Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus mi-février par la Cour de cassation.
Exécution du contrat
- L'article L 1224-1 du Code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public, s'impose tant aux salariés qu'aux employeurs et s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Il en résulte que si le salarié, en cas de changement d'employeur par le seul effet de ces dispositions, n'est pas privé du droit d'agir directement contre l'ancien employeur pour obtenir l'indemnisation de son préjudice né de fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ses obligations avant le transfert de son contrat de travail, il ne peut poursuivre la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'ancien employeur et obtenir des indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail tout en continuant à travailler avec le cessionnaire (Cass. soc. 14-2-2024 n°s 21-18.967 F-D et 21-18.980 F-D).
- Le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation. Une cour d'appel ne peut pas débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son droit à l'image alors que l'employeur ne conteste pas avoir utilisé son image sans son accord pour réaliser une plaquette adressée aux clients (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-18.014 F-D).
Paie
- L'AGS, qui est tenue de garantir le règlement des créances dues aux salariés en exécution du contrat de travail et celles résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, dès lors que le mandataire judiciaire ne dispose pas des fonds nécessaires pour payer les sommes dues, est ensuite subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances à la demande du mandataire judiciaire. Lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le recours subrogatoire de l'AGS est limité aux créances salariales superprivilégiées visées par les articles L 3253-2, L 3253-4 et L 7313-8 et aux créances résultant de la rupture du contrat de travail dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle visées par l'article L 3253-8, 3° du Code du travail, les autres sommes avancées dans le cadre de ces procédures lui étant remboursées dans les conditions prévues par les dispositions du livre VI du Code de commerce pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure et bénéficiant des privilèges attachées à celle-ci. Il en résulte que les avances de l'AGS ne sont subsidiaires qu'au regard des fonds détenus par les organes de la procédure collective et qui pourraient être mobilisés pour le paiement des créances des salariés et non par rapport à des sommes qui pourraient être mobilisées par des tiers (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-15.178 F-D).
Prévoyance
- L'article L 911-8 du CSS, créé par la loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, permet aux salariés garantis collectivement dans les conditions prévues à l'article L 911-1 du même Code contre les risques décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l'assurance chômage, selon les conditions qu'il détermine. Ces dispositions d'ordre public sont applicables aux anciens salariés licenciés d'un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions fixées par ce texte. Toutefois, le maintien des garanties, qui selon le 3° du texte susvisé, sont celles en vigueur dans l'entreprise, implique que le contrat ou l'adhésion liant l'employeur à l'organisme assureur ne soit pas résilié. Cette résiliation, peu important qu'elle intervienne après le licenciement des salariés concernés, met un terme au maintien des garanties au bénéfice des anciens salariés (Cass. 2e civ. 15-2-2024 n° 22-16.132 F-B).
Rupture du contrat
- Ayant constaté que la salariée avait adopté un comportement se manifestant par des critiques, des moqueries, de la violence verbale et physique, une déstabilisation dans les relations professionnelles et une forme de manipulation allant au-delà de simples plaisanteries entre collègues, et relevé que l'ambivalence de l'attitude de l'intéressée était source de souffrance au travail, la cour d'appel a pu en déduire, nonobstant l'ancienneté et l'absence d'antécédents disciplinaires de la salariée, que ce comportement inadapté et harcelant caractérisait une faute grave (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-23.620 F-D).
- La pratique par une salariée d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés est de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise et constitutif d'une faute grave (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-14.385 F-D).
- Ayant constaté que la salariée a bénéficié en avril d'un entretien d'évaluation au cours duquel sa responsable lui a fait part de son insuffisance professionnelle, lui a précisé les améliorations attendues pour y remédier et lui a dit rester à sa disposition pour l'accompagner, que la salariée a pu s'expliquer et que l'entretien a donné lieu à un compte-rendu écrit, qui lui a été transmis, la cour d'appel a pu décider que le contrat de travail avait été exécuté de bonne foi et que son licenciement pour insuffisance professionnelle avait été notifié en décembre à l'issue d'une procédure régulière et reposait sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 17-2-2024 n° 22-20.430 F-D).
- Lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à l'entretien préalable à un licenciement disciplinaire, l'employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c'est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-19.351 F-D).
- Au titre de son obligation de reclassement préalable au licenciement économique, l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, quand bien même la rupture serait subordonnée au refus par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé (Cass. soc. 14-2-2024 nos 20-14.514 F-D et 20-14.515 F-D).
- Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou à l'obligation de prévention du harcèlement moral n'est pas de nature à justifier la nullité du licenciement (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-21.464 F-D).
- La clause du contrat de travail prévoyant une indemnité en cas de non-respect par le salarié de la clause de non-concurrence est une clause pénale. Le juge peut donc, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-17.332 F-D).
Représentation du personnel
- Si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. La cour d'appel, qui a constaté que l'action du syndicat tend à ce qu'il soit ordonné à la société de régulariser la situation individuelle des salariés concernés au motif qu'ils ont été privés du versement des indemnités de douche qui leur seraient dues en application des dispositions conventionnelles, en a exactement déduit l'irrecevabilité de cette action qui ne relève pas de l'intérêt collectif de la profession dès lors qu'elle tend à la modification de la situation individuelle des salariés concernés (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-20.535 F-D).
Santé et sécurité
- Dès lors que la salariée comparaissait devant une instance appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire lorsqu'elle a eu un malaise, il en résulte que, nonobstant la suspension de son contrat de travail, elle se trouvait alors sous la dépendance et l'autorité de son employeur. Celui-ci devait donc déclarer cet accident à la caisse primaire d'assurance maladie dont relevait l'intéressée, quelle que soit son opinion sur les causes de l'accident (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-18.798 F-D).
- La violation d'une clause de garantie d'emploi oblige l'employeur à indemniser le salarié du solde des salaires restant dû jusqu'au terme de la période garantie. L'employeur ayant licencié la salariée en arrêt maladie au cours de la période de garantie d'emploi de 3 mois à laquelle elle pouvait prétendre, l'intéressée est bien fondée en sa demande de dommages-intérêts équivalents aux 2 mois de salaire qu'elle aurait perçus jusqu'au terme de la période de garantie (Cass. soc. 14-2-2024 n° 20-20.601 F-D).
Contrôle - contentieux
- Il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du Code de procédure civile que, dans un procès civil, l'illicéité dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Ayant constaté qu'il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance de la salariée et que cette surveillance, qui ne pouvait pas être réalisée par d'autres moyens que la vidéo protection, avait été limitée dans le temps et réalisée par la seule dirigeante de l'entreprise, la cour d'appel a pu en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-23.073 F-B).
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