Actualité
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28 juillet 2023
La loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité prévoit une protection des parents contre le licenciement, un allongement de certains congés ainsi que des mesures en matière de télétravail et de financement de leurs absences.
La protection des familles d’enfants atteints de graves problèmes de santé est renforcée
©Gettyimages

Une nouvelle loi vient renforcer le système de soutien et de protection des parents qui accompagnent un enfant gravement malade ou handicapé. Le dispositif, qui a été adopté par le Parlement le 12 juillet dernier, s’ajoute en effet à deux textes récemment votés :

  • la loi 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques, qui a notamment facilité le renouvellement du congé de présence parentale ;
  • et la loi 2021-1484 du 15 novembre 2021, qui autorise exceptionnellement un doublement du congé de présence parentale lorsque l’état de santé de l’enfant le nécessite.

La nouvelle loi a pour objet de faciliter le quotidien de ces parents et de renforcer leur protection lorsqu’ils poursuivent une activité professionnelle. Elle  entre en vigueur le 21 juillet 2023, lendemain de sa publication au Journal officiel.

Une protection contre la rupture du contrat de travail pendant le congé de présence parentale

La loi accorde aux parents salariés une protection contre la rupture de leur contrat de travail pendant le congé de présence parentale, sauf motif de dérogatoire (voir ci-dessous). La même protection s’applique pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel (C. trav. art. L 1225-4-4, al. 1 nouveau).

A noter :

Pour rappel, le congé de présence parentale est d’une durée de 310 jours ouvrés (environ 14 mois) d'absence autorisée pris au gré du parent pendant une période maximale de 3 ans, et peut être renouvelé sous certaines conditions (C. trav. art. L 1225-62 s.). La protection contre le licenciement est donc accordée pour toute cette durée.

Par application de l’article L 1225-71 du Code du travail, la sanction de la méconnaissance de la protection du parent est la nullité. Le salarié pourra prétendre soit à réintégration assortie d’une indemnité compensatrice des salaires perdus, soit à des dommages-intérêts d’au moins 6 mois de salaire.

Pendant les périodes de protection, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie d’une faute grave ou lourde du salarié, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant du salarié (C. trav. art. L 1225-4-4, al. 2 nouveau).

A noter :

La protection accordée au salarié est similaire à celle dont bénéficie une salariée pendant sa grossesse. Elle ne devrait pas faire obstacle à l’échéance ou au non-renouvellement d’un CDD, ou à la rupture d’une période d’essai, dès lors que ceux-ci ne sont pas liés à la situation familiale du salarié. Ainsi, l’état psychologique du parent d’un enfant malade pourra constituer une circonstance atténuante dans l’appréciation du degré de gravité de la faute commise. Quant à l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, seules des circonstances indépendantes du comportement du salarié pourront être retenues : sont essentiellement visés, ici, le motif économique de licenciement et l’inaptitude physique sans possibilité de reclassement.

Le recours au télétravail facilité pour les salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche

Afin de faciliter le recours au télétravail des salariés aidants, l’article 3 de la loi prévoit qu'il appartient à l'accord collectif ou, à défaut, à la charte élaborée par l'employeur mettant en place le télétravail de préciser les modalités d’accès à une organisation en télétravail des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche (C. trav. art. L 1222-9, II modifié).

En outre, en l’absence d’accord collectif ou de charte mettant en place le télétravail, la loi prévoit que l’employeur doit motiver son refus d’accéder à la demande de recours à ce mode d’organisation du travail lorsqu’elle émane de ces mêmes salariés aidants. L’obligation de motivation de l’employeur n’est donc plus limitée, comme c’est actuellement le cas, à la demande de recours au télétravail émanant du proche aidant d’une personne âgée (C. trav. art. L 1229, I modifié).

A noter :

Selon le rapport n° 786 de la commission des affaires sociales du Sénat, l’article 3 de la loi repose sur la confiance dans le dialogue social pour fixer précisément, secteur par secteur ou entreprise par entreprise, les dispositions adaptées pour accompagner les salariés aidants dans leur accès au télétravail.

Toutefois, cet article ne peut pas concerner tous les publics : certains enfants requièrent en effet un degré d'attention quotidienne incompatible avec l'exercice d'un emploi, d'autres nécessitent une flexibilité accrue dans l'organisation des journées des parents pour gérer les rendez-vous médicaux et les allers-retours.

Au demeurant, l’article 3 de la loi présente une opportunité d'offrir davantage de flexibilité aux salariés aidants d'un proche qui jugeront bon d'avoir recours à du télétravail pour ne pas être exposés à des temps de trajet parfois longs, ou pour disposer de davantage d'autonomie dans la gestion de leur journée de travail.

Dans ce cadre, il serait opportun que l’accord collectif ou la charte mettant en place le télétravail précise la notion de « salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche » qui n’est pas définie par la loi. Cela pourrait être par référence aux bénéficiaires du congé de proche aidant mais pas nécessairement.

Des démarches administratives facilitées pour le bénéfice des allocations

Pendant le congé de présence parentale, le parent ne bénéficie pas d’un maintien de salaire, mais d’une allocation journalière de présence parentale (AJPP) qui lui est versée par la caisse d’allocations familiales pour chaque jour d’absence. Le droit à cette allocation est subordonné à un avis favorable du service du contrôle médical de la caisse, qui se prononce au vu d’un certificat médical attestant de l’état de santé de l’enfant.

La loi prévoit désormais la possibilité pour la caisse d’allocations familiales de faire l’avance de l’AJPP au parent dans l’attente de cette décision (CSS art. L 544-3, al. 1 modifié).

Par ailleurs, le doublement exceptionnel du congé de présence parentale et le versement de l’AJPP correspondant, lorsque l’état de santé le nécessite, sont actuellement subordonnés à l’accord explicite du service du contrôle médical. L’adjectif « explicite » est supprimé par la loi : cet accord peut donc désormais être tacite (CSS art. L 544-3, al. 2 et C. trav. art. L 1225-62, al. 5 modifiés).

A noter :

La loi réintroduit ainsi une mesure qui figurait à l’origine dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, mais qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier social. L’objectif est de ne pas faire peser sur les parents les retards administratifs. Le principe selon lequel le silence gardé par l’administration pendant 2 mois vaut avis favorable a donc vocation à s’appliquer (Rapp. Sén. 786).

Signalons également que la loi prévoit l’expérimentation pendant 3 ans, dans une dizaine de départements, de dispositifs visant à améliorer l’accompagnement des familles bénéficiaires de l’AJPP, notamment pour les prémunir de difficultés financières et simplifier leur parcours (loi art. 7).

Suppression de la mesure d’écrêtement des allocations pour les indépendants et les non-salariés agricoles

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 avait prévu qu’à compter du 1er janvier 2024, l’AJPP et l’allocation journalière de proche aidant accordées au travailleur indépendant, au non-salarié agricole et à leur conjoint collaborateur ne pourraient pas excéder le montant des revenus journaliers tirés de leur activité professionnelle. Cet écrêtement est supprimé (CSS art. L 168-9, al. 1 et L 544-6, al. 1 modifiés).

Certains congés pour événements familiaux sont allongés

La loi allonge la durée minimale légale de certaines autorisations d’absence en lien avec l’état de santé de l’enfant. Sont concernés les congés suivants (C. trav. art. L 3142-1 modifié) :

  • décès d’un enfant âgé d’au moins 25 ans : le congé est porté de 5 à 12 jours ouvrables ;
  • décès d’un enfant du salarié âgé de moins de 25 ans, d’une personne à sa charge effective et permanente âgée de moins de 25 ans ou, quel que soit son âge, d’un enfant qui est lui-même parent : sa durée est portée de 7 jours ouvrés à 14 jours ouvrables ;
  • annonce de la survenue d'un handicap, d'une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou d'un cancer chez l’enfant du salarié : le congé est porté de 2 à 5 jours ouvrables.

A noter :

Rappelons que ces autorisations d’absence sont à la charge de l’employeur, qui doit maintenir la rémunération du salarié (C. trav. art. L 3142-2).

En cas de décès d’un enfant du salarié âgé de moins de 25 ans ou d’une personne à sa charge effective et permanente âgée de moins de 25 ans, cette autorisation d’absence de 14 jours ouvrables est cumulable avec le congé de deuil d’une durée de 8 jours ouvrables. Ce congé ouvre droit pour le salarié à une indemnité journalière versée par la sécurité sociale équivalente à celle versée en cas de congé de maternité ou de paternité et à un complément de salaire versé par l’employeur (C. trav. art. L 3142-1-1 s. et CSS art. L 331-9).

Documents et liens associés

Loi 2023-622 du 19-7-2023 : JO 20

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