Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.
Exécution du contrat
- En raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle. Le salarié qui n'est ni cadre dirigeant, ni membre du comité de conjoncture ne peut pas bénéficier des régimes de retraite supplémentaires prévus pour les cadres dirigeants (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-12.387 F-B).
- Le salarié qui ne témoigne pas de mauvais traitements ou de privations infligés à un mineur pris en charge dans l'établissement où il travaille, mais dénonce les décisions de placement et d'investigation prises par le juge des enfants et les modalités du droit de visite qui y sont prévues, intervenues dans un contexte familial particulièrement difficile, ne peut pas valablement se prévaloir des dispositions de l'article L 313-24 du CASF accordant une protection aux personnes signalant des mauvais traitements ou privations infligés à une personne accueillie (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-12.339 F-B).
- Ayant fait ressortir que la production de photographies extraites du compte Messenger portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la protection des patients confiés aux soins des infirmières employées dans son établissement, et le grief tiré de la consommation et l'introduction d'alcool au sein de l'hôpital étant établi par d'autres éléments de preuve, la cour d'appel a pu décider que ces éléments de preuve étaient recevables (Cass. soc. 4-10-2023 n°s 21-25.452 F-D et 22-18.217 F-D).
- Ayant constaté que la preuve de la faute reprochée au salarié énoncée dans la lettre de mise à pied, d'avoir abandonné son poste de travail sans autorisation et fumé dans un lieu non-fumeur, n'était administrée par l'employeur qu'au moyen d'un enregistrement vidéo, le montrant présent dans le local chauffeurs en train de fumer et ce pendant près d'une heure, visionné après qu'un prestataire lui ait demandé de vérifier la présence d'entrée et sortie d'un de ses chauffeurs, puis relevé que ce local de repos n'était pas interdit aux salariés pendant leurs pauses et que la caméra permettait de filmer l'ensemble de la pièce et notamment le distributeur de boissons et les chaises et pas uniquement les entrées et sorties de et vers l'extérieur, et enfin retenu que le système de vidéosurveillance avait été déclaré à la Cnil comme ayant une finalité de vidéo protection « afin d'assurer la sécurité de son personnel et de ses biens », alors qu'il permettait également de surveiller son personnel et contrôler ses horaires de travail via ses temps de repos dans un local de repos, sans information des salariés, la cour d'appel a pu en déduire que l'enregistrement vidéo litigieux avait été obtenu de manière illicite et était dès lors irrecevable (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-18.105 F-D).
Paie
- Dès lors que la prime litigieuse, qui n'était pas prévue par le contrat de travail, avait été jusqu’alors attribuée de manière discrétionnaire par l'employeur, ce dont il résultait qu'elle était dépourvue de nature salariale et de caractère obligatoire, le salarié n’est pas fondé à demander le paiement d'une somme à ce titre pour l'année considérée (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-20.889 F-D).
Rupture du contrat
- Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Dès lors que les infractions au Code de la route reprochées au salarié ont été commises durant les temps de trajet durant lesquels il n'était pas à la disposition de l'employeur, que le véhicule mis à sa disposition n'a subi aucun dommage et que le comportement de l'intéressé n'a pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien, ces infractions ne peuvent pas justifier un licenciement disciplinaire dans la mesure où elles ne peuvent pas être regardées comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat, ni comme se rattachant à sa vie professionnelle (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-25.421 F-B).
- Ayant constaté que la lettre de licenciement, à titre liminaire, rappelait que, si le salarié s'était plaint d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct, l'employeur avait pris les mesures propres à cet égard en lui proposant, un an avant le licenciement, une mutation dans un autre service avec une augmentation salariale acceptée par l'intéressé, la cour d'appel a pu décider que la lettre de licenciement se contentait de rappeler, avant l'énoncé des griefs, des éléments de contexte, et que la rupture n'encourait pas la nullité (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-12.387 F-B).
- Bénéficie de la protection prévue le Code du travail la salariée en état de grossesse médicalement constaté à la date d'expiration du délai dont elle dispose pour prendre parti sur la proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle. L'adhésion à ce contrat, qui constitue une modalité du licenciement pour motif économique, ne caractérise pas l'impossibilité pour l'employeur de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-21.059 F-B).
- Les critères d'ordre des licenciements pour motif économique ne s'appliquent que si l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier. Tel n'est pas le cas lorsque tous les emplois d'une même catégorie professionnelle sont supprimés (Cass. soc. 4-10-2023 nos 19-16.550 à 19-16.557 F-D).
- Ayant retenu que l'employeur ne justifiait pas d'une cessation complète de son activité puisque seul l'un de ses services, celui de la maternité, avait été interrompu pour être ensuite remplacé par un service de chirurgie esthétique, peu important le caractère autonome de ce service au regard des autres services de soins de l'établissement, et constaté qu'il ne justifiait ni même n'alléguait l'existence de difficultés économiques ou la nécessité de réorganiser l'entreprise pour en préserver la compétitivité, la cour d'appel a pu en déduire que le licenciement économique des salariées était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-18.046 F-D).
- La lettre de licenciement doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. Le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse si la lettre, d'une part ne cite pas expressément le poste du salarié, sa formulation ne permettant pas d'identifier le poste concerné par la suppression et, d'autre part, se borne à faire état d'une suppression seulement envisagée, sans référence à une décision de suppression (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-22.422 F-D).
- Ayant constaté que la société avait pourvu, en recourant à l'intérim, immédiatement après leur licenciement économique, 3 postes d'aide médico-psychologique que les salariés auraient été aptes à occuper sans les leur avoir proposés dans le cadre de son obligation de reclassement, la cour d'appel a pu en déduire que la société avait manqué à son obligation de reclassement peu important qu'il se soit agi d'emplois pour assurer le maintien de l'activité de l'établissement avant sa fermeture (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-23.071 F-D).
- L'employeur ne démontrant pas qu'il avait des motifs sérieux pour refuser la prolongation du congé de reclassement objectivement justifiée par la salariée en application des critères définis par l'accord de gestion sociale conclu dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, il est redevable d'un rappel d'allocation de congé de reclassement pour la période concernée (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-13.776 F-D).
Représentation du personnel
- Le contenu de la base de données économiques et sociales étant, en l'absence d'accord, déterminé par les dispositions légales et réglementaires, la négociation préalable d'un accord prévu à l'article L 2312-21 du Code du travail ne présente pas de caractère obligatoire. Dès lors, l'employeur n'a commis aucun manquement en s'abstenant d'engager des négociations avec les organisations syndicales en vue de la conclusion d'un accord sur l'organisation, l'architecture, le contenu et les modalités de la base de données économiques et sociales, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à référé sur la demande de suspension de la mise en place de cette base de données (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-25.748 F-B).
- En cas de refus par un salarié protégé de la modification de son contrat de travail ou du changement de ses conditions de travail, l'employeur doit poursuivre le contrat aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Dès lors qu'au moment où il a imposé une mutation à la salariée l'employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, il ne pouvait pas lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation de la salariée à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-12.922 F-B).
- Lorsque la mise à la retraite a été notifiée à un salarié protégé à la suite d'une autorisation administrative accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si sa saisine était antérieure à la rupture. Toutefois l'autorisation administrative de mise à la retraite ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui serait résulté d'un harcèlement. Dans le cas où l'employeur sollicite l'autorisation de mettre à la retraite un salarié protégé, il appartient à l'administration de vérifier si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies et si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Il s'ensuit que l'autorisation donnée par l'inspecteur du travail de mettre d'office à la retraite un salarié protégé qui a atteint l'âge légal de mise à la retraite d'office, soit 70 ans, fait obstacle à ce que ce dernier demande devant la juridiction prud'homale l'indemnisation de la perte d'emploi consécutive à la rupture du contrat de travail fondée sur une cause objective, quand bien même il invoquerait la décision de l'employeur de mise à la retraite au titre d'un harcèlement moral (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-13.718 F-B).
- Ayant constaté que les salariés qui avaient refusé les modifications de leur lieu de travail étaient des salariés protégés, que l'autorisation administrative de transfert de leurs contrats de travail avait été définitivement refusée par jugement du tribunal administratif et que la société, qui n'avait plus fourni de travail à ces salariés de 2013 à fin 2021, n'avait pas engagé de procédure de licenciement en sollicitant l'autorisation de l'inspecteur du travail, ce dont il résultait un manquement grave de l'employeur à ses obligations, la cour d'appel ne pouvait pas rejeter leur demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-13.960 F-D).
- L'ordre du jour résultant du seul accord commun entre l'employeur et le secrétaire du comité, porte atteinte aux prérogatives légales de l'un et de l'autre l'injonction de retranscrire fidèlement et sans aucune reformulation à l'ordre du jour les questions adressées par les membres du comité d'établissement au secrétaire du comité au plus tard dans les 14 jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-10.7169 F-D).
Négociation collective
- Les partenaires sociaux sont en droit de conclure, dans les conditions fixées par l'article L 2261-7 du Code du travail, un avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, dès lors que cette extinction prend effet à compter de l'entrée en vigueur d'un autre accord collectif dont le champ d'application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l'accord abrogé par l'avenant de révision (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-23.551 FS-BR).
Santé et sécurité
- Dès lors que le salarié licencié pour inaptitude physique avait interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes et avait formé pour la première fois une demande de reconnaissance d'une unité économique et sociale au cours de la procédure d'appel, postérieurement à son licenciement, il ne pouvait pas être reproché à l'employeur de ne pas avoir organisé d'élections professionnelles au sein de l'unité économique et sociale avant cette date et de ne pas avoir consulté les représentants du personnel sur le reclassement du salarié (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-15.526 F-D).
Contrôle - contentieux
- En cas de départ à la retraite d'un salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture court à compter de la date à laquelle il a notifié à l'employeur sa volonté de partir à la retraite. Toutefois, lorsque le départ à la retraite s'inscrit dans un dispositif, auquel a adhéré le salarié, mis en place par un accord collectif réservant expressément une faculté de rétractation de la part du salarié, la prescription de l'action en contestation de la rupture ne court qu'à compter de la rupture effective de la relation de travail (Cass. soc. 4-10-2023 n° 22-14.126 F-B).
- Dès lors que la demande de dommages-intérêts pour dénonciation calomnieuse présentée par le salarié repose exclusivement sur une prétendue inexactitude des faits qui lui sont reprochés à l'appui de son licenciement disciplinaire, la cour d'appel qui estime que ces faits sont établis et constituent une faute grave peut rejeter cette demande (Cass. soc. 4-10-2023 n° 21-20.889 F-D).