L'autorisation de l'inspecteur du travail est un préalable nécessaire au licenciement d'un salarié protégé. A défaut, le licenciement est nul et l'employeur s'expose à des sanctions. Il ne peut y échapper en revenant sur sa décision. Il ne peut donc pas se rétracter, sauf accord du salarié protégé.
Dans un arrêt publié du 23 novembre 2022, la Cour de cassation apporte des précisions à ce sujet, en particulier sur l'office du juge judiciaire.
Licenciement d'un salarié protégé sans autorisation de l'inspecteur du travail, puis rétractation de l'employeur
Dans cette affaire, un employeur licencie pour motif personnel un salarié délégué du personnel le 8 février. Le 22 février, il annule cette mesure et informe le salarié de sa réintégration au terme de son arrêt maladie. L'arrêt maladie est prolongé, le salarié ne reprend donc pas son poste. Et en avril, l'employeur sollicite de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement, laquelle lui est accordée en mai. En juin, il notifie au salarié cette nouvelle mesure de licenciement.
Mais le salarié sollicite du conseil des prud'hommes l'annulation du licenciement de février sans autorisation préalable et sans accord formel sur la rétractation notifiée postérieurement par l'employeur.
Preuve de l'acceptation non équivoque du salarié protégé à la rétractation de son licenciement
Le licenciement de février est annulé, et l'employeur est condamné à réparer le préjudice résultant du licenciement nul pour violation du statut protecteur.
L'employeur conteste, au motif que la preuve de la rétractation peut être apportée par tout moyen. Il avance que l'acceptation non équivoque par le salarié de cette rétractation est établie dès lors que ce dernier a continué à envoyer à son employeur des prolongations d'arrêt de travail postérieurement à ce licenciement. Pour lui, ce comportement implique nécessairement un accord exprès et non équivoque à la rétractation du licenciement.
Compétence du juge judiciaire pour déterminer si la rétractation est valablement acceptée
Mais la Cour de cassation n'est pas d'accord. Elle commence par rappeler que « le licenciement ne peut être rétracté par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, peu important que la rétractation ait été faite à la demande de l'inspecteur du travail d'annuler la procédure de licenciement engagée et de respecter le statut protecteur ».
Remarque
l'accord du salarié à la rétractation est nécessaire pour tous les salariés, protégés (par exemple, Cass. soc., 10 mai 1999, n° 96-45.652) ou non protégés (par exemple, Cass. soc., 17 janv. 1990, n° 87-40.666 ; Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-41.173).
Puis, la chambre sociale en déduit qu'il « en résulte que le juge judiciaire, quand bien même le licenciement ultérieur du salarié a fait l'objet d'une autorisation administrative, demeure compétent, sans porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier la validité de la rétractation de la mesure de licenciement notifiée antérieurement ».
Ainsi, « ayant estimé, au terme de son interprétation souveraine de la volonté des parties, que la preuve de l'accord clair et non équivoque du salarié n'était pas rapportée par l'employeur », la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Remarque
la jurisprudence concernant les salariés non-protégés a déjà jugé que l'acceptation de cette rétractation doit être claire et non équivoque et ne peut se déduire de son comportement (par exemple, Cass. soc., 13 nov. 2001, n° 99-43.016). Certains arrêts déduisent cette acceptation de la reprise du travail (hors préavis) (Cass. soc., 27 mai 2009 n° 07-45.503), mais elle ne peut résulter par exemple de la présence du salarié à un nouvel entretien préalable après la rétractation de l'employeur (Cass. soc., 20 mai 2015, n° 14-11.790). Dans l'affaire jugée le 23 novembre 2022, l'employeur invoquait l'envoi d'arrêts maladie après le licenciement comme constituant une acceptation expresse et non équivoque de la rétractation. Le juge judiciaire a considéré que ce n'était pas le cas et la Cour de cassation ne se prononce pas à ce sujet, elle renvoie à l'interprétation souveraine du juge. A noter à cet égard que dans un arrêt relatif à un salarié non protégé, le juge du fond avait considéré que l'envoi de prolongations d'arrêts maladie à son employeur était bien constitutif d'une acceptation valable de la rétractation du licenciement (Cass. soc., 9 janv. 2008, n° 06-45.976).
Le juge judiciaire est donc compétent pour déterminer si l'acceptation à la rétractation est non équivoque et donc valable.
Il en résulte que ce licenciement est nul, et ce, même si l'employeur a par la suite obtenu une autorisation de licenciement.
Remarque
à cet égard, le Conseil d'État juge que le salarié protégé, licencié sans autorisation administrative, peut se prévaloir de tous les effets attachés à ce licenciement, quand bien même l'employeur aurait annulé sa décision par un courrier ultérieur. L'inspecteur du travail, saisi d'une demande présentée postérieurement au licenciement auquel l'entreprise a déclaré renoncer, est tenu de rejeter cette demande (CE, 20 mars 1996, n° 150822 ; CE, 14 juin 1991, n° 96326 : Rec. CE, p. 238). A noter, en outre, qu'il a été jugé que sur le plan pénal, la rétractation de l'employeur qui a licencié un représentant du personnel en violation du statut protecteur n'est pas de nature à faire disparaître l'infraction de délit d'entrave (Cass. crim., 4 avr. 1995, n° 93-80.312 : Bull. crim. n° 146).