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14 février 2024
Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux salariés protégés. Tableau récapitulatif de jurisprudence.

La protection des représentants du personnel donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n'élaborent une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes.

Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts du mois de juillet 2023 au mois de janvier 2024.

Thème

Contexte

Solution

Candidature frauduleuse

Le bénéfice du statut protecteur est exclu en cas de candidature frauduleuse, c’est-à-dire si le salarié se porte candidat dans le but exclusif d'échapper à une sanction disciplinaire.

L'employeur qui n'a pas contesté la régularité de la candidature du salarié devant le tribunal dans le délai de forclusion légalement prévu n'est pas recevable à alléguer du caractère frauduleux de sa candidature pour écarter la procédure d'autorisation administrative de licenciement, et ce, même si la candidature a été présentée avant la signature du protocole préélectoral (Cass. soc., 18 oct. 2023, n° 22-11.339).

Prise d'acte

Lorsqu'un salarié protégé prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission (jurisprudence).

C'est la qualité de salarié protégé à la date de la prise d'acte qui compte. En effet, lorsqu'à la date de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le salarié bénéficie d'un statut protecteur, cette prise d'acte jugée justifiée, doit s'analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur, en dépit de la circonstance que la modification du contrat de travail (cause de la prise d'acte) avait été mise en œuvre avant que le salarié n'acquiert la qualité de salarié protégé.

Dans cette affaire, une salariée protégée ayant reçu une nouvelle affectation, sans son accord, ayant entraîné la suppression totale des actes de soins, activité que cette infirmière diplômée d'État avait exercée pendant 20 ans et qui relevait de son poste, laquelle ne se voyaIt confier que des activités administratives (Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-16.095).

Modification du contrat de travail

Aucune modification de son contrat de travail ne peut être imposée à un salarié protégé. Le représentant du personnel peut accepter ou refuser la modification de son contrat de travail qui lui est proposée. Si l'employeur n'engage pas la procédure protectrice et impose la modification contre son gré à l'intéressé, ce dernier peut saisir le juge des référés afin d'obtenir sa réintégration dans son ancien emploi (jurisprudence).

L'employeur a l'obligation de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition. Ainsi, commet un manquement grave à ses obligations l'employeur qui n'a pas engagé de procédure de licenciement et qui n'a plus fourni de travail des salariés protégés ayant refusé les modifications de leur lieu de travail, et dont les autorisations de transfert de leurs contrats ont été définitivement refusées (Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 22-13.960 ).

Assistance lors de l'entretien préalable

La lettre de convocation à l'entretien préalable doit rappeler au salarié qu'il peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Lorsque l'entreprise ne dispose pas du tout d'institutions représentatives du personnel, la possibilité pour le salarié de se faire assister par un conseiller du salarié inscrit sur une liste départementale doit être mentionnée, ainsi que les adresses de l'inspection du travail et de la mairie où cette liste peut être consultée ; à défaut, un vice substantiel de procédure doit être retenu (jurisprudence).

L'employeur est tenu de mentionner, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, la faculté pour le salarié protégé de se faire assister par un conseiller du salarié lorsqu'il est le seul représentant du personnel dans l'entreprise, cette situation étant assimilable pour l'intéressé à celle d'une entreprise dépourvue de représentant du personnel. Toutefois, la procédure n'est pas entachée d'irrégularité s'il est établi que le salarié a été pleinement informé, en temps utile, des modalités d'assistance auxquelles il avait droit, en fonction de la situation de l'entreprise, pour son entretien préalable (CE, 13 oct. 2023, n° 467113).

Consultation du CSE

L'administration ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation (jurisprudence).

L'inspecteur du travail ne peut se fonder sur l'absence de convocation de l'ensemble des membres du CSE pour estimer que la procédure de consultation est irrégulière et refuser, pour ce motif, de délivrer l'autorisation de licenciement (CE, 22 août 2023, n° 456517).

Procédure conventionnelle

Il incombe à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier si les règles de procédure prévues par un accord collectif préalable à sa saisine ont été observées (jurisprudence).

Pour juger que l'irrégularité entachant la procédure de consultation prévue par un accord collectif fait obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, il faut rechercher si cette irrégularité a, en l'espèce, empêché les délégués du personnel d'émettre un avis en toute connaissance de cause, dans des conditions susceptibles de fausser leur consultation (CE, 13 oct. 2023, n° 459314).

Licenciement pour faute

Lorsque la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi (jurisprudence).

La faute n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement lorsque la salariée dont il est relevé l'incapacité à organiser son équipe de travail et à assumer ses responsabilités de cadre, entraînant une surcharge de travail au sein de son équipe, ainsi que diverses fautes et erreurs techniques, mais dont la désorganisation de son service et la surcharge de travail en résultant ne peuvent lui être exclusivement imputées, eu égard aux absences prolongées d'une salariée de son équipe et de sa supérieure hiérarchique d'une part, et d'autre part, dont les fautes et erreurs techniques reprochées ne lui étaient pas toutes imputables ou pas en totalité, lesquelles n'ont pas porté préjudice à l'entreprise (CE, 22 août 2023, n° 456517).

Poursuites pénales

Seuls le ou les motifs retenus par l'autorité administrative pour autoriser le licenciement disciplinaire d'un représentant du personnel peuvent justifier ce licenciement. Le juge judiciaire peut  apprécier si le salarié protégé a commis une faute grave ou une faute lourde, mais il ne peut examiner que les fautes retenues par l'autorité administrative (jurisprudence).

Lorsque les faits, pour lesquels l'autorisation administrative de licenciement a été définitivement accordée, ont fait l'objet de poursuites pénales à la suite desquelles le salarié a bénéficié d'une relaxe, le juge prud'homal ne peut pas qualifier des mêmes faits de faute grave (Cass. soc., 6 déc. 2023, n° 22-18.325).

Reclassement

En matière de licenciement d'un salarié protégé pour inaptitude, les efforts de reclassement de l'employeur s'apprécient en fonction des possibilités d'aménagement des postes de travail (jurisprudence). 

En cas de licenciement pour inaptitude, la seule circonstance que les postes disponibles relèvent d'une catégorie d'emplois, celle de cadre, supérieure à celle à laquelle appartenait le salarié protégé (agent de maîtrise), ne saurait par elle-même faire obstacle à ce que ces postes soient proposés par l'employeur au titre de ses obligations en termes de reclassement (CE, 21 juill. 2023, n° 457196).

Responsabilité de l'État

Le refus illégal d'autoriser ou de refuser d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État, pour autant qu'il en soit résulté pour le demandeur un préjudice direct et certain.  

Lorsqu'est sollicité le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision administrative entachée d'un vice de procédure, le juge recherche, au vu de l'ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière (jurisprudence).

Le juge administratif doit rechercher si l'autorité administrative aurait pu légalement, en suivant une procédure régulière, rejeter la demande d'autorisation qui lui était soumise (CE, 21 juill. 2023, n° 457196).

Indemnisation

Lorsqu'un salarié a attendu trop longtemps après l'expiration de la période de protection pour demander sa réintégration ainsi qu'une indemnisation courant à compter de son éviction de l'entreprise, sans pouvoir justifier de ce délai, commet un abus dans l'exercice de ce droit à indemnisation, et ce, même dans le cas où il a formulé sa demande de réintégration après l'expiration de la période de protection pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. La limitation de l'indemnité allouée au titre de la violation du statut protecteur est alors justifiée (jurisprudence).

Le salarié qui présente de manière abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective (Cass. soc., 8 nov. 2023, n° 21-25.684).

Aux termes de l'article  L. 2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans le délai de 2 mois, ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire.

Le salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, ne peut prétendre de ce seul fait à l'annulation de son licenciement, et ne peut bénéficier de l'indemnité pour violation du statut protecteur (Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-16.207).

Le représentant du personnel a droit, en raison de la violation de son statut protecteur, à une indemnité au titre de la violation de son statut protecteur égale au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours dans la limite de 30 mois (jurisprudence).

L'erreur commise dans le calcul de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, dès lors que le résultat retenu au titre de cette indemnité ne correspond pas à la durée de la période de protection retenue par le juge du fond, constitue une erreur matérielle qui peut être réparée par la Cour de cassation, selon l'article  462 du code de procédure civile (Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-14.037).

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