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15 février 2024
Un changement de prestataire n'entraîne l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail que s’il s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome maintenant son identité. La circonstance que 2 salariés encadrant l'activité n'aient pas été repris n’exclut pas l'existence d'un tel transfert nous dit la Cour de cassation.

Lorsqu’il y a transfert d’entreprise, les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et les salariés (C. trav., art. L. 1224-1). Un tel transfert des contrats peut-il advenir suite à une perte de marché et un simple changement de prestataire ? La Cour de cassation a d’abord considéré que le fait que la même activité se poursuive avec un autre prestataire ne suffisait pas à faire appliquer l’article L. 1224-1 (Cass. ass. plén., 15 nov. 1985, nos 82-40.301 et 82-41.510). Mais désormais, elle en admet l’application lorsque le changement de prestataire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise (Cass. soc., 15 janv. 2003, n° 00-46.416 ; Cass. soc., 17 janv. 2024, n° 22-11.037). Si la jurisprudence est aujourd’hui constante pour affirmer que « constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre », il n’en reste pas moins que certains cas font encore débat, comme le démontre un arrêt publié du 31 janvier.

Transfert d’une entité autonome : la poursuite de la même activité avec les mêmes moyens suffit …

Dans notre arrêt, une société faisait travailler des manutentionnaires sur une plateforme logistique de La Poste en exécution d’un contrat de prestation de services de gestion de colis. Le contrat n’avait pas été reconduit et l’entreprise qui avait ensuite récupéré l'exploitation de la plateforme avait refusé de reprendre les contrats de travail de 14 salariés toujours affectés à l'exécution du marché.

La société sortante reprochait à la cour d’appel d’avoir jugé qu'elle était restée l'employeur des salariés faute de transfert des contrats de travail. Pour elle, il y avait eu transfert d’une entité économique autonome et, par conséquent, desdits contrats. Elle soutenait en effet que l’activité transférée « poursuivait un objectif propre, distinct de l'activité du client, et que l'autonomie de l'entité était établie tant par la différenciation de cette activité des autres activités du client en termes de locaux et d'horaires que par l'existence de moyens matériels et d'un personnel spécifiquement affecté et formé à cette activité ».

La Cour de cassation fait droit à cet argumentaire et censure l’arrêt d’appel au motif que la société entrante avait bien repris le marché de prestations logistiques et poursuivi, dans les mêmes locaux et avec les mêmes équipements, la même activité à laquelle étaient affectés les 14 salariés, de sorte qu'il y avait bien eu transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation. L’application de l’article L. 1224-1 n’avait donc pas à être écartée et les contrats de travail auraient dû être transférés au prestataire entrant.

… la reprise du personnel d’encadrement n’étant qu’un simple indice

Si le point précédent relève d’une interprétation somme toute classique, tout le litige portait sur la non-reprise par le nouveau prestataire du personnel d’encadrement. Pour les juges du fond, la qualification d’entité économique autonome devait être exclue précisément car parmi les salariés repris on ne trouvait que des ouvriers mais aucun personnel identifié comme personnel d'encadrement, les 2 salariés encadrant l'activité n’ayant pas continué à travailler avec le nouveau prestataire. Tous les salariés restant avaient une classification correspond à l'échelon le plus bas de la convention collective et rien ne démontrait qu’ils s'étaient vu confier, même par intérim, des fonctions d'encadrement. La cour d’appel en déduisait qu'en l'absence totale d'équipe d'encadrement et, de fait, de moyens nécessaires à l'exploitation de l'entité transférée, il ne pouvait être considéré que cette dernière constituait un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, et donc une entité économique autonome entrant dans le champ de l’article L. 1224-1.

La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement : l'existence d'un personnel d'encadrement n'est pas en soi une condition pour caractériser une entité autonome, plutôt un simple indice, et « la circonstance que 2 des salariés encadrant l'activité n'aient pas été repris par le nouvel entrepreneur ne suffisait pas à exclure l'existence d'un transfert d'une entité économique maintenant son identité, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail ».

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Elise DRUTINUS
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