Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.
Exécution du contrat
- Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection liée au congé de maternité, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. Ainsi, l'employeur ne peut pas engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-15.794 FS-B).
- Le fonctionnaire détaché qui est réintégré dans son corps d'origine et placé en position de disponibilité ne bénéficie pas des dispositions de la loi 84-16 du 11 janvier 1984, qui prévoient que le fonctionnaire remis à la disposition de son administration d'origine pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, et qui ne peut pas être réintégré dans son corps d'origine faute d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration (Cass. soc. 29-11-2023 n° 21-24.579 FS-B).
Paie
- Selon l'article L 241-13, VI, du CSS, dans sa rédaction issue de la loi 2008-1258 du 3 décembre 2008, applicable au litige, pour bénéficier des réductions de cotisations instituées par ce texte, l'employeur doit tenir à disposition des organismes de recouvrement des cotisations un document en vue du contrôle du respect des dispositions de cet article, document dont le contenu et la forme sont précisés par décret. Selon l'article D 241-13 du même Code, dans sa rédaction issue du décret 2007-1380 du 24 septembre 2007, alors en vigueur, ce document doit indiquer le nombre de salariés ouvrant droit aux réductions et déductions prévues aux articles L 241-13 (réduction générale de cotisations patronales), L 241-17 (réduction de cotisations salariales sur les heures supplémentaires) et L 241-18 (déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires), le montant total des exonérations appliquées au titre de chacune de ces dispositions ainsi que, pour chacun de ces salariés, son identité, la rémunération brute mensuelle versée, le montant de chaque réduction ou déduction appliquée, le coefficient issu de l'application de la formule de calcul prévue par l'article D 241-7 et, le cas échéant le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées au sens de l'article 81 quater du CGI et la rémunération y afférente. Il résulte de la combinaison de ces textes, dont les dispositions ne sont pas d'application limitée aux contrôles Urssaf, que l'employeur qui décide de pratiquer, sur les cotisations versées aux organismes sociaux, les réductions et déductions précitées, doit en justifier par la tenue et la production du document prévu par l'article D 241-13 du CSS précité (Cass. 2e civ. 30-11-2023 n° 21-23.980 F-B).
- Selon l'article L. 241-10, III, du CSS, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale « aide à domicile » s'applique à la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées, notamment, au domicile à usage privatif des bénéficiaires des prestations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L 222-3 du CASF. Selon ce dernier texte, l'aide à domicile comporte l'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale ou d'une aide-ménagère. Pour l'application de l'exonération prévue à l'article L 241-10, III précité, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, les prestations fournies par un éducateur spécialisé d'un service d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) ou d'un service d'accueil externalisé (SAE) ne sont pas assimilables à l'action d'un technicien ou d'une technicienne de l'intervention sociale et familiale. Dès lors, l'association ne pouvait pas prétendre au bénéfice de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées par les éducateurs spécialisés qu'elle emploie auprès de bénéficiaires qui ne sont pas visés par les dispositions de l'article L 241-10, III, du CSS (Cass. 2e civ. 30-11-2023 n° 21-25.844 F-B).
- Selon l'article L 241-10, III du CSS, dans sa rédaction issue de la loi 2016-1917 du 29 décembre 2016, applicable au litige, l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale « aide à domicile » qu'il prévoit s'applique à la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées au domicile à usage privatif des bénéficiaires expressément listés dans ce texte. Selon l'article L 241-10, I de ce Code, la rémunération d'une aide à domicile est exonérée des cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, lorsque celle-ci est employée effectivement au service personnel de ces bénéficiaires, à leur domicile ou chez des membres de leur famille, par, notamment, des personnes ayant à charge un enfant ouvrant droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé mentionné à l'article L 541-1 ou à la prestation de compensation dans les conditions définies au 1° du III de l'article L 245-1 du CASF. Il résulte de ce texte que les structures qu'il mentionne peuvent prétendre au bénéfice de l'exonération de cotisations sur la rémunération des aides à domicile qui concourent à l'exécution de leurs missions auprès des personnes ainsi mentionnées. Dès lors, une société peut prétendre au bénéfice de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour la fraction des rémunérations versée en contrepartie de l'exécution des tâches effectuées par les éducateurs spécialisés et les intervenants psycho-éducateurs qu'elle emploie au domicile à usage privatif des personnes mentionnées au I de l'article L 241-10 du CSS (Cass. 2e civ. 30-11-2023 n° 22-14.260 F-B).
Rupture du contrat
- La décision du salarié relevant de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport de quitter l'entreprise dans le cadre du régime du congé de fin d'activité entraîne la rupture du contrat de travail et s'analyse en une démission. Celle-ci peut être remise en cause par le salarié en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, et s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-13.367 FS-B).
- Dès lors que le plan de départ volontaire signé dans l'entreprise prévoit que le salaire brut mensuel de référence servant d'assiette à l'indemnité d'accompagnement versée au salarié, à la suite de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail pour motif économique, est déterminé conformément aux stipulations d'un accord attaché à la convention collective nationale des industries chimiques, lequel prévoit que le calcul se fait sur la base de la rémunération totale mensuelle prenant notamment en compte les primes de toute nature y compris les participations au chiffre d'affaires ou aux résultats, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles, les primes perçues au titre de l'intéressement, de l'abondement et de la participation doivent être prises en compte (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-18.555 F-B).
- Sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié. Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L 1243-1 du Code du travail, auxquelles ni la charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Ayant constaté qu'à la suite de sa relégation en division inférieure le club, qui invoquait les dispositions de l'article 761 de la charte du football professionnel, avait proposé au joueur une diminution de sa rémunération brute de 50 % avant de prendre acte du refus de ce dernier et de lui notifier la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2014, la cour d’appel en a exactement déduit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée, qui ne résultait ni du consentement mutuel des parties ni de la faute grave du salarié ni de la force majeure ni d'une inaptitude médicalement constatée, était illicite (Cass. soc. 29-11-2023 n° 21-19.282 FS-B).
Congés
- S'il est possible d'inclure l'indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit résulter d'une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui suppose que soit clairement distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés, et que soit précisée l'imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris. N'est ni transparente ni compréhensible, et ne peut donc pas être opposée à la salariée, la clause relative à la rémunération contractuelle qui se borne à mentionner que la rémunération horaire inclut les congés payés, sans que soit distinguée la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés. La rémunération versée pendant les périodes de congés payés et de fermeture du cabinet correspondant non à l'indemnité de congé, mais, en raison du lissage annuel, au paiement des heures de travail, la salariée peut prétendre à un rappel de salaire au titre des congés payés et de la période de fermeture de l'établissement excédant les 5 semaines de congés légaux, peu important que cette rémunération soit supérieure aux minima légal et conventionnel (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-10.494 FS-B).
Santé et sécurité
- Le cumul des taux d'incapacité permanente fixés au titre d'accidents du travail successifs n'est possible que dans le cadre de l'exercice du droit d'option entre le versement d'une indemnité en capital et d'une rente (Cass. 2e civ. 30-11-2023 n° 21-25.841 F-B).
- Lorsqu'un agent SNCF est déclaré en invalidité et que le médecin-conseil de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF estime que l'intéressé est dans l'impossibilité de reprendre un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement préalable à l'engagement de la procédure de réforme (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-12.050 FS-B).
- Pour prétendre au bénéfice de la prime à la naissance, la mère de l'enfant à naître doit appartenir au ménage auquel la prime est attribuée, de sorte qu'un allocataire ayant eu recours à une convention de gestation pour le compte d'autrui (GPA) ne peut pas obtenir le versement de cette prestation familiale. La différence de traitement au détriment de l'allocataire dont l'enfant est né dans le cadre d'une convention de GPA est justifiée par la prohibition de telles conventions par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil, qui poursuit un objectif légitime de protection de la santé et de protection des droits et libertés des enfants et de la mère porteuse. Cette différence de traitement répond, donc, à une justification objective et raisonnable, en lien avec l'objet de la prime à la naissance, qui poursuit un but sanitaire de préservation de la santé de la mère et de l'enfant. Etant proportionnée à l'objectif ainsi poursuivi, elle n'est pas en tant que telle contraire aux articles 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention. Il n'est, en outre, apporté aucun commencement de preuve que les couples homosexuels auraient davantage recours à la GPA que les couples hétérosexuels, de sorte que le grief tiré d'une discrimination indirecte à raison de l'orientation sexuelle ne peut pas être accueilli (Cass. 2e civ. 30-11-2023 n° 22-10.559 FS-B).
Statuts particuliers
- Un étranger, titulaire d'une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de 3 mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d'exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les 2 mois précédant cette expiration (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-10.004 FS-B).
- Aux termes de l'article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987, à la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12 des salaires perçus au cours de l'année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l'année suivante. En cas de licenciement ou de démission en cours d'année, il sera versé au titre de ce salaire, dit « mois double » ou « treizième mois », un nombre de 1/12 égal au nombre de mois passés dans l'entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu. Les journalistes professionnels engagés en cours d'année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l'entreprise. Dans tous les cas ces 1/12 ne seront dus qu'après 3 mois de présence. Pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu'à ceux qui auront collaboré à 3 reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l'année civile au moins 3 fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée. Toute fraction de mois égale ou supérieure à 15 jours est comptée pour 1 mois. Si le journaliste professionnel entre dans une entreprise le 1er novembre d'une année civile, il recevra 2/12 le 1er février suivant. S'il entre le 1er décembre, 1/12 le 1er mars suivant. Il en résulte que, sauf exception prévue par ce texte, tout journaliste professionnel perçoit, à titre de treizième mois, le salaire convenu du mois de décembre sans condition de présence effective (Cass. soc. 29-11-2023 n° 22-13.871 FS-B).
Contrôle - contentieux
- Lorsque la législation de sécurité sociale applicable à une personne qui exerce des activités dans deux États membres ou plus est incertaine et nécessite des contacts entre les institutions ou autorités compétentes, une procédure de dialogue administratif entre ces institutions ou autorités permet de déterminer la législation applicable, attestée par un formulaire appelé certificat A 1. Si cette procédure n'a pas été mise en oeuvre, il appartient au juge saisi d'un conflit d'affiliation d'inviter l'institution désignée par l'autorité compétente à la mettre en oeuvre (Cass. 2e civ. 30-11-2023 n° 21-18.251 FS-B).
- Les dispositions de la charte du football professionnel qui prévoient que tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique de la Ligue de football professionnel, n'instituent pas une procédure de conciliation. L'employeur ayant notifié au joueur la fin de leur relation contractuelle à la suite du refus de ce dernier de consentir à une baisse de rémunération, la contestation de cette rupture n'est pas subordonnée à un préalable de conciliation devant la commission juridique de la Ligue (Cass. soc. 29-11-2023 n° 21-19.282 FS-B).
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