La conclusion d’une rupture conventionnelle avec un salarié implique de respecter certains principes. A défaut, la rupture conventionnelle peut être invalidée par les juges et produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Parmi ces différents principes, figure celui exigeant la remise d’un exemplaire de la convention au salarié. C’est ce que rappelle cet arrêt du 16 mars 2022.
Conclure une convention de rupture conventionnelle implique le respect de certains principes
La rupture conventionnelle doit respecter une forme bien particulière : elle doit être réalisée via le téléservice « TéléRC », qui génère ensuite une convention sous forme de Cerfa.
L’employeur doit établir 3 exemplaires de cette convention datés et signés : un pour le salarié, un pour l’employeur, et un pour la Dreets. La jurisprudence est venue préciser cette exigence : cette formalité permet au salarié d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause (Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 17-14.232) et garantit son libre consentement (Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 18-14.414). En outre, il est de jurisprudence constante que c’est à l’employeur de prouver qu’un exemplaire a été remis au salarié (Cass. soc., 10 mars 2021, 20-12.801).
L’employeur doit ensuite attendre 15 jours, ce qui correspond au délai de rétractation des parties, puis doit déposer la convention à la Dreets pour en demander l’homologation.
Remarque : depuis le 1er avril 2022, les employeurs ne peuvent plus déposer la convention par courrier à la Dreets. Ils doivent nécessairement la transmettre via le téléservice « TéléRC ».
Défaut de remise d’un exemplaire de la convention de rupture
Dans cette affaire, un salarié a conclu, après 14 ans d’ancienneté, une rupture conventionnelle avec son employeur. Il conteste celle-ci, estimant que l’employeur aurait dû lui remettre un exemplaire de la convention, ce qui n’était pas le cas. De ce fait, il estime que son consentement n’était pas libre, et qu’il était privé d’exercer son droit de rétractation. Il demande alors à ce que la rupture conventionnelle produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel ne fait pas droit à sa demande. Bien qu’elle ait relevé que l’employeur ne démontrait pas avoir remis un exemplaire du « cerfa » de la convention de rupture au salarié, elle retient que selon les pièces versées au débat, il est établi que le salarié connaissait le déroulement de la procédure, les délais à respecter, les documents à établir et à remettre. Dans ces conditions, elle considère que le salarié ne pouvait ignorer bénéficier d’un délai de 15 jours pour se rétracter et que, de ce fait, son consentement était éclairé.
L’employeur doit toujours remettre un exemplaire de la convention au salarié
La Cour de cassation ne valide pas le raisonnement de la cour d’appel. Elle rappelle les principes résultant des textes (C. trav., art. L. 1237-11 et L. 1237-14) et de la jurisprudence (v. ci-dessus) selon lesquels :
- la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ;
- le défaut de remise d’un exemplaire au salarié implique la nullité de la convention de rupture ;
- en cas de contestation, c’est à l’employeur de prouver qu’un exemplaire a été remis au salarié.
Or, dans cette affaire, l’employeur ne démontre pas avoir remis au salarié un exemplaire de la convention de rupture ni aucune autre pièce probante pouvant le démontrer.
De ce fait, et même si l’employeur produit des éléments révélant que le salarié connaissait bien toutes les étapes de la procédure, la cour d’appel ne pouvait faire abstraction de ce défaut de remise. La convention est donc nulle, et l’arrêt d’appel cassé.