevait d'une simple faculté qui lui était offerte dans la mesure où l’employeur mettait à sa disposition des locaux pour télétravailler. Dans l’arrêt du 21 décembre 2023, la cour d’appel de Paris prend soin de relever, à l’inverse, que le salarié devait exercer ses missions en télétravail sur demande du médecin du travail et non de son propre chef, le médecin du travail ayant considéré qu’il ne pouvait pas exécuter son contrat de travail au sein des locaux de la société. L’utilisation de son domicile n’étant donc pas facultative pour le salarié, il pouvait prétendre au versement d’une indemnité d’occupation de son domicile par son employeur.

Documents et liens associés

CA Paris 21-12-2023 n° 20/05912, Sté VNCA c/ D.

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