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2 septembre 2024
Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux salariés protégés. Tableau récapitulatif de jurisprudence.

La protection des représentants du personnel donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n'élaborent une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes.

Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts des mois mars à juillet 2024.

Thème

Contexte

Solution

Bénéfice du statut protecteur

Dans chaque branche professionnelle, une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation doit être mise en place par convention ou accord (C. trav., art. L. 2232-9). Les salariés qui en font partie ne sont pas directement visés par le code du travail comme bénéficiant du statut protecteur.

Le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord professionnel la protection prévue à l'article L. 2411-3 du code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement. Ces dispositions sont d'ordre public en raison de leur objet et s'imposent à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 ayant créé ces commissions (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-15.857). Confirmation.

Un salarié bénéficiant d'un mandat extérieur à l'entreprise, comme un conseiller du salarié notamment, ne peut se prévaloir de sa protection que si, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, il a informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou s'il rapporte la preuve que l'employeur en avait alors connaissance (jurisprudence).

L'information de l'employeur ne peut résulter de l'arrêté préfectoral publié inscrivant le salarié sur la liste des conseillers du salarié. Elle ne peut pas non plus résulter du seul fait que le salarié ait assisté un salarié de l'entreprise lors de l'entretien préalable au licenciement de ce dernier (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 23-10.753). Précision.

Détournement du statut protecteur

A l’issue du délai de protection, l’employeur retrouve la liberté de licencier le salarié selon les règles de droit commun sous réserve, toutefois, que le licenciement prononcé n’ait pas un caractère abusif ou discriminatoire. Dans ce cas, le licenciement encourt la nullité car prononcé en violation du statut protecteur (jurisprudence).

Est nul, un licenciement, prononcé à l’expiration de la période de protection, pour un motif économique précédemment invoqué devant l’autorité administrative, et qui a donné lieu à une décision de refus d’autorisation de licenciement (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-11.602Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-11.601). Précision.

Il y a détournement du statut protecteur lorsque le salarié protégé est licencié 3 jours après l’expiration de la période de protection, pour le même motif que celui ayant donné lieu à la décision de refus d’autorisation par l’inspecteur du travail, la société reconnaissant, en outre, dans la lettre de licenciement, maintenir le contrat de travail jusqu’à l’expiration de la période de 6 mois de protection consécutive à la démission de son mandat (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-11.601). Illustration.

Il y a détournement du statut protecteur lorsque le licenciement était déjà prévu avant l’expiration de la période de protection, dès lors que le refus d’accepter la mutation, qui justifiait la demande d’autorisation du licenciement, demeurait toujours 7 mois plus tard, à l’issue de cette période de protection, le seul motif du licenciement économique et qu’à l’exclusion des salariés protégés dont la protection était en cours, les autres employés placés dans la même situation étaient déjà licenciés depuis un an (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-11.602). Illustration.

Durée de la protection

Le respect de la procédure protectrice de licenciement d’un ancien représentant du personnel s’impose lorsque le salarié bénéficie de cette protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement, peu important que le courrier prononçant le licenciement soit envoyé postérieurement à l’expiration de la période de protection (jurisprudence).

L’annulation de la désignation d’un représentant de la section syndicale, quel qu’en soit le motif, n’ayant pas d’effet rétroactif, la perte du statut protecteur n’intervient qu’à la date à laquelle le jugement d’annulation est prononcé. Ainsi, l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable, peu importe que celui-ci soit notifié après l’expiration de la période de protection (Cass. soc., 26 juin 2024, n° 23-13.564). Confirmation.

Modification du contrat de travail

Aucune modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé. Il importe peu à cet égard que la modification soit justifiée par un motif disciplinaire ou par un motif économique. Cependant, la situation est différente selon qu'il s'agit d'une modification du contrat de travail (ne pouvant pas être imposée au salarié protégé) ou un changement des conditions de travail (dont le refus par le salarié protégé peut constituer une faute) (jurisprudence).

Le retour aux conditions prévues par le contrat de travail après dénonciation d'un usage ne constitue pas une modification du contrat de travail. 

Ne constitue ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail, le changement d'équipe et de supérieur hiérarchique d'une salariée protégée n'ayant entraîné aucune modification de ses fonctions, de son niveau de responsabilité ou de sa rémunération. (Cass. soc., 2 mai 2024, n° 22-23.049). Précision et illustration.

Peuvent empêcher la poursuite du contrat de travail, et justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, les pressions exercées par l'employeur en vue d'échapper à l'intervention de l'inspection du travail. Dans cette affaire, suite au refus du salarié protégé de signer l'avenant à son contrat de travail prévoyant la remise d'un matériel de géolocalisation, au motif qu'il portait atteinte à sa personne et à ses libertés, l'employeur avait convoqué celui-ci à un entretien préalable, en le dispensant d'activité avec maintien de sa rémunération, avant de renoncer à cette procédure disciplinaire, mais l'avait alors mis en demeure de reprendre son poste et de respecter la nouvelle organisation de contrôle du temps de travail (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-13.129). Illustration.

Transfert

Lorsqu'un représentant du personnel est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, par application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le transfert de ce salarié doit être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail qui s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire (C. trav., art. L. 2421-9).

Lorsqu'un salarié protégé refuse son transfert malgré l'autorisation de l'administration, son mandat prend fin à la date où l'entité est transférée au nouvel employeur. C'est donc aussi le point de départ de la protection de 6 mois après la fin de son mandat (Cass. soc., 2 mai 2024, n° 22-17.377). Précision.

Entretien préalable

Le délai qui doit séparer la convocation du salarié de l'entretien préalable est de 5 jours ouvrables (C. trav., art. L. 1232-2). Ce délai est décompté selon les dispositions de l'article  641 du code de procédure civile et de l'article R. 1231-1 du code du travail.

Le délai de 5 jours ouvrables commence à courir le jour ouvrable suivant la présentation de la lettre recommandée et pas à la date à laquelle le salarié a retiré le pli (CE, 4 avr. 2024, n° 475386). Confirmation.

Licenciement pour faute

Lorsque la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi (jurisprudence).

Constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, des absences injustifiées, hors heures de délégation, d'un salarié protégé, s'inscrivant dans la suite de nombreuses absences injustifiées (et retards) ayant donné lieu à deux avertissements et un courrier de « mise au point » au cours des années (2008 pour des absences de 2006, 2007 et 2008, 2013 pour des retards de 2012-2013, et 2015 où le salarié est finalement licencié) (CE, 12 juin 2024, n° 456990). Illustration.

Licenciement économique

L'inspecteur du travail doit rechercher si la situation justifie le licenciement du salarié protégé, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs. Il appartient à l'employeur de lui fournir tout élément probant dès la présentation de la demande d'autorisation de licenciement, ainsi qu'au cours de l'enquête, notamment en réponse aux demandes d'informations et de documents de l'inspecteur du travail. Ce dernier doit refuser l'autorisation de licenciement si l'ensemble des éléments ainsi recueillis ne permet pas de conclure au bien-fondé de la cause économique invoquée (Guide DGT (salariés protégés) 20 sept. 2019, fiche 7a).

Pour que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, y compris lorsqu'il s'agit d'une association à but non lucratif, puisse constituer un motif économique, la réalité de la menace pour la compétitivité de l'entreprise doit être établie, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.

Constitue un motif valable de licenciement économique  l'absence de renouvellement du marché conclu par l'association avec plusieurs clients, le chiffre d'affaires ayant diminué de 54 % pour la région concernée, et l'excédent d'exploitation au niveau national ayant baissé de 83 %, alors qu'il n'existait alors pas de perspectives pour l'association d'obtenir d'autres marchés dans d'autres régions (CE, 3 avr. 2024, n° 471271). Précision et illustration.

Cessation d'activité

Dans le cas d’une cessation d’activité de l’entreprise, invoquée à l’appui d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé présenté par une société faisant partie d’un groupe, il n’appartient pas à l’autorité administrative, d’examiner la situation économique des autres entreprises dudit groupe. En effet, dès lors que la demande d’autorisation de licenciement est fondée sur la cessation d’activité de l’entreprise, elle n’a pas à être justifiée par l’existence d’un motif économique (difficultés économiques, mutations technologiques ou menaces pesant sur la compétitivité de l’entreprise). L’inspecteur du travail doit en revanche vérifier que la cessation de cette activité est totale et définitive (jurisprudence).

Le licenciement ne saurait être autorisé s’il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s’il est établi qu’une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié (CE, 24 juill. 2024, n° 463816). Précision.

Plan de départs volontaires (PDV)

Est exclu tout contrôle de l'inspecteur du travail sur la cause économique et la suppression de poste en cas de rupture amiable (RCC, congés de mobilité, plan de départs volontaires-PDV). En effet, dans le cas de la résiliation d'un contrat de travail résultant de la conclusion d'un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d'un accord collectif soumis aux représentants du personnel ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), la cause économique de la rupture ne peut, sauf fraude ou vice du consentement être contestée (jurisprudence).

Le bien-fondé du motif économique est sans influence sur la légalité d'une décision de l'autorité administrative se prononçant sur une demande d'autorisation de la rupture d'un commun accord d'un contrat de travail dans le cadre d'un PDV assortissant un PSE homologué par l'administration (CE, 3 avr. 2024, n° 469694). Confirmation.

Sur l'impossibilité pour le juge judiciaire d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif de la rupture amiable conclue dans le cadre d'un PDV prévue par un PSE (Cass. soc., 26 juin 2024, n°25-15.533) : voir article de la veille permanente. 

Discrimination

L'inspecteur du travail doit examiner notamment si la rupture envisagée du contrat de travail d'un salarié protégé est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l'intéressé (C. trav., art. R. 2421-7 et R. 2421-16).

Il en est ainsi quel que soit le motif de rupture invoqué par l'employeur

Il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale.

Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport. Dans ce cas, l'autorisation de licenciement doit être refusée. (CE, 5 juin 2024, n° 470898). Confirmation et illustration.

L'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Dans ce cadre, il appartient à l'employeur de porter à sa connaissance l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé, et, le cas échéant, à l'autorité administrative saisie de recueillir les éléments de fait de nature à établir ou non, compte tenu de chacun des mandats du salarié concerné, le caractère discriminatoire de la mesure envisagée (jurisprudence).

L'autorité administrative doit vérifier l'absence de discrimination pour chacun des mandats pour lesquels le salarié bénéficie de la protection à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. Peu importe qu'à la date à laquelle l'autorité administrative s'est prononcée, le salarié ne bénéficie plus de la protection en cause (CE, 12 juin 2024, n° 468918). Précision.

Recours contre la décision administrative

La décision de l'inspecteur du travail, ou celle du ministre, autorisant ou refusant le licenciement d'un représentant du personnel, peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

A moins qu'elle soit fondée sur le constat que le salarié concerné n'a pas la qualité de salarié protégé, la décision par laquelle l'autorité administrative refuse d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, n'apporte en principe, par elle-même, aucune modification à la situation de ce salarié. Une telle décision ne fait, dès lors, pas grief au salarié protégé qui n'est pas recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE, 17 juin 2024, n° 468580). Illustration.

Réintégration et indemnisation

L'employeur a l'obligation de réintégrer un salarié protégé visé par l'article L. 2422-1 du code du travail qui le demande lorsque son licenciement a été prononcé :

  • soit en violation de son statut protecteur, c'est-à-dire sans autorisation ou malgré un refus d'autorisation de l'inspecteur du travail ;

  • soit lorsque l'autorisation de licenciement a été ultérieurement annulée ou retirée à la suite d'un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux du salarié.

Les salariés exerçant le mandat d'administrateur d'une mutuelle, union ou fédération ou ayant cessé son mandat depuis moins de 6 mois, ne sont pas visés dans la liste des salariés protégés bénéficiant du droit à réintégration, mais l'article L. 114-24 du code de la mutualité soumet leur licenciement à l'article L. 2411-3 du code du travail relatif à la protection du délégué syndical, auquel l'article L. 2422-1 est applicable. Ils bénéficient donc du droit à la réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent ainsi qu'au paiement de l'indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans les conditions prévues à l'article L. 2422-4 du code du travail (Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-24.492). Précision.

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