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7 octobre 2022

Plusieurs arrêts relatifs au paiement du salarié, à l'appréciation des salaires minima conventionnels, au principe de non-discrimination et à la rémunération variable ont été rendus par la Cour de cassation au cours du mois de septembre 2022.

Le tableau ci-dessous présente ces décision sous forme synthétique.

Thème

Faits et procédure

Solution jurisprudentielle

Principe de non-discrimination et différence de traitement justifiée

Prime de treizième mois

La prime de treizième mois en litige était versée par l'employeur aux seules catégories des cadres, des agents de maîtrise et des secrétaires administratifs « en considération de leurs qualifications et leurs responsabilités ». Un syndicat attaque l'employeur en justice au motif que la seule appartenance à une catégorie professionnelle est inopérante pour exclure les salariés, agents de service, appartenant à la catégorie des personnels d'exploitation du bénéfice de cette prime. 

La Cour d'appel condamne l'employeur qui se pourvoit en cassation.

Les juges du fond ayant constaté que les missions et responsabilités confiées aux cadres, agents de maîtrise et secrétaires administratifs étaient déjà prises en compte pour la détermination de la rémunération conventionnelle et l'employeur ne justifiant pas de l'existence de critères d'attribution objectifs de la prime de treizième mois permettant d'exclure les agents de service, la décision d'appel est légalement justifiée.

Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-15.356  (troisième moyen)

Prime de panier versée exclusivement aux salariés affectés à un établissement

Une prime de panier avait été instituée au sein d'un établissement de l'entreprise par accord d'établissement du 27 octobre 2010. Arguant du principe d'égalité de traitement, des salariées d'un autre établissement saisissent la justice aux fins d'obtenir le versement de cette prime de panier. Les juges d'appel font droit à leurs demandes. Pour eux, les salariés affectés sur le site de l'établissement en question percevaient une prime de panier de façon forfaitaire et identique, quel que soit leur lieu d'habitation, la prime n'était pas versée en fonction de la distance domicile/lieu de travail qui les empêcherait de rentrer déjeuner chez eux et le coût des repas sur place pouvait être variable en fonction du choix du salarié. 

L'employeur est condamné à payer aux demanderesses un rappel de primes de panier. Il se pourvoit en cassation.

Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les syndicats représentatifs au sein des établissements, sont présumées justifiées. Il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

En l'espèce, cette démonstration n'avait pas été faite par les demanderesses.

Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-15.356 (deuxième moyen)

Prime de déplacement en remplacement du paiement d'heures supplémentaires

Un salarié a effectué des heures supplémentaires au cours de déplacements effectués en 2013, 2014 et 2015. En paiement de ces heures supplémentaires, l'employeur lui a versé une prime de déplacement. Le salarié saisit la justice aux fins d'obtenir le paiement de ces heures supplémentaires.

Pour calculer le rappel de salaire, les juges du fond soustraient de chacune des sommes auxquelles ils évaluaient la créance salariale se rapportant aux heures supplémentaires accomplies, le montant de la prime de déplacement perçue par l'intéressé et constatent que la somme obtenue est nulle. Ils rejettent la demande du salarié. A tort.

Le versement d'une prime ne peut tenir lieu de règlement à des heures supplémentaires.

Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-11.161

Salaire et diplôme

Une salariée est engagée à La Poste le 25 août 1990 et licenciée le 17 novembre 2015. Elle saisit la justice afin de contester la rupture de son contrat de travail. A l'occasion de ce contentieux, elle conteste sa classification, invoquant une atteinte au principe d'égalité de traitement résultant de ce qu'elle était classée I-2 tandis qu'une de ses collègues, au même poste, bénéficiait de la classification I-3 supérieure.

L'employeur ne contestait pas ce point, soulignant que sur le quatre salariés en poste de rouleur, les trois autres relevaient de la même classification que la salariée et que seule sa collègue avait un diplôme.

La seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée.

En l'espèce, l'employeur ne justifiait pas du diplôme de la salariée à laquelle elle se comparait » et il n'était pas constaté que ce diplôme attestait de connaissances particulières utiles à l'exercice des fonctions occupées.

Cass. soc., 14 sept. 2022, n° 21-12.175

Voir notre article du 27 septembre 2022

Rémunération variable

Critères objectifs ne dépendant pas de la seule volonté de l'employeur

Un salarié saisit la justice aux fins d'obtenir le paiement d'un rappel de primes d'objectifs pour 2008 à 2014, considérant, entre autres, que les critères fixés pour cette prime variable dépendaient de la seule volonté de l'employeur. La base de calcul de la rémunération variable correspondait au résultat brut d'exploitation (sans prises en compte des redevances sièges). Le document explicatif précisait que si, en cours d'année, des changements dans les affectations comptables étaient effectués, ces affectations seraient prises en compte et la base recalculée serait le nouvel objectif. Pour le salarié, ce critère était donc invérifiable dans la mesure où les changements d'affectation étaient au bon vouloir de l'employeur.

Les juges du fond ne sont pas du même avis : le plan de rémunération signé chaque année par le salarié expliquait clairement la base de calcul et les conditions d'attribution de la prime, les objectifs individuels étaient fixés avec le salarié et les rapports des commissaires aux comptes sur la période 2008-2014 certifiaient les comptes annuels et appréciaient nécessairement dans leur intégralité la régularité et la sincérité de toutes leurs composantes. Ils rejettent la demande du salarié qui se pourvoit en cassation.

Pour la Cour de cassation, le moyen n'est pas fondé.

Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-14.955

Salaires minima conventionnels

Eléments de salaire à retenir pour apprécier le respect des minima conventionnels

Engagée en qualité de secretaire par un cabinet d'expertise-comptable puis licenciée pour faute grave, une salariée saisit la justice pour, entre autres, obtenir un rappel de salaire conventionnel pour la période du 1er novembre 2012 au 16 avril 2018. La Cour d'appel fait droit à sa demande : pour apprécier le respect du minimum conventionnel, les juges du fond excluent la part mensuelle du treizième mois au motif que le contrat de travail donnait le détail des éléments composant le salaire mensuel de la salariée et que le treizième mois n'en faisait pas partie.

L'employeur se pourvoit en cassation.

Il est de jurisprudence constante qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti. Dès lors, si la convention collective n'exclut pas du calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti le treizième mois, lequel constitue, pour les mois où il a été effectivement versé, la contrepartie à la prestation de travail, cet élément de salaire doit être pris en compte pour vérifier le respect du minimum conventionnel. Peu importe à cet égard que le contrat de travail prévoie le bénéfice du treizième mois de façon séparée de la rémunération mensuelle.

Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 21-10.633

Paiement du salaire

Dommages et intérêts compensatoires pour non paiement du salaire

Un éducateur technique spécialisé, engagé à compter du 18 juillet 2016, par une association, fait valoir en justice que le coefficient mentionné et la rémunération prévue au contrat de travail ne correspondaient pas aux conditions convenues lors de l'entretien préalable d'embauche ni aux clauses de la convention collective qui lui sont applicables. Il réclame des dommages et intérêts compensatoires et produit, à l'appui de cette demande, un certificat médical de son médecin traitant indiquant lui prodiguer des soins pour état anxio-dépressif et 4 attestations faisant état du profond embarras matériel, alimentant son état d'anxiété, du fait de difficultés financières entravant ses loisirs, ses pratiques sportives et l'aide matérielles apportées à un de ses enfants étudiant. En appel, les juges font droit à sa demande.

Les dommages-intérêts compensatoires sont accordés si le salarié prouve la mauvaise foi de son employeur et le préjudice qu'il a subi (C. civ., art. 1153, al. 4). En l'espèce, les éléments de preuve apportés par le salarié ne caractérisent pas la mauvaise foi de l'employeur. L'arrêt est cassé et l'affaire sera rejugée.

Cass. soc., 14 sept. 2022, n° 20-20.630

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