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8 novembre 2022
L'employeur qui téléphone au salarié pour lui annoncer sa décision de le licencier le jour même où il expédie la lettre notifiant la rupture prend le risque d'une requalification en licenciement verbal, et donc abusif. Le juge saisi du litige doit alors mener un travail d'enquête, pour établir la chronologie des faits.
Téléphoner au salarié pour lui annoncer son licenciement de vive voix, une mauvaise idée
©Gettyimages

La démarche de l'employeur qui appelle un salarié pour le prévenir que son licenciement est décidé peut partir d'une bonne intention, mais elle est à proscrire. L'employeur prend en effet un gros risque contentieux, comme en témoigne l'affaire jugée par la Cour de cassation le 28 septembre 2022.

Notification écrite et conversation téléphonique concomitantes

Dans cette affaire, l'employeur a expédié au salarié la lettre de notification du licenciement le 15 novembre, celle-ci étant parvenue à son destinataire le lendemain, 16 novembre. Mais le 15 novembre, en fin de journée, il a téléphoné à l'intéressé pour l'informer du licenciement et lui indiquer qu'il ne devait pas se présenter le lendemain au travail. La cour d'appel, saisie du litige, en a conclu que le salarié démontrait avoir été licencié verbalement par téléphone concomitamment à l'envoi du courrier de licenciement. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative à la portée d'un licenciement verbal, elle a jugé cette rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à indemniser le salarié de son préjudice (Cass. soc. 23-6-1998 n° 96-41.688 D ; Cass. soc. 12-12-2018 n° 16-27.537 F-D).

L'employeur a formé un pourvoi en cassation, en soutenant qu'au moment où il a appelé le salarié, le contrat de travail était déjà rompu par l'envoi de la lettre de licenciement, privant ainsi d'effet le supposé licenciement verbal postérieur. La Cour de cassation juge en effet, de manière constante, que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre notifiant la rupture (Cass. soc. 28-11-2006 n° 05-42.202 F-PB ; Cass. soc. 4-3-2015 n° 13-16.148 F-D). Mais en l'espèce, était-ce la date ou l'heure de l'expédition du courrier qui devait être retenue ?

A noter :

L'employeur a, en tout état de cause, commis une erreur en l'espèce en demandant prématurément au salarié de ne pas se présenter au travail avant la réception de sa lettre de licenciement. En cas de licenciement, en effet, le préavis débute à la date de présentation de la lettre recommandée le notifiant (Cass. soc. 7-11-2006 n° 05-42.323 FS-PB). La dispense d'exécution du préavis ne pouvait donc pas prendre effet avant cette date.

Le juge doit rechercher quel a été le premier moyen de notification de la rupture

La Cour de cassation, saisie du litige, entend l'argument de l'employeur et censure la décision des juges du fond. La cour d'appel aurait en effet dû rechercher si la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture du contrat de travail n'avait pas été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique. Dans cette hypothèse, en effet, l'employeur aurait déjà irrévocablement manifesté sa volonté de mettre fin au contrat avant d'en informer le salarié, et la procédure légale aura été respectée. Il appartiendra donc à la cour d'appel de renvoi de mener ce travail d'enquête et de reconstituer la chronologie des faits, dont dépend l'issue du litige.

A noter :

La décision de la Cour de cassation permet de souligner l'intérêt, pour l'employeur, d'expédier la lettre de licenciement par recommandé avec avis de réception, et de conserver précieusement le récépissé de la Poste horodaté attestant de la date et de l'heure de dépôt de ce courrier. Sans cette preuve, en effet, difficile pour lui d'obtenir gain de cause dans une telle affaire.

Documents et liens associés

Cass. soc. 28-9-2022 n° 21-15.606 F-D, Sté Bourg Distribution c/ S.

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