Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus cette semaine par la Cour de cassation.
Exécution du contrat
- Le refus par la salariée déclarée inapte du poste de reclassement proposé n'implique pas à lui seul le respect de l'obligation de recherche de reclassement par l'employeur (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-13.002 F-D).
- Le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour maladie et qui reprend son travail avant d'avoir fait l'objet de la visite médicale de reprise est soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur. Dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que la salariée avait repris ses fonctions le 12 septembre 2017, date à laquelle elle avait été mise à pied, ne pouvait pas, pour juger son licenciement survenu le 26 septembre sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à ce titre, retenir que l'employeur n'avait pas organisé la visite de reprise obligatoire. En effet, cette circonstance n'empêchait nullement la procédure de licenciement mise en oeuvre le jour de la reprise (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-14.892 F-D).
- Il résulte des dispositions d'ordre public de l’article L 1243-1 du Code du travail, auxquelles ni la convention collective du rugby professionnel, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Une cour d’appel ne saurait dire que le contrat de travail n’avait pas pris effet et débouter le salarié de ses demandes à titre de rappel de salaire, de dommages-intérêts pour rupture abusive et de remise de documents de fin de travail en retenant que la mise à disposition du logement contractuellement prévu s’analyse comme un préalable à l’exécution du contrat puisqu'il était prévu que la condition d'absence de contre-indication médicale ne serait vérifiée qu'à l'arrivée du salarié au club, ce qui induisait qu'il fût logé sans commencement d'exécution, alors que l'employeur ayant exécuté une partie de ses obligations par la mise à disposition du salarié du logement contractuellement prévu à titre d'avantage en nature, elle aurait dû en déduire que le contrat de travail avait reçu un commencement d'exécution (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-16.006 F-D).
Paie
- Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la Carsat d'après les règles fixées par décret. Le recours de l'employeur aux fins de contestation du taux de cette cotisation est introduit dans le délai de 2 mois à compter de la date de réception de la notification par cette caisse de sa décision fixant ce taux. Il en résulte que le délai de forclusion de 2 mois ne peut pas être opposé à l'employeur qui, sans attendre la notification du taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, demande le retrait de son compte employeur du coût d'une maladie professionnelle ou l'inscription de cette maladie sur le compte spécial en application de l'article 2 de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, modifié. En revanche, ce délai est opposable à l'employeur lorsque cette demande, qui ne peut avoir pour effet de modifier un taux devenu définitif, est formée à l'occasion d'un litige en contestation de ce taux. Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif (Cass. 2e civ. 17-10-2024 n° 22-20.692 F-B).
- La notification d'une mise en demeure régulière constitue un préalable obligatoire aux poursuites. Dès lors, la nullité de la mise en demeure fait obstacle à ce que, dans la même instance, l'organisme de recouvrement poursuive le paiement des sommes qui en font l'objet (Cass. 2e civ. 17-10-2024 n° 21-25.851 F-B).
- La contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, alors compétent, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d'un jugement. Il en résulte que l'opposition, qui est une voie de recours exercée à l'encontre de la contrainte, n'a pas pour effet, par elle-même, de la mettre à néant (Cass. 2e civ. 17-10-2024 n° 21-19.903 F-B).
Durée du travail
- Le travail intermittent se distingue du travail à temps partiel en ce qu'il est destiné à pourvoir des emplois permanents comportant une alternance entre périodes travaillées et périodes non travaillées. Une cour d’appel ne saurait débouter un salarié, engagé en qualité de professeur de judo par contrat de travail à temps partiel de sa demande en requalification de son contrat à temps complet sans vérifier si les périodes de vacances scolaires interrompant les prestations de travail ne constituaient pas des périodes non travaillées de nature à caractériser l'existence d'un contrat de travail intermittent (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-19.074 F-D).
Rupture du contrat
- Lorsque le salarié en raison de son état de santé travaille selon un temps partiel thérapeutique lorsqu'il est licencié, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité spéciale de l'article L 1226-14 du Code du travail et de l'indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, est le salaire perçu par le salarié antérieurement au temps partiel thérapeutique et à l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé (Cass. soc. 16-10-2024 n° 22-20.356 F-D).
- Une partie à une convention de rupture du contrat de travail ne peut pas valablement demander l'homologation de cette convention à l'autorité administrative avant l'expiration du délai de rétractation de 15 jours prévu par le Code du travail. Dès lors, ayant constaté que, après le refus d'homologation, l'employeur avait modifié le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle et la date envisagée de la rupture et avait, sans informer le salarié et sans lui faire bénéficier d'un nouveau délai de rétractation, retourné le formulaire à l'autorité administrative qui l'avait homologuée, la cour d'appel ne pouvait pas rejeter la demande du salarié aux fins de nullité de cette rupture conventionnelle (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-15.752 F-D).
Santé et sécurité
- En cas de faute inexcusable de l'employeur à l'origine d'un accident du travail, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne peut pas être réduit en cas d'assistance familiale (Cass. 2e civ. 17-10-2024 n° 22-18.905 F-B).
- Constitue un préjudice réparable en relation directe avec l'accident du travail ayant causé le handicap de la victime le montant des frais que celle-ci doit débourser pour adapter son logement et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap (Cass. 2e civ. 17-10-2024 n° 22-18.905 F-B).
- Indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu du CSS, la victime d'un accident du travail a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Dès lors que la chance perdue est réelle et non hypothétique, toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que celle-ci soit subordonnée à la preuve du caractère sérieux de la chance perdue (Cass. 2e civ. 17-10-2024 n° 22-18.905 F-B).
- L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par le Code du travail. Une cour d'appel ne saurait, pour débouter un salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de l'obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail, après avoir relevé que plusieurs personnes l'avaient vu conduire des engins nécessitant une certification, retenir que les attestations produites étaient très imprécises et ne démontraient aucunement que le salarié avait reçu I'ordre ou a minima I'autorisation de son employeur de conduire des engins, qu'il n'y avait aucune obligation pour ce dernier de conduire ces engins alors que plusieurs ouvriers dans l'entreprise, travaillant sur les mêmes chantiers, étaient titulaires de la certification requise, qu'il avait suivi plusieurs formations autour de la sécurité tendant à démontrer qu'il pouvait bénéficier d'une formation continue au sein de cette entreprise, et que l'employeur n'avait aucune raison de prendre le risque de lui faire conduire des engins sans certification. En effet, ces motifs sont impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-16.411 F-D).
Statuts particuliers
- Un agent statutaire d'une chambre de commerce et d'industrie mis à la disposition d'un établissement d'enseignement supérieur consulaire peut opter pour la conclusion d'un contrat de travail avec l'organisme d'accueil, mais ne peut pas cumuler le statut d'agent public et celui de salarié de droit privé de cet établissement (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-10.930 B).
Contrôle-contentieux
- Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les demandes formées par le salarié, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, qui tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'il estime injustifié, tendent aux mêmes fins, de sorte que, lorsque le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, sa demande en nullité du licenciement, présentée pour la première fois en cause d'appel, est recevable (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-13.604 F-D).
- A légalement justifié sa décision la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'avis de réception de la lettre de licenciement ne faisait pas mention de la date de présentation de ladite lettre, en a déduit que la date de notification du licenciement, et donc le point de départ du délai de prescription d'un an, ne pouvait pas être déterminée (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-10.995 F-D).
- Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Dès lors, une cour d'appel ne pouvait pas, pour dire que l'action du salarié en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'était pas prescrite, retenir que le salarié n'avait eu connaissance des faits sur lesquels il fonde son action qu'avec la connaissance que les dommages causés tout au long de l'exécution du contrat, qui se sont manifestés sous une forme aggravée pour la dernière fois le 16 janvier 2017 par une sciatique avec hernie discale, avaient entraîné une inaptitude totale à occuper son poste initial, l'avis d'inaptitude du 12 avril 2019 par lequel il a pris connaissance du lien entre sa hernie et l'impossibilité de reprendre son poste devant être considéré comme point de départ du délai de prescription. En effet, il résultait de ces constatations que le salarié avait eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit à la date du 16 janvier 2017 (Cass. soc. 16-10-2024 n° 23-13.991 F-D).